Carrefour de la francophonie au Moyen-Orient, le Liban cultive un attachement singulier à la langue française. Entre héritage historique, rayonnement culturel et défis contemporains, quelle place occupe aujourd'hui la francophonie dans ce pays plurilingue ?


Le Liban occupe une place unique dans l'espace francophone mondial. Avec environ 40 % de sa population francophone, il est un pays où la langue française ne se limite pas à être une simple langue étrangère. Il s'impose comme une langue de culture, d'enseignement et de communication. Cependant, cette spécificité est aujourd'hui confrontée à de profonds bouleversements linguistiques et sociétaux, suscitant des interrogations sur l'avenir de la francophonie dans le pays.

Des liens étroits avec le français depuis le XIXe siècle
Pour tout comprendre sur la place de la langue française au Liban, il faut remonter au XIXe siècle avec l'arrivée des missions religieuses françaises et l'installation des premières écoles francophones. Cette influence s'est consolidée durant la période du mandat français (1920-1943), faisant du français la langue de l'administration, de l'éducation et des élites intellectuelles. Depuis, le Liban a maintenu des liens étroits avec la France, rejoignant en 1970 l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en tant que membre fondateur.
La création en 2023 d'un bureau régional de l'OIF à Beyrouth témoigne de l'engagement du pays dans la promotion de la diversité culturelle et des valeurs francophones. Cet ancrage permet au Liban de renforcer ses relations avec d'autres pays francophones, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique.
Grâce à l’éducation et l’enseignement, le français se développe et s’ancre dans le pays. Par exemple, son système éducatif est bilingue. Il ne s’agit pas uniquement d’enseigner le français mais d’abord et surtout d’enseigner en français. Ce modèle, rare à l'échelle mondiale, contribue à façonner une société plurilingue où l'arabe, le français et l'anglais coexistent.
Le Liban est ainsi le pays comptant le plus grand nombre d'écoles privées francophones au Moyen-Orient.
L’apprentissage du français en léger recul par rapport à il y a 20 ans
Toutefois, cette francophonie scolaire est en recul. Alors qu'à la fin des années 1990, environ deux tiers des élèves étaient scolarisés en français, ils ne représentent aujourd'hui plus que la moitié. La crise économique que traverse le pays depuis 2019 accentue cette tendance, poussant de nombreuses familles à opter pour des écoles anglophones, perçues comme offrant de meilleures opportunités professionnelles.

Malgré ce recul, la francophonie libanaise reste dynamique, portée par une scène culturelle riche. Festivals de cinéma, expositions d'art contemporain, littérature : la langue française irrigue la création artistique du pays. L'Institut français du Liban, implanté dans plusieurs villes, joue un rôle clé dans cette vitalité culturelle, en soutenant des projets favorisant le dialogue interculturel. Mais ce n’est pas tout. La diaspora libanaise constitue également un relais essentiel pour la francophonie. Présente partout dans le monde, elle contribue à diffuser la langue française bien au-delà des frontières du Liban.
Patrimoine plurilingue où se mêle français, anglais et arabe
Au-delà de la langue, la francophonie au Liban incarne des valeurs : ouverture, dialogue et diversité culturelle. Ce patrimoine plurilingue est un atout précieux dans un monde globalisé, mais sa préservation repose sur la capacité des générations futures à conjuguer modernité et héritage.
Face à la concurrence croissante de l'anglais et aux difficultés économiques, le défi est de maintenir l'enseignement du français tout en valorisant ses apports culturels et professionnels. La francophonie reste une richesse que le Liban a tout intérêt à préserver pour continuer à rayonner sur la scène internationale.
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