

Le succès de la coalition Convergencia i Unio, dimanche aux élections catalanes, marque un pas vers plus d'autonomie pour la Catalogne. Côté français, si les ambitions ne sont pas encore les mêmes, l'identité catalane tend elle aussi à s'affirmer de plus en plus. Entretien avec Jordi Vera, président de l'aile française de Convergencia democratica de Catalunya, le parti majoritaire de la coalition nationaliste
(Artur Mas, lors de sa victoire dimanche dernier / Photo gracieusement fournie par Laurence Rékas)
Lepetitjournal.com : Qu'est-ce que Convergencia democratica de Catalunya (CDC) ?
Jordi Vera : C'est un parti politique créé en 1974 par Jordi Pujol, qui a gouverné la Catalogne pendant 23 ans au sein de la coalition Convergencia i Unio, et qui, après sa victoire éclatante aux élections ce dimanche, est la principale force politique de Catalogne du sud, avec 62 députés, pour 28 sièges au second parti, le Parti socialiste Catalan (PSC). C'est un parti centriste, social-démocrate, dont l'objectif est le bien-être de la Catalogne.
Quelles sont ses proportions du côté français de la frontière ?
En France, CDC a été fondé en 2006 dans les Pyrénées orientales, qui correspondent à la partie française de la Catalogne historique. C'est donc une implantation toute récente. Mais nous avons déjà un certain nombre d'élus, moi-même qui suis conseiller municipal à Perpignan, mais aussi quelques maires. Nous n'avons pas d'élus au Conseil Général car les dernières cantonales ont eu lieu avant notre implantation en France, mais comptons bien changer la donne aux prochaines élections. Aux dernières régionales en Languedoc-Roussillon, nous nous étions alliés à une frange du parti socialiste, avec qui nous n'avons pas fait les 10% nécessaires pour nous maintenir au second tour. Nous n'avons donc pas d'élu au Conseil Régional.
Les Pyrénées orientales sont un des départements les plus pauvres de France, avec un chômage important, et une forte émigration de notre jeunesse, qui ne voit aucune perspective ici. De l'autre côté de la frontière, nous avons une région proche géographiquement et culturellement, et dont l'importance économique ne cesse de croître. Puisque la République n'a pas su développer notre département, et étant donné que l'Union Européenne offre de nombreuses possibilités de coopération transfrontalière, nous proposons que les politiques de développement du département se tournent vers la Catalogne du Sud, qui représente une réelle opportunité. Syndicats, patrons ou encore Chambre de commerce le comprennent bien. Ce qui compte, c'est de trouver autant que possible des solutions locales aux problèmes locaux, selon le principe de subsidiarité défendu par l'Union Européenne.
Y a-t-il une vraie identification de la population de Pyrénées orientales à l'identité catalane ?
De plus en plus. Il y a quelques décennies, le Catalan était vu comme le langage des bouseux. Aujourd'hui il est enseigné à l'école, et les écoles associatives connaissent un succès considérable. Il y a eu un changement important dans la perception de la population, certes, mais ici, le Catalan n'a jamais été perçu comme un patois, ça a toujours été la langue nationale. Et n'oublions pas les nombreux édifices qui rappellent ce qu'a été l'État catalan, à commencer par le palais des rois de Majorque, ici à Perpignan. La Catalogne est l'une des plus vieilles nations européenne.
Et un futur pays à part entière ?
Qui peut le dire, à l'heure où l'on parle de plus en plus d'une Wallonie réintégrée à la France ? Ce qui est sûr, c'est que l'Europe est en train de se restructurer, sans violence. CDC promeut le droit à l'autodétermination comme principe fondateur, où que cela puisse mener, l'ultime conséquence étant un État indépendant. Dimanche, ce que proposait CDC en Catalogne du Sud, c'était l'indépendance fiscale, qui a remporté une large majorité. Nous sommes tous Européens, et, Français ou Espagnols, Catalans avant tout. C'est une spécificité française que de lier l'État à la nationalité. Une chose est sûre, le succès de CDC en Catalogne du sud traduit une volonté d'indépendance de la part des Catalans, et rapproche donc la perspective d'une Catalogne indépendante. Un discours qui n'est pas entendu à Madrid : les Catalans y sont vus comme des enquiquineurs, mais le gouvernement a pourtant besoin de nous, si Zapatero veut remporter les prochaines élections espagnoles : nous sommes la troisième force politique du pays. Ça n'est sans doute pas un hasard si il vient d'annoncer la privatisation de l'aéroport de Barcelone, que nous réclamons depuis 30 ans.
Qu'en est-il de l'identité catalane dans les autres communautés d'Espagne ?
On est de tout c?ur avec notre parti "frère", le bloc nationaliste valencien, dont nous espérons un bon score aux prochaines élections. Aux Baléares, nous sommes la troisième force politique de l'île. Et en Aragon, nous seront présents pour la première fois aux élections l'an prochain. Au même titre que la France défend la francophonie et l'Espagne le castillan, CDC défend la culture catalane partout où elle est implantée. N'oublions pas qu'historiquement, le Catalan a été parlé jusqu'à Salonique, mais aussi en Algérie, en Tunisie... Aujourd'hui encore, le catalan est parlé jusqu'en Sardaigne.
Propos recueillis par Bruno DECOTTIGNIES (www.lepetitjournal.com - Espagne) Jeudi 2 décembre 2010







