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SENATEUR FRASSA – "Ce qui me gêne le plus c'est l'image que mon pays donne de lui-même à l'étranger avec cette politique"

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 23 juin 2013, mis à jour le 24 juin 2013

Christophe-André Frassa, sénateur UMP représentant les Français établis hors de France était de passage dans les locaux de l'Institut français de Barcelone mercredi dernier. Il s'est confié à notre micro pour faire le point sur les relations franco-espagnoles et nous donner, sans langue de bois, son point de vue sur différents sujets de la vie politique qui animent les deux côtés des Pyrénées.

Lepetitjournal.com : Quelles sont les raisons de votre venue à Barcelone ?
Christophe-André Frassa : J'avais assisté, lors de ma première visite en Espagne en février dernier, au lancement de l'Académie de Magie avec Fred Fogherty, Pierre-Olivier Bousquet de l'Union des Français de l'étranger et la Fondation Concepció Juvanteny. Je leur avais promis d'être là pour la fin de projet et la remise des diplômes. C'est donc pour ça que je suis ici ce soir. Je voulais boucler le cycle pour des personnes qui font un travail remarquable au niveau social (ndlr : la Fondation Concepció Juvanteny s'occupe d'enfants défavorisés en Catalogne). Cette visite est également l'occasion de rencontrer différents chefs d'entreprises pour ressentir l'atmosphère qui règne autour des sociétés et prendre la température des affaires en Espagne. Et sur un plan culturel, j'en ai profité pour visiter la Sagrada Familia que je n'avais jamais eu le temps de visiter lors de mes nombreuses précédentes visites.

On sait que les relations franco-espagnoles sont bonnes. Que peut-on faire pour les rendre encore meilleures ?
Il est vrai que nos relations sont anciennes, étroites et ont toujours été bonnes. Cela dit, il manque encore des axes structurants entre nos deux pays, notamment au niveau des transports.

Justement, qu'est-ce qui explique selon vous le retard de la mise en place de la ligne TGV entre la France et l'Espagne ?
Je ne sais pas qui de la France ou de l'Espagne dispose de moins de moyens pour réaliser un tel chantier. On ne peut passer à côté des contraintes économiques. L'Espagne est empêtrée dans une crise dont elle ne voit pas le bout. Les deux pays sont focalisés sur la création d'emploi. Un grand chantier comme celui de la ligne TGV pourrait être une raison pour redonner de l'emploi à tout le monde ? Oui ça pourrait être une solution. Mais l'autre raison est liée au fait que le TGV a du mal à sortir de ses frontières, souvent pour des problèmes de lobbying dans l'Etat dans lequel il doit passer. C'est le cas en Italie notamment. En Allemagne, cela marche mieux car on peut aller jusqu'à Stuttgart en TGV. Pour le cas de l'Espagne, la crise joue à mon avis pour beaucoup dans ce retard.

Malgré ce contexte de crise, vous conseillez encore aux entrepreneurs français de venir s'installer en Espagne ?
Oui, bien sûr. C'est peut-être naïf ou bêtement optimiste mais l'avantage d'une crise c'est qu'elle finit toujours par s'arrêter. Même si on voit que celle-ci s'installe dans l'esprit des gens et dans la réalité. Ce n'est pas le moment de lâcher, bien au contraire. Il y a des choses à faire, des secteurs dans lesquels les choses marchent. Certaines entreprises affichent un meilleur chiffre malgré la crise. La crise est générale pour les salariés mais il y a toujours des secteurs où l'on observe des plus-values. Le tourisme fait partie de ces secteurs porteurs en Espagne. Pour les personnes d'Europe du Nord, l'Espagne est une destination très prisée. Il y a un effet bénéfique car l'Espagne, en baissant ces prix, attirent encore du monde malgré la crise.

Craignez-vous que la France se retrouve dans une situation économique similaire dans un futur proche ?
On peut toujours le craindre. Mais là je vais devoir rentrer dans un domaine beaucoup plus polémique et politique. Je ne pense pas que le gouvernement actuel apporte les bonnes réponses pour qu'on y échappe. Ce que je constate, c'est que la politique fiscale menée depuis un an fait que les investisseurs étrangers réfléchissent à deux fois avant de venir en France. Les entreprises étrangères vont regarder ailleurs. Ce qui me gêne le plus c'est l'image que mon pays donne de lui-même à l'étranger avec cette politique. Cette politique est certes fidèle aux engagements pris par Mr Hollande avant d'être élu président de la République, mais je pense qu'il faudrait faire preuve de plus de pragmatisme. En matière de crise, il n'y a pas de dogme de droite ou de gauche, il faut être pragmatique et utiliser ce qui marche.

