

En 2011, la mairie de Barcelone adoptait un décret municipal visant à verbaliser les personnes se promenant nues ou à demi-nues dans les rues de la ville. Deux ans plus tard, les autorités dressent un premier bilan de cette action visant à redonner une image plus décente à la métropole catalane. Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté, 207 cas d'infractions ont malgré tout été recensés par la municipalité. Faire tomber la chemise peut désormais vous coûter cher.
(Photo Creative Commons Conanil)
Pendant la saison estivale, la surface du corps recouverte par du tissu devient inversement proportionnelle aux températures affichées par le thermomètre. Pour autant, certains se permettent des libertés que d'autres considèrent à la limite de l'indécence. Un comportement observé principalement chez les touristes étrangers. "Ce n'est pas parce qu'ils sont en vacances chez nous qu'ils doivent se croire tous permis", nous dit Marta, résidente du quartier Barceloneta depuis les années 70. Les jours de grande chaleur, il n'est pas rare de croiser dans les quartiers fréquentés de Barcelone des personnes revenant de la plage. Les effets qu'ils arborent témoignent d'une certaine insouciance propre à l'atmosphère des vacances. Tongs et short de bain pour Monsieur, sandales et bikini pour Madame. Ce laisser-aller vestimentaire n'est pas du goût de la mairie qui sanctionne depuis deux ans maintenant ceux et celles qui laissent leur liquette et leur civisme au vestiaire. L'objectif étant de redonner à Barcelone une image plus convenable. Le temps des visites culturelles torses nus ou du shopping en maillot de bain deux-pièces est révolu. La ville vous prie de respecter les normes sociales en vigueur.
Sur la Rambla dans le plus simple des appareils
En 2010, une première campagne d'affichage dans les rues visait à sensibiliser la population sur ces comportements inadaptés à la société civile. La campagne n'ayant pas apporté les changements attendus, Barcelone est passée l'année suivante à la fermeté en s'attaquant au portefeuille des contrevenants. Des amendes allant jusqu'à 300? sont prévues si la personne ne couvre pas le haut de son corps et la somme s'élève à 500? en cas de nudité complète. Car oui, il n'y a pas si longtemps encore, il arrivait de tomber nez-à-nez avec un homme déambulant sur La Rambla dans le plus simple appareil. Arpenter les rues en tenue d'Adam n'est donc plus possible à présent. Toutefois, avant de sortir le carnet de contraventions, les policiers doivent avertir les nudistes et semi-nudistes de la sanction qu'ils encourent et les inviter à se vêtir. En cas de refus d'obtempérer, le procès-verbal est alors dressé. Malgré l'avertissement préalable, 207 personnes ont été sanctionnées depuis 2011 pour avoir exposé tout ou partie de leur corps.
Le nudisme conforme à la Constitution
Bien évidemment, le décret ne s'applique pas aux nombreuses zones de baignade de Barcelone. Encore faut-il pouvoir définir ces zones avec précision. Des associations de défense du naturisme ont dénoncé cette mesure en invoquant son caractère anticonstitutionnel. En effet, l'article 9.2 de la Constitution espagnole de 1978 "incombe aux pouvoirs publics (?) de supprimer les obstacles qui empêchent ou entravent le plein épanouissement des personnes". Le lobby naturiste s'est lancé dans une bataille juridique pour retrouver le droit à la nudité dans l'espace public barcelonais tant que celle-ci ne présente pas un caractère graveleux. De leur côté, les représentants locaux du Partido Popular (PP) souhaitent durcir la loi et supprimer l'avertissement préalable pour une meilleure efficacité du décret.
Une mesure qui fait parler
La campagne d'affichage refait son apparition cette année dans certains quartiers fréquentés de la ville. Signe que la mairie souhaite privilégier la sensibilisation à la répression pour que les touristes renfilent une chemise. L'initiative entreprise passe plutôt bien aux yeux des Barcelonais. Nombreux sont ceux qui déplorent un manque de civisme et des situations parfois cocasses où riverains habillés et touristes dévêtus se croisent dans un commerce. On trouve tout de même des citoyens sceptiques sur les réelles intentions de la mairie, comme Eduardo, musicien de 34 ans qui arbore de longues rastas : "Je n'aime pas ces lois qui nous privent de liberté en voulant nous faire croire que c'est pour le bien de tous. Si ça continue, ils vont voter une loi pour interdire ma coupe de cheveux". Elena, mère au foyer de 29 ans, fait, quant à elle, partie de ceux qui applaudissent le décret d'interdiction. "Certains s'offusquent du port de la burqa dans l'espace public mais ne disent rien quand une femme porte un short qui laisse voir la moitié de ses fesses", dit-elle. "J'aurais tendance à condamner ces deux tenues de la même façon". Quant à Damián, étudiant en histoire, il estime que "pour retrouver une image décente, Barcelone doit s'attaquer à elle-même et non pas aux touristes".
Stéphane HODJA (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Vendredi 28 juin 2013
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