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BREXIT - Quel avenir pour Gibraltar?

Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 4 avril 2017

Alors que les négociations sur les conditions de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne vont pouvoir réellement débuter, persiste le cas épineux de la situation de Gibraltar, qui défraie depuis quelques jours la chronique. En donnant le dernier mot à l'Espagne pour l'extension des accords à Gibraltar, le Conseil européen a ouvert un espace de tensions entre le Royaume-Uni, la péninsule et Gibraltar.  

(photo domaine public) Mercredi dernier, la procédure de divorce entre le Royaume-Uni et le reste de l'Union européenne a été définitivement actée, neuf mois après la décision des Britanniques de quitter l'Europe. En effet, la première ministre Theresa May a signé la lettre sollicitant le retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, remise à Bruxelles, au président du Conseil européen Donald Tusk. En invoquant l'article 50 du Traité de Lisbonne relatif à l'établissement des conditions de sortie, le Royaume-Uni lance la procédure de déconnexion du reste de l'Europe. Dans un délai maximal de deux ans, les deux parties devront s'accorder sur les conditions du divorce et sur les nouvelles relations les liant. Ce sont ainsi plus de 20.000 lois qui sont à négocier, dont le statut de Gibraltar qui fait débat dans la presse et entre les parties.

La situation de Gibraltar
Avec une population de 33.000 habitants, Gibraltar fait partie du Royaume-Uni depuis 1713, date à laquelle l'Espagne lui a cédé le territoire, à la fin de la Guerre de Sécession espagnole. Cette cession s'est réalisée sous le Traité d'Utecht. Depuis, il n'a cessé d'être un terrain de disputes récurrentes entre Madrid et Londres. L'Espagne a en effet cherché à plusieurs reprises à récupérer le territoire ou à obtenir une souveraineté partagée, chose toujours refusée. La situation est donc historiquement compliquée pour Gibraltar, ce qui ne risque pas de s'arranger avec le Brexit, et ce, contre sa volonté. En effet, lors du vote du 23 juin dernier, les habitants de Gibraltar ont voté massivement pour rester dans l'Union européenne puisque de près de 96% de la population a voté en faveur du "remain". De ce fait, ils doivent désormais tenter de négocier eux-aussi leur futur, en sachant qu'ils auraient préféré continuer à faire partie de l'Union européenne.

Les points de débat
Les tensions avaient débuté dès l'après-référendum et le résultat fracassant du Brexit. Le ministre espagnol des Affaires Étrangères de l'époque, José Manuel García-Margallo, avait, au vue des positions de Gibraltar, proposé la mise en place d'une souveraineté partagée entre Madrid et Londres afin que Gibraltar puisse maintenir son accès à l'Union européenne une fois la séparation enclenchée. Cette proposition avait été fermement rejetée à la fois par le Royaume-Uni mais aussi par Gibraltar lui-même. Les tensions ont ressurgi la semaine dernière, avec la présentation du projet "d'orientation de négociations" de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne par le président du Conseil européen, Donald Tusk. Ce papier propose que l'Espagne ait un droit de regard sur les futures relations de Gibraltar et de l'Europe une fois le Brexit acté. Très concrètement, ce document mentionne le fait qu'aucun accord avec l'Union européenne ne sera possible sans que l'Espagne n'y consente, offrant de ce fait un droit de véto à la péninsule et un pouvoir sur le futur de Gibraltar. Envoyé aux gouvernements nationaux, le projet sera voté par les leaders européens dans sa version définitive le 29 avril prochain, lors d'un sommet extraordinaire regroupant les vingt-sept États membres. C'est la première fois que le Conseil européen sort de sa neutralité au sujet de Gibraltar, chose pouvant s'expliquer par le fait que le Royaume-Uni n'en fera bientôt plus partie, obligeant le Conseil européen à défendre la posture espagnole dans ce débat. Les réactions à cette annonce ne se sont pas faites attendre: Theresa May a immédiatement réaffirmé "son absolu engagement à appuyer Gibraltar, son peuple et son économie". Elle s'est également engagée à ne pas prendre de décision allant à l'encontre des désirs des habitants de Gibraltar, notamment concernant la souveraineté et s'est dit prête à se battre pour que Gibraltar ait sa place dans les négociations. De son côté, Fabian Picardo, ministre principal de Gibraltar, a accusé le gouvernement espagnol "de manipuler le Conseil européen" et de faire de la situation une question bilatérale. Il a également rappelé que le Brexit était une situation suffisamment compliquée et que l'Espagne ne devait pas contribuer à rajouter des difficultés. Il a réaffirmé sa volonté de faire partie des négociations et qualifié la décision du Conseil européen "de manifestation claire de l'attitude prédatrice et prévisible de l'Espagne". Enfin, la péninsule, à l'image de son ministre des Affaires Étrangères, Alfonso Datis, s'est réjouit du document européen.

Quels sont les scénarios possibles?
Face à ces tensions, plusieurs cas de figure peuvent se développer quant au futur de Gibraltar. Tout d'abord, la solution de revenir à la position du traité d'Utrecht qui signifie une fermeture des frontières comme ce fut le cas à l'époque franquiste. Ainsi, une fois le Brexit acté, l'Espagne aurait le choix d'ouvrir ou de fermer sa frontière à n'importe quel moment et suivant son bon vouloir, ce qui serait néfaste pour Gibraltar. Toutefois, ce scénario semble peu probable, compte tenu de la forte population d'Espagnols qui traverse tous les jours la frontière pour aller travailler à Gibraltar. De plus, Alfonso Datis a promis que l'Espagne n'avait "pas l'intention de fermer la frontière" pour permettre aux près de 10.000 "Espagnols qui vivent à Campo de Gibraltar et qui travaillent à Gibraltar de continuer à la faire". Autre cas de figure, choisir la souveraineté partagée. Là encore, cette possibilité semble délicate dans la mesure où les habitants de Gibraltar ont rejeté à 99%, lors d'un référendum en 2002, l'idée de mettre en place une souveraineté partagée. Ce résultat avait mis fin au projet élaboré entre le gouvernement Blair et celui d'Aznar pour établir un texte à ce sujet. Ce document prévoyait de permettre aux habitants de Gibraltar de conserver leurs traditions, leurs coutumes et leurs modes de vie. En parallèle, il octroyait à Londres et Madrid une capacité d'action sur des questions de défense, de relations étrangères, d'espace maritime et aérien ou encore d'immigration. Concernant la nationalité, il proposait de conserver la nationalité britannique et d'accéder, pour ceux le désirant, à la nationalité espagnole. Ce texte pourrait servir de base à un possible projet allant dans ce sens de souveraineté partagée. Toujours est-il que la situation est encore floue et que le futur de Gibraltar conserve encore des points d'interrogations, à l'image des véritables conséquences du Brexit en Europe. 

Clémentine COUZI (www.lepetitjournal.com - Espagne) Mardi 4 avril 2017
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Publié le 3 avril 2017, mis à jour le 4 avril 2017
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