Dans le cadre de la semaine de la science, le Professeur Jean-Pierre Changeux s'est rendu à Barcelone pour une conférence sur la conscience. Le neurobiologiste français a évoqué l'aspect biologique du cerveau et les dernières recherches dans le domaine.
(Photo lepetitjournal.com)
"Il faut accepter cette réalité : notre cerveau est un système physico-chimique". C'est en ces termes que le Professeur Jean-Pierre Changeux a expliqué la base de sa thèse. Renommé pour ses travaux sur les neurotransmetteurs, ce membre de l'Académie français des Sciences depuis 1998 a fait un passage à la médiathèque de l'Institut français de Barcelone, pour tenir sa conférence "Vers une biologie de la conscience". Une soirée scientifique afin d'éclairer le public sur l'accès à la conscience chez l'Homme.
Un modèle pour comprendre, pas pour décrire
Si Jean-Pierre Changeux insiste sur le fait que notre cerveau est un système physico-chimique, c'est pour démontrer que la recherche dans le domaine neurobiologique est identique que ce soit pour les biologistes ou les physiciens. Pour ces deux champs, "la théorie précède l'expérience". Le Professeur a ainsi expliqué les travaux théoriques et expérimentaux mettant en relation expérience subjective et mesures objectives de fonctions neuronales. Concernant le cerveau, les scientifiques "essayent de faire une théorie qui permet, de manière simplifiée, de reproduire ce qu'on appelle l'accès à la conscience". Et pour cela, les chercheurs ont eu besoin de construire un modèle pour comprendre l'organisation de l'organe complexe d'1,4 kilo qu'est le cerveau. "C'est une représentation informelle qui décrit et même simule ce processus" ajoute M.Changeux. Toutefois, "le but est de progresser dans la connaissance du cerveau en étudiant certains aspects, et non pas de le décrire. Même le meilleur modèle ne représentera pas à l'identique cet organe".
La conscience, cause de l'évolution sociale du cerveau
L'information importante qu'il faut retenir, même si on soupçonnait déjà cette donnée, est le contexte évolutif dans lequel il convient de replacer le cerveau humain. "Nous sommes une espèce qui a envahi la Terre et qui la transforme irrémédiablement, tout ça à cause de notre cerveau", analyse Jean-Pierre Changeux. "Il se développe durant les quinze premières années de notre existence, ce qui représentait la moitié d'une vie chez l'Homo Sapiens". Bien sûr, notre cerveau n'est pas un objet inerte car même après quinze ans, il demeure en constante évolution. "C'est la mémoire stable par rapport à ce que nous avons vécu" précise le Prix Balzan de 1992, "cela intègre toutes les évolutions sociaux-culturelles".
Ces évolutions dans notre existence sont l'?uvre de la conscience, "un phénomène réel, naturel et biologique" dixit le professeur au Collège de France. "C'est un monde intérieur dans lequel on peut simuler des actions naturelles". Ces actions sont dictées par notre mode de vie, qui respecte le code social qu'on nous a enseigné : nous suivons des normes morales inscrites dans notre cerveau. Il nous ne viendrait pas à l'idée, par exemple, de couper la parole du conférencier au beau milieu de sa démonstration. Et en plus de notre espace conscient, nous avons des processus automatiques, de routine.
Les dernières avancées de la recherche permettent de savoir qu'il existe un million de milliards de contacts entre les cellules nerveuses de notre cervelle : "un des objets physiques les plus complexes de la planète". Par contraste, "notre capacité cérébrale est limitée car on ne peut se concentrer que sur une chose à la fois". Le Directeur de recherche à l'Institut Pasteur a d'ailleurs profité de son intervention pour faire passer des tests au public, comme le tableau "L'image disparait" de Salvador Dali, où le spectateur distingue soit un homme, soit une femme, mais pas les deux simultanément. Ainsi est la conscience.
Pierre LEPINE (www.lepetitjournal.com - Espagne) Vendredi 7 novembre 2014
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