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X – Prostitution, porno : l'Espagne face au commerce du sexe

Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 22 février 2016, mis à jour le 23 février 2016

Côté français, l'Espagne est bien connue pour sa relation décomplexée au commerce du sexe, ses maisons closes en centre-ville où la prostitution semble libre ou encore ses véritables "supermarchés du sexe" à la frontière française. Pourtant, les autorités espagnoles semblent vouloir sévir, et le sujet est un véritable débat de société. Enquête.

(Photo CC Tomas Fano
La prostitution en Espagne est une activité non régulée. Son exercice libre n'est ni légal, ni illégal : si une personne décide de son plein gré de se prostituer, elle n'est pas pénalisée sur le territoire espagnol. Il est en revanche interdit de proposer ses services "dans des zones de transit public, à proximité de lieux destinés aux mineurs, centres éducatifs, parcs pour enfants ou dans les lieux où ces conduites peuvent présenter un risque pour la sécurité routière", selon modification de la loi de sécurité citoyenne 4/2015 du 30 mars 2015. L'infraction rentre dans la classification des fautes "graves", et expose son auteur à une amende allant de 601 à 30.000 euros.

PROSTITUTION ? Développement en Catalogne : merci les Français !
La prostitution à la frontière catalane s'est énormément développée ces dernières années, avec notamment l'émergence des "puticlubs", supermarchés de la prostitution organisée. La clientèle française n'a cessé de croître depuis que le racolage passif a été interdit en France. L'ouverture du Paradise à la Jonquera a ravivé la polémique

PROSTITUTION ? Les autorités madrilènes ont commencé à sanctionner les clients
La déléguée du Gouvernement à la Communauté de Madrid, Concepción Dancausa, a annoncé que la police allait renforcer la surveillance de la prostitution dans les lieux publics. La décision, annoncée vendredi dernier en conférence de presse à la sortie du Conseil local de sécurité, s'appuie sur la mise en place de la nouvelle loi de "sécurité citoyenne", qui considère que le commerce de services sexuels sur la voie publique est interdit et doit être sanctionné.

LE DERNIER PORNO ? Fermeture de l'ultime salle de ciné X de Madrid
Dimanche dernier, l'emblématique cinéma X de la calle de Duque de Alba a fermé ses portes après plus de 40 ans d'existence.

Une activité qui a besoin d'être régulée
La nécessité de réguler cette activité en Espagne a refait surface dans le débat politique lors des dernières élections générales, où certains partis l'ont mise en avant. D'une part parce que cette situation de tolérance ne permet pas aux personnes qui exercent la prostitution de s'inscrire à la Sécurité sociale, les privant d'une protection sociale, de cotisation, de droit à l'arrêt maladie, au syndicat, à la grève, aux congés payés, ou encore à la retraite. D'autre part, la dépénalisation de la prostitution laisse souvent place à ce type de réflexion : tant que les prostituées sont libres et exercent de leur plein gré dans des lieux privés, et à partir du moment où elle ne dérange personne, elles peuvent faire ce qu'elles veulent. Mais dans la réalité, ce principe de la volonté de l'exercice est difficilement vérifiable. L'association ONGD Anesvad estime que 80% des prostituées en Espagne le sont contre leur volonté.

Comment la loi est contournée avec les maisons closes
Il existe en Espagne de nombreux "puticlubs", des maisons closes où les prostituées proposent leurs services. Les plus célèbres auprès des touristes sont ceux situées à La Jonquera à proximité de la frontière française, où s'est ouvert un véritable "supermarché" de la prostitution. Comment cela est-il possible si l'activité n'est pas régulée ? Ces établissements contournent la loi en se présentant comme de simples établissements hôteliers où les prostituées séjournent. Elles doivent payer pour la location de chambres et l'entretien, mais les bénéfices de leurs activités seraient exclusivement réservés à leur bénéfice personnel. Malheureusement, ces jeunes femmes sont souvent exploitées en réalité par des réseaux mafieux exerçant sur toute l'Europe, et n'osent pas s'échapper par peur de représailles.

