Édition internationale

DÉBAT - Quelle est la position de l'Espagne sur la gestation pour autrui?

Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 8 mai 2017

Face à l'augmentation des délais pour obtenir une adoption, de plus en plus d'Espagnols choisissent une autre voie pour devenir parents et former une famille, notamment le recours à la gestation pour autrui. Cette nouveauté amène les politiques espagnols à remettre sur la table ce dossier afin de questionner la législation en vigueur. Mais qu'en est-il réellement de la loi en Espagne et des débats autour de la question? Retour sur la situation et sur la comparaison avec la France.

(photo domaine public) Samedi dernier, ils étaient une centaine à manifester devant l'Hotel Weare de Madrid, où se tenait le salon sur la gestation pour autrui Surrofair 2017, pour dénoncer l'organisation de cet événement faisant l'apologie d'une pratique illégale en Espagne. Il s'agissait de journées d'informations réunissant des professionnels de la santé et des cliniques spécialisées dans la reproduction assistée pour discuter et débattre sur la gestation pour autrui. Le but de ce salon était aussi d'informer les Espagnols sur les destinations où il est possible de réaliser cette pratique ainsi que les démarches à suivre spécifiques à chacune d'entres-elles. Pour cela, des ateliers et des discussions avaient lieu sur différents thèmes le 6 et le 7 mai dernier. Le réseau étatique contre la gestation pour autrui s'est positionné contre cet événement qui selon lui, utilise les femmes et les enfants comme des objets et a demandé l'annulation du salon. En ce sens, on s'aperçoit que la question divise et est un vrai sujet actuel de société.

Que dit la législation espagnole?
Si dans certains pays comme les États-Unis, le Canada ou encore l'Ukraine la gestation pour autrui est autorisée, ce n'est pas le cas dans la péninsule. En effet, l'article 10 de la Loi 14/2006 sur les Techniques de Reproduction Humaine Assistée interdit cette pratique et mentionne le fait que le contrat entre la mère porteuse et les parents intentionnels est nul, révélant bien qu'il est impossible de réaliser une gestation pour autrui en Espagne. Dans la mesure où le temps pour obtenir une adoption est de plus en plus long (environ huit ans), un nombre croissant d'Espagnols recourent désormais à cette pratique dans des pays où elle est autorisée. Devant ce constat, le ministère de la Justice a approuvé une norme facilitant la filiation des mineurs : l'Instruction de Direction Générale du Notariat (DGRN) en 2010 permettant d'inscrire ces enfants nés par gestation pour autrui dans le Registre Civil espagnol. Toutefois, ceci n'est possible que sous certaines conditions. En effet, pour cela, il faut que dans le pays où a été réalisée la gestation pour autrui, la filiation soit établie par une résolution judiciaire d'un tribunal compétent mais aussi que les conditions de la pratique soient légales dans le pays où elle a été réalisée pour pouvoir être reconnue et homologuée en Espagne. On remarque donc que la législation laisse une possibilité de réalisation de la gestation pour autrui à l'étranger, dans les pays autorisant la pratique, malgré son interdiction sur le territoire espagnol. 

Une question d'actualité
Malgré cette législation, le sujet fait débat entre les partisans d'une acceptation de ce processus et les réfractaires. En effet, certains estiment que les évolutions de la société amènent à reconsidérer la question et à aller vers une plus large acceptation de la gestation pour autrui. D'autres font valoir des arguments éthiques pour s'opposer à cette idée. Les partis espagnols sont eux-aussi divisés et seul Ciudadanos a une position clairement définie sur la question puisqu'il est favorable à la régularisation de la pratique. De leur côté, PSOE et PP sont fracturés en leur sein. Javier Morolo, vice-secrétaire du PP, a annoncé fin janvier que le parti débattrait lors de son congrès national sur la possibilité de réguler cette pratique en Espagne. De son côté, Lourdes Méndez, de la branche conservatrice du PP, s'est opposée à la discussion, qualifiant la gestation pour autrui d'attaque à la dignité de la femme mais également pour des motifs religieux. D'autre part, en janvier dernier, la Catalogne est devenue la première communauté autonome à reconnaître les parents d'enfants nés par gestation pour autrui si cette dernière avait eu lieu dans un pays où la pratique est autorisée. Elle a également mis en place une mesure facilitant les congés maternité et paternité des travailleurs publics deux mois après que la Sécurité Sociale ait inclus la gestation pour autrui dans ses grilles. Quoi qu'il en soit, la question est débattue en Espagne et promet d'être un sujet à prendre en compte dans les prochaines années. 

Qu'en est-il de la France?
En France, la gestation et la procréation pour autrui sont interdites depuis une décision de la Cour de Cassation de 1991. La décision ne s'est réellement formalisée qu'en 1994 avec les lois bioéthiques, ainsi que par l'article 16-7 du Code Pénal qui dit que "toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle". Toutefois, depuis juin 2014, suite à un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme, les enfants nés à l'étranger et ayant des parents intentionnels français peuvent demander la nationalité française. Il n'en reste pas moins que la France a refusé à plusieurs reprises l'octroi de la nationalité après des demandes de ce genre, ce qui a entrainé des condamnations de la part de la Cour européenne des droits de l'homme. Ce fut notamment le cas en 2016 lorsque l'État français a refusé de reconnaître des enfants nés en Inde et à Mumbaï par gestation pour autrui dans le cadre de l'arrêt Foulon et Bouvet c. France. Ainsi, l'Hexagone est réprimandé au sujet de sa conception de la gestation pour autrui, et notamment pour sa position plus stricte sur la question, par rapport à l'Espagne.

Clémentine COUZI (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 9 mai 2017
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Publié le 8 mai 2017, mis à jour le 8 mai 2017
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