La prostitution à la frontière catalane s'est énormément développée ces dernières années, avec notamment l'émergence des "puticlubs", supermarchés de la prostitution organisée. La clientèle française n'a cessé de croître depuis que le racolage passif a été interdit en France. L'ouverture du Paradise à la Jonquera a ravivé la polémique
(AFP)
Le 21 octobre a ouvert à la Jonquera le Paradise, sorte de supermaison close, comprenant pas moins de 80 chambres. C'est de loin le plus gros établissement de ce genre dans la ville frontalière, qui en compte déjà bien assez pour la municipalité. Pour cette dernière, cette ouverture constitue un sacré revers : depuis 2006, la ville a tenté d'empêcher l'installation de l'établissement, mais le tribunal administratif a finalement donné raison au lupanar. De quoi dénaturer un peu plus la ville qui a fait du commerce du tabac, de l'alcool - et maintenant du sexe ? sa spécialité, au grand dam de ses habitants. Car au Paradise comme dans les autres bordels de la région, la clientèle n'est pas espagnole, mais bien française. Les filles, elles, viennent majoritairement d'Europe de l'Est ou d'Amérique du Sud. Un marché en pleine expansion qui doit beaucoup à la France, par seulement pour ses nombreux clients, mais aussi pour sa législation.
Exportation de la prostitution
En interdisant en 2002 le racolage passif, les autorités françaises ont poussé la clientèle à passer la frontière. La même année, un décret de la Generalitat de Catalogne organisait la prostitution dans les établissements spécialisés, entamant ainsi un processus de légalisation. Les établissements ont pullulé, les filles y travaillant indépendamment contre versement d'un loyer quotidien, dans des conditions d'hygiène garanties : préservatifs, draps jetables, serviettes sont fournies. Mais tout n'est pas si propre : les fréquentes descentes de police ont permis de sortir de l'esclavage des filles forcées d'y travailler, généralement sans papier. "Pour 99,99 % d'entre elles, elles sont victimes de réseaux", explique Jean-Louis Bévélacqua, délégué département de l'Hérault du Nid, association qui lutte depuis près de 70 ans pour l'abolition de la prostitution. Crise économique aidant, se développe un marché du sexe "low cost", jusqu'aux parkings de ces établissements, où les tarifs sont négociables et le préservatif en option. "Tous les âges, toutes les classes sociales y vont, mais une fois sur place, il y a des clubs qui se veulent plus select que d'autres", poursuit le militant.
Une offre attractive
Pour lui, les milliers de Français qui passent la frontière chaque mois sont motivés par plusieurs facteurs. "Il n'y a pas de lien à établir comme dans une relation amoureuse. On peut trouver des partenaires très belles, changer autant qu'on veut, demander des choses qu'on obtiendrait pas facilement d'une petite copine. Et puis le poids du groupe aussi. Ces jeunes calquent leur sexualité sur la pornographie, à une époque et dans un pays où les jeunes filles sont pourtant libérées". Ajoutez à cela une meilleure hygiène et des prix plus bas qu'en France, et vous obtenez une offre très attractive. "Avant ils y allaient pour acheter clopes et alcool, maintenant ils en profitent pour aller voir des prostituées. Il y aurait même des séminaires d'entreprises", affirme Jean-Louis Bévélacqua. En réaction au phénomène, Montserrat Tura, ministre de la Justice catalane, a promis un plan de régulation de la prostitution dès début septembre. Quoi qu'il en soit, le plus vieux métier du monde semble avoir encore de beaux jours devant lui. Pour les prostituées elles-mêmes, rien n'est moins sûr...
Bruno DECOTTIGNIES (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Mardi 2 novembre 2010
Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012
Publié le 2 novembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012
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