Lutte contre la prostitution forcée
Depuis 2013 la police espagnole mène des opérations coup de poing afin de démanteler ces réseaux illégaux et reconnaitre les femmes prostituées contre leur volonté. Récemment, l'opération "dignidad" a permis d'arrêter 37 personnes en octobre 2015 dans 11 établissements de la zone de Alt Emporda et de libérer deux femmes obligées de se prostituer sur les routes de Gérone.
En fin d'année également, une autre opération de grande envergure à Barcelone a permis d'arrêter 23 membres du réseau "Los señores del aire?, une organisation nigériane de trafic de femmes, comme le rapporte la BBC. Violentées et avec leurs passeports confisqués, les jeunes Africaines étaient obligées de se prostituer en Europe pour "payer leur dette".

Les obstacles au porno en ligne
En parallèle, les Espagnols sont de grands consommateurs de cinéma pornographique à travers Internet. Selon les données de la dernière étude annuelle menée par la plateforme spécialisée PornHub, ils sont en treizième position dans le classement dans pays qui consomment les plus de contenus pornographique à travers Internet. En 2015, les utilisateurs espagnols ont visualisé 4 milliards d'heures de vidéos. La moyenne de consommation est de 8 minutes et 14 seconde par consultation, et les Espagnols préfèrent visionner le soir après 21 heures ou bien l'après-midi à l'heure de la sieste. Malgré tout, le sujet semble encore être tabou pour de nombreuses institutions, si bien que plusieurs organismes permettant le paiement de produits et services en ligne sur Internet bloquent l'achat et la consommation de vidéos pornographiques. La plateforme de paiement PayPal refuse que ses services soient utilisés pour l'achat d'articles "considérés obscènes", ni pour "certains produits à orientation sexuelle", comme les films en ligne ou les dvd, bien qu'elle autorise en revanche leur utilisation pour acheter des sex toys. Du côté de Google, tous les "biens et services pour adultes" font partie de la liste de catégories de produits inacceptables dans la politique de paiement de l'entreprise. Même barrière avec l'entreprise de paiement via mobile Square, qui demande à ses utilisateurs de ne pas envoyer ou recevoir de paiements en relation avec des activités qui incluent des produits destinés au divertissement pour adulte, quel qu'en soit le format.

Les amendes aux clients
L'État a désormais trouvé un autre levier d'action pour contrôler la prostitution : sanctionner les clients sur la voie publique. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi de sécurité citoyenne, appelée loi mordaza, la mairie de Madrid fait la guerre aux clients des prostituées du polygone Marconi, une zone industrielle où la prostitution a pris le contrôle des routes et des rues, au grand désespoir des riverains. Une mesure qui semble porter ses fruits puisque depuis que ce sont les clients qui sont sanctionnés, la fréquentation a diminué de moitié sur cette zone, en seulement quatre mois. A Barcelone, le directeur de la police nationale, Ignacio Cosidó, annonçait il y a un an que les agents allaient augmenter la pression sur les clients des services de prostitution "jusqu'à la rendre insupportable". Mais cinq mois plus tard à Gérone, le directeur des services territoriaux Albert Ballesta regrettait que cette mesure fasse diminuer le problème mais ne le résolve pas. "Il fallait faire comme en France, comme le dicte le parlement européen : criminaliser le client et convertir en délit l'acceptation de services publics sur la voie publique. Au lieu de ça, nous avons approuvé une loi qui contemple uniquement des sanctions de caractère administratif et non pénal", expliquait-il lors d'une réunion provinciale comme le rapporte El Mundo.

La disparition des cinémas X
L'observation de la consommation de produits audiovisuels pornographiques en Espagne montre que les dvd et Internet ont eu raison des salles de cinéma pour adultes en Espagne. Le développement des technologies et l'usage d'Internet a modifié les habitudes de consommation, si bien que la dernière salle de projections de films X de Madrid a fermé ses portes en début 2015. La fréquentation des cinémas pornographiques, qui avait explosé dans le pays dans les années 1980, est aujourd'hui marginale. Il ne resterait plus que trois salles de cinéma du genre en Espagne, une à Valence et deux à Grenade.

Perrine LAFFON (lepetitjournal.com ? Espagne) Mardi 23 février 2016
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Publié le 22 février 2016, mis à jour le 23 février 2016

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