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ANARCHISME A BARCELONE – Histoire d’un mouvement politique spécifique à la Catalogne, d’hier à aujourd’hui

Écrit par Lepetitjournal Barcelone
Publié le 15 juin 2015, mis à jour le 15 juin 2015

Actifs dans les années 30 et particulièrement dans leur résistance au franquisme, les anarchistes catalans jouissent d'un certain crédit romantique, qui se retrouve aujourd'hui encore dans des mouvements contestataires. Retour sur plus de 100 ans d'histoire.

Fondée en 1910 dans la capitale catalane, la Confédération Nationale du Travail (CNT), organisation anarcho-syndicaliste, a joué un rôle prépondérant dans le mouvement révolutionnaire qu'a connu la Catalogne dans les années 30. Elle tire ses origines des noyaux ouvriers anarchistes militants des années 1860, très influencés par les idées anti-autoritaires du philosophe russe Bakounine. Les racines de la CNT proviennent d'une organisation appelée la Solidaridad Obrera, née un peu plus tôt en 1907 et qui regroupait plusieurs syndicats catalans. A l'origine organisation régionale, elle ne tardera pas à prendre de l'ampleur en passant à un cadre national : ainsi est créée la CNT, très vite déclarée illégale après sa création, en 1911.
La crise industrielle qu'a connue la Catalogne à partir de la fin du XIXe a été le moteur principal des esprits révolutionnaires. Le textile, à l'époque secteur industriel majeur dans la région, ne rapporte plus, tandis que les nouveaux secteurs comme la navigation ou les chemins de fer ne suffisent plus à préserver un taux de croissance positif. Tout au long des deux premières décennies du XXe siècle, l'industrie catalane est paralysée. Des milliers de travailleurs rejoignent alors les rangs de la CNT, qui, en 1919, ne compte pas moins de 800.000 adhérents.
Sous un climat tendu, l'organisme continue de se développer.

La révolution sociale de 1936
Les 17 et 18 juillet 1936, les nationalistes tentent un coup d'Etat militaire dirigé contre la Seconde République Espagnole. L'échec de la tentative est à l'origine du déclenchement de la guerre civile espagnole, et de la révolution sociale de 1936.
Le 19 juillet, en Catalogne comme dans certaines parties de l'Espagne, les travailleurs prennent les armes, chassent les partisans du pouvoir militaire, arrêtent les insurgés et barricadent les rues. Mais la révolution sociale ne s'arrête pas là : les syndicats ouvriers de la CNT sont puissants, et implantent des entreprises collectives dans de nombreux domaines tels que les commerces, la pêche ou encore les spectacles publics. Ils assurent également la gestion des usines de textiles, ainsi que des transports publics de Barcelone. En quelques jours, 70% des entreprises et des commerces de la ville passent aux mains des travailleurs.
Au-delà de l'aspect économique, cette révolution sociale est caractérisée par la libération d'un nouvel esprit culturel et moral, dont Barcelone garde encore les traces aujourd'hui. C'est précisément à cette époque que sont créés les premiers « athénées populaires » (Ateneu Popular), encore en activité de nos jours. Ces lieux servent à l'époque de centres culturels où les protagonistes de la révolution se rencontrent, échangent leurs idées et développent leur formation idéologique. Déjà à l'époque, de nombreux cours, excursions, activités et débats sont proposés gratuitement, ainsi que des bibliothèques dont l'accès est ouvert à tous.

L'héritage anarchiste de Barcelone
Centres sociaux autogérés, assemblées de quartier, squats d'habitation? Le paysage politique alternatif de Barcelone reste aujourd'hui caractérisé par ces différentes formes de luttes autonomes.
Les "Ateneu Popular" sont très présents au sein de la vie sociale de la ville. Certes, ils ne servent plus de bastion aux ouvriers anarchistes catalans, mais les événements, activités et débats qu'ils mettent en place sont bien ancrés dans les pratiques quotidiennes des Barcelonais. Ce sont des espaces culturels qui permettent le développement d'une vie communautaire de quartier, où sont proposés de nombreux ateliers, activités, débats ou encore soirées-événement, tout cela gratuit ou à prix réduits. Certains d'entre eux se revendiquent même encore anarchistes, c'est le cas de l'Ateneu Anarquista de Poble Sec qui a été inauguré en 2013.
De ces formes de rassemblements, découlent également des assemblées de riverains, très présentes notamment dans les quartiers de Sants et de Poble Nou. Cette figure de quartier fait aussi partie de l'héritage anarchiste : autonome, qui organise une vie locale? Les manières violentes et illégales pour lutter ont généralement disparu, mais l'aspect solidaire des coopérations locales perdure encore.

Le mouvement Okupa et le 15M
En réponse à une politique capitaliste qui ne correspond plus aux valeurs de certains et qui en déçoit plus d'un, le mouvement Okupa est également un exemple phare des traces anarchistes qui se maintiennent à Barcelone. Il a émergé avec force au milieu des années 90 avec l'ouverture de nombreux squats, période durant laquelle l'occupation devient une nouvelle forme de contestation. Les Centres Sociaux Okupa ne se limitent pas seulement au fait d'occuper des logements désaffectés, mais représentent également un véritable état d'esprit : en organisant des rencontres culturelles et politiques, ses membres prônent une réelle entraide au niveau local, de la ville mais aussi et souvent du quartier.
Sous forme d'action sociale, le mouvement Okupa consiste à donner une utilité à des logements abandonnés : les personnes engagées les transforment en terres à cultiver, en lieux de réunion, en centres socio-culturels ou encore en logements. Le motif ? Dénoncer une politique capitaliste qui ne leur convient plus, et répondre aux difficultés économiques actuelles en prônant le droit au logement pour tous.
Ces pratiques d'autogestion spontanées tirent directement leur source ? dans une moindre mesure ? de l'esprit libertaire moral et culturel qui a pris forme durant la révolution sociale de 1936.
En 2011, le mouvement du 15M a d'autant plus réveillé les revendications des associations de quartier. A l'origine, ce mouvement des Indignés n'a pas de lien avec les organisations locales : il est une revendication globale, qui investit les places centrales des grandes villes. La Puerta del Sol à Madrid, ou encore la Plaça de Catalunya à Barcelone. Cependant, la diffusion de ce mouvement à échelle locale a permis la rencontre de différentes associations entre-elles qui se sont réinvestit dans les luttes de quartier et les revendications urbaines. Le 15M a été par définition une mobilisation pacifique en Espagne, afin de dénoncer les mécanismes d'une crise qui paraissait sans fin. Il a conduit à retrouver une nouvelle fois cette forme de mobilisation solidaire qui marque l'histoire politique de l'Espagne et de Barcelone depuis les prémices du XXème siècle.

Société peu syndiquée et considérablement déstructurée durant 35 ans de franquisme, les assemblées de quartier ont d'abord été créées afin de lutter contre la répression de la dictature. La tradition ne s'est jamais vraiment effacée des habitudes catalanes : Barcelone regroupe aujourd'hui une vie très forte de quartier, caractérisée par l'activité d'une multitude de centres autogérés qui revendiquent leur pouvoir de s'organiser en autonomie