

La semaine dernière, Olivier Baussan, fondateur de L'Occitane, était à Madrid où il est venu présenté une gamme de produits cosmétiques développée en collaboration avec le pâtissier Pierre Hermé. Grand connaisseur du monde oléicole, il est aussi le créateur des marques d'huile d'olives premium Olivier & Co, puis plus récemment de la marque Première Pression Provence, qui lui ont valu de nombreux voyages au Sud des Pyrénées. "J'adore l'Espagne", glisse volontiers ce défenseur de la culture méditerranéenne. Rencontre avec un entrepreneur visionnaire et engagé, pour qui le mot "business" reste indissociable du mot "valeurs".
(Photo L'Occitane) Tout a débuté en 1975, avec un vieil alambic à lavande. Racheté à un agriculteur qui souhaitait s'en débarrasser pour garer son auto à la place, il a été à l'origine des premiers essais alchimiques d'Olivier Baussan. A 23 ans, fraîchement licencié en Lettres, ce dernier s'intéresse alors autant à l'univers paysan de sa Provence d'adoption qu'aux écrits de Giono, Mistral ou Dumas, tous originaires de la même terre. Plus peut-être même, puisque la curiosité pour les traditions et les savoir-faire l'entraînent dès 1976 à créer la marque L'Occitane, et à commercialiser sur les marchés les huiles essentielles tirées de la lavande. "A cette époque, les molécules chimiques commençaient à apparaître et tendaient à remplacer les produits naturels", se souvient-il. "Il faut remettre les débuts de L'Occitane dans un contexte, celui du choc pétrolier, et la recherche par une partie de ma génération de certaines valeurs". Valeurs : le mot est dit, il sera répété à de nombreuses reprises au cours de l'entrevue... Quelque chose lié au "partage, à l'économie directe et participative et à la sauvegarde des traditions" continue, 40 ans après, à faire briller le regard d'Olivier Baussan.
S'il a revendu en 1992 la majeure partie des parts de sa société à l'Autrichien Reinold Geiger, qui a su développer et internationaliser la marque, le fondateur reste un élément essentiel de cette dernière, qui permet d'expliquer le succès de "L'Occitane", devenue "L'Occitane en Provence" en 1994 lorsque le groupe part à la conquête des Etats-Unis. "Le nom 'L'Occitane' a été choisi dès le début, comme le symbole féminin d'un territoire", explique-t-il. "Depuis, si l'entreprise est devenue importante dans le monde, c'est aussi parce que certaines choses n'ont pas changé", estime-t-il encore. "Reinold Geiger a su faire en sorte que L'Occitane reste une entreprise familiale, il a su conserver cette vision humaine qui est à l'origine de la marque... Sinon, il y a longtemps que je serais parti". La même chose, formulée autrement, et qui en dit long sur l'enracinement de la marque dans les valeurs qui ont été à l'origine de sa création : "Il y a aujourd'hui une demande de marché vers les produits naturels où toutes les enseignes du secteur essayent de s'engouffrer", explique Olivier Baussan. "Si l'on fait encore partie de ceux qui trouvent, c'est grâce à notre sens des relations humaines".
| La collection Pierre Hermé Pierre Hermé et Olicier Baussan ont mis leur talent en commun pour créer une collection de parfums capables de rappeler à la mémoire les expériences olfactives de la Méditerrannée et de la Corse, autant d'univers que les deux amis aiment avec passion. Une collection de fragrances légères et voluptueuses déclinée dans les combinaisons jasmin-immortelle-neroli, pamplemousse rhubarbe et miel-mandarine, sur une gamme de produits allant de l'eau de toilette à la crème de mains, en passant par le lait corporel et le gel douche. Une gamme élaborée par un parfumeur au grand palais. |
"Il faut savoir rester paysan, savoir garder l'esprit paysan", précise l'intéressé. "Si L'Occitane découvre de nouvelles ressources, c'est lié à la capacité de nos équipes à ramener des histoires et des traditions tirées des territoires où elles se trouvent. La R&D n'intervient qu'après. Ce qui compte, c'est notre capacité à écouter... Toutes les gammes de L'Occitane en Provence sont basées sur une vraie recherche de traditions". Parmi les grandes découvertes, la lavande reste l'élément fondateur, à une époque, 1976, où le secteur périclitait. Les cultures mises en place par le fabriquant de cosmétique ont permis de reconstituer une filière, qui représente aujourd'hui 27.000 emplois indirects dans la région. Mais le grand succès d'Olivier Baussan reste certainement la découverte des propriétés du beurre de karité, au début des années 80, au Burkina Faso. L'exploitation de cette culture a permis de développer une gamme désormais symbolique de la marque. Mais elle a aussi été possible grâce à la mise en place, dans son pays d'origine, d'une coopérative équitable qui compte aujourd'hui plus de 12.000 employées. "Un jour une jeune Africaine est venue me voir à la fabrique à Manosque. Sa maman était l'une des premières femmes à avoir pris part à la coopérative. Grâce à ce travail, elle avait pu scolariser sa fille, qui venait me remercier. Ce sont des histoires que l'on oublie pas... Aujourd'hui la jeune fille a pris le relais de sa mère pour développer une grosse coopérative là-bas". Dernièrement, c'est l'immortelle corse, une plante aux fleurs jaunes et à l'odeur épicée, qui fait l'objet d'un travail similaire. "Une dizaine de jeunes agriculteurs ont déjà remis leurs alambics en marche et repris possession de leur territoire", sourit Olivier Baussan.
Toujours dans cette démarche d'aller à la rencontre des traditions et des savoir-faire et de les mettre en valeur, ce dernier lance en 1996, avec l'Occitane en Provence, une marque d'huile d'olives premium, Oliviers & Co. L'initiative lui aura valu de nombreux déplacements en Espagne, de même que la création en 2006, de l'éco-musée de l'olivier. Passionné du monde oléicole, il se dit animé de la volonté de "dresser un inventaire de toutes les huiles essentielles". De la Péninsule, il évoque Miravet en Catalogne, ou Baena en Andalousie, pour leurs poteries liées aux usages alimentaires, décrivant les techniques de chaque région avec la précision d'un entomologiste... Et sa passion pour le pays transpire aussi dans l'évocation de ses musées et de sa culture, émoustillée par sa présence à Madrid. Reste, avant d'aller profiter des fresques de Goya, d'évoquer le "Picasso de la pâtisserie" : Pierre Hermé, collègue, copain de voyage (en Espagne, mais en Corse aussi) à qui il a fait découvrir les vertus de l'immortelle et avec lequel il s'est lancé dans la création d'une collection de parfums. "J'ai demandé à Pierre de se comporter comme un vrai parfumeur", explique-t-il. Alliant les fragrances à la manière qu'il allie les saveurs de ses célèbres macarons, le pâtissier a été à l'origine d'un travail unique, mis en valeur par un packaging exclusif, développé par l'occasion par Olivier Baussan. "Il a été génial", estime le fondateur de L'Occitane à propos du travail de son comparse...
VG (www.lepetitjournal.com - Espagne) Jeudi 22 octobre 2015
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