Quelques jours après la sortie de son livre "Les Catalans", Henry de Laguérie, journaliste et correspondant à Barcelone, évoque les grands thèmes de son ?uvre et donne son avis sur la mentalité du peuple catalan. Il note également les proportions démesurées que prend la question de l'indépendance.
(Photo Minaia Llorca)
"Une qualité de vie excellente". Henry de Laguérie est heureux à Barcelone, où il réside depuis 2008. Le journaliste, correspondant d'Europe 1, de LCI, mais aussi pour Le Parisien, a même accepté d'écrire "Les Catalans", une ?uvre parue jeudi dernier aux éditions Les Ateliers Henry Dougier. "La Catalogne se trouve dans une zone géographique extraordinaire : on est près de la mer et de la montagne, le climat est optimal" raconte-t-il. "Et puis nous disposons d'un grand réseau de communications. Par exemple, nombreux sont les vols entre Barcelone et les grandes villes de France. Barcelone est une grande ville mais il n'y a pas d'encombrement. J'y vis vraiment bien".
Les Catalans, Henry de Laguerie - Essai, paru en septembre 2014. Editions Ateliers Henry Dougier Collection Lignes De Vie D'un Peuple Prix 12 euros. Pays d'accueil et lieu de passage ouvert sur la Méditerranée, la Catalogne est une terre d'avant-garde qui revendique ses racines et son histoire. Frondeurs, dissidents et anticonformistes, les Catalans ont forgé leur identité dans l'adversité. Ce peuple du nord de la péninsule Ibérique installé dans le sud de l'Europe n'a jamais renoncé à faire entendre sa différence. Lorsque les Catalans défendent leur langue et leur manière d'être, ils prônent aussi des valeurs : l'audace, l'initiative, l'entraide et le bon sens. Après trois siècles de relations tumultueuses avec l'Espagne, beaucoup d'entre eux sont décidés à larguer les amarres. Ce n'est pas une fièvre passagère, mais le résultat de longues années d'incompréhensions mutuelles et de rendez-vous manqués. La Catalogue obtiendra-t-elle son indépendance? Personne ne le sait. Mais elle luttera toujours pour ne dépendre de personne. |
Une région créative et vivante?
Outre le côté station balnéaire, Barcelone, à l'image de la Catalogne et de l'Espagne, attire par sa mentalité dynamique et créative. "C'est une ville ouverte aux étrangers, d'ailleurs elle adore la nouveauté en général. Dès qu'un immeuble ne plait plus, on le rase, on n'hésite pas. Si l'on compare à Paris, c'est édifiant. Paris restera toujours la même ville, Barcelone change tout le temps". Et ces changements sont les effets de la créativité. Que ce soit chez les artistes ou les sportifs, la Catalogne et l'Espagne ont toujours compté de nombreux talents.
Quant à la mentalité des Catalans, Henry de Laguérie pointe leur façon de se concentrer sur les aspects positifs de la vie. "Pendant longtemps, j'ai perçu ce mode de vie comme de l'apathie ou du fatalisme. Mais en fait c'est seulement de la joie de vivre, pour ne pas être dépressif" explique le journaliste. Le Carpe Diem de la population se traduit ainsi par d'abondantes fêtes nationales ou régionales, où l'osmose règne entre les voisins et la famille. "Malgré la crise, il y a toujours une dynamique" reprend-il, "ils veulent profiter de leurs loisirs. J'en connais certains qui, en hiver, réduisent leur consommation d'électricité et de chauffage afin d'avoir les moyens de sortir le soir".
? Mais étouffée par la situation politique ?
Bien sûr, Henry ne cherche pas à dresser un bilan tout rose de la région. En tant que résident, il regrette notamment les questions administratives compliquées ou le manque de certains droits sociaux que l'on trouve pourtant en France (il n'y a pas de congé maternité par exemple). Le journaliste dénonce également la couverture des médias espagnols "étouffante" selon lui sur l'inévitable question du référendum. "Ça occupe toute la scène et ça m'épuise. Il y a d'autres sujets comme la crise et ça passe au second plan. On est catalogué soit pour, soit contre l'indépendance. Les plus nuancés peinent à s'exprimer", déplore-t-il. C'est pourquoi le thème de l'indépendance, dans ses récits, n'est pas majoritaire. S'il n'a pas d'avis tranché sur le sujet, l'auteur constate que "la Catalogne et les indépendantistes se battent pacifiquement et légalement, en essayant d'épuiser tous les recours juridiques. Mais ce sera vain. En revanche, il est dommage que Madrid n'apporte pas d'autres solutions pour aider la région".
Mais dans "Les Catalans", au-delà de sa propre expérience dans la région depuis six ans, Henry de Laguérie voulait rencontrer différentes personnes dans des contextes distincts. Ses entrevues permettent de mieux comprendre la Catalogne. Il a ainsi été bouleversé par la pauvreté de Ciutat Meridiana, au Nord de Barcelone, où les enfants ne mangent pas à leur faim, et par les expulsions immobilières fréquentes dans la région. Il y recueille aussi l'expertise d'Antoni Castells, ancien ministre de l'Economie, qui résume l'histoire économique et la différence de culture entre la Catalogne et l'Espagne ; ou encore de Ferran Requejo, professeur de sciences politiques, à propos du pourquoi de l'indépendance. A travers une quinzaine de témoignages, Henry ne cherche pas forcément à convaincre. Son but, "faire comprendre tout ce qui se passe en Catalogne". Et ainsi mieux connaître nos voisins.
Pierre LEPINE (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 23 septembre 2014
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