Il y a deux mois, vous avez écrit à Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, pour fustiger la décision de fermeture du Lycée français de Majorque. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Quand, en pleine crise, on annonce aux familles qu'on ferme un lycée, c'est la pire des réponses à donner. D'une part aux parents à qui l'on dit "débrouillez-vous", et d'autre part vis-à-vis du pays dans lequel on est opérateur en leur disant "votre pays ne nous intéresse plus, on s'en va". C'est un très mauvais signal envoyé. C'est pour ça que je suis monté au créneau de façon ferme pour dire que la décision de la Mission Laïque Française (MLF) était irresponsable. La preuve, ils ont reconnu qu'il y avait un souci et sont revenus sur cette décision car la fermeture du Lycée français de Majorque n'est plus d'actualité. Mais je continue à garder un ?il sur ce dossier. Les difficultés financières ne sont pas seulement liées à la gestion, elles sont également dues au fait que les familles se paupérisent. C'est un cercle vicieux et il faut redonner un cercle vertueux à cette école qui est nécessaire. Le nombre de Français à Majorque est nettement suffisant pour justifier la présence de ce lycée. On ne peut pas dire du jour au lendemain aux parents d'emmener leurs enfants dans le système éducatif espagnol. La MLF a pris la meilleure décision en revenant sur l'avis de fermeture. Les familles ont fait un sacrifice et tout le monde a fait un geste donc la décision de garder le Lycée est au final responsable. Leur première décision était sans doute un peu rapide.

Quel est votre opinion sur le processus indépendantiste lancé par la Catalogne ?
Je suis indécrottablement républicain. Au sens français du terme bien entendu, c'est-à-dire attaché à la République une et indivisible. J'ai toujours mal vécu et peu apprécié les mouvements indépendantistes. C'est facile, quand une région va bien de dire "on en a marre d'aider les autres". L'unité d'un pays se fait parce que les forts aident les faibles. Je pense que la Catalogne se marginaliserait vis-à-vis de la scène internationale en voulant jouer cette carte. Mais cela reste du ressort des Espagnols. Ce sont eux qui sont souverains et qui choisissent. En France, je me battrai toujours contre de telles idées. Imaginez si un jour en France on devait faire l'inventaire des régions qui ne rapportent rien, le territoire se réduirait énormément.

Parlons de la France et de ce qui l'a agité récemment. Vous avez voté pour le Mariage pour tous en commission des lois puis vous vous êtes abstenu en séance. Pourquoi cette démarcation par rapport au reste de votre famille politique ?
Parce que je pense que c'est un débat qui dépasse les enjeux politiques tout simplement. C'est un débat de convictions personnelles. Comme je l'avais dit au moment du vote en commission des lois, ce qui m'a motivé dans ce vote n'était pas tant de faire passer la loi. En votant pour, ça a permis que le texte issu des travaux de la commission soit celui du Sénat et non celui sorti de l'Assemblée Nationale où il aurait fallu débattre sur les amendements. J'avais dit que la barrière que je ne franchirai jamais serait celle de l'adoption plénière. C'est pour cela que je me suis abstenu en séance sur le vote de l'article 1 qui instaure ce mariage mais j'ai voté contre les autres articles et l'ensemble du texte. Cet épisode fut un "cafouillage" sur le vote de l'ensemble du texte. Le président du Sénat n'a pas soumis un scrutin public qui permettait d'avoir une comptabilité exacte de ceux qui votaient oui et ceux qui votaient non. Cela a été fait par un vote à main levée avec les 50 personnes présentes dans l'hémicycle. C'est pour cela que tous les présidents de groupes ont demandé de faire publier en annexe au journal officiel les intentions de vote. Autant j'étais pour le mariage, autant je pensais qu'il y avait d'autres solutions beaucoup plus intelligentes qui étaient de créer cette union civile qui donnait les mêmes droits. Ce qui m'a frappé, c'est l'autisme du gouvernement qui n'a rien voulu céder. C'était purement dogmatique. Le Mariage pour tous c'est comme on vous le dit, sinon vous rejetez. On ne fait pas de débat comme ça. C'est pour ça que j'ai fait partie de ceux qui appelaient au référendum. Un sujet pareil, on peut le moduler. J'avoue que ce débat restera pour moi un très mauvais souvenir car on a fait resurgir des passions au sens négatif du terme qu'on pensait ne plus voir en France. On a vu se dresser "deux Frances" l'une contre l'autre qui ne voulaient plus se parler. Et on continue à en avoir les séquelles aujourd'hui.

Deux clans qui se dressent l'un contre l'autre et qui ne se parlent plus. Cela rappelle, dans un autre registre, la guerre des chefs que votre parti (UMP) a exposé à la France en fin d'année dernière et qui a divisé la droite républicaine. Comment voyez-vous l'issue de cette discorde pour la tête du Parti ?
Je fais partie des derniers vrais républicains, au sens bonapartiste. Je n'ai pas à élire le chef de mon parti. Il s'impose à moi. C'est la tradition que nous avons à droite. On fait l'apprentissage d'une sociale démocratie qui n'est pas du tout ce à quoi j'aspire. La primaire est plus un aveu de faiblesse qu'un aveu de force. Le chef doit venir naturellement. Depuis la fondation du RPR en 1976, on n'a pas voté pour savoir qui allait être le président du parti. C'est là où on n'a pas envoyé un bon message à notre électorat. Nos électeurs n'étaient pas prêts à ce genre de désignation qui n'est pas dans la génétique de la droite française. Cela dit, nous sommes réunis sur les points essentiels. On l'a vu lors des dernières législatives. 8 partielles et 8 échecs pour la majorité. Même s'il faut reconnaître qu'ils nous ont aidé grâce à la politique qu'ils mènent. Le résultat est là en tout cas et nous avons réussi à nous recentrer sur l'essentiel qui est de préparer une alternance pour 2017.

Propos recueillis par Stéphane HODJA (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Lundi 24 juin 2013
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Publié le 23 juin 2013, mis à jour le 24 juin 2013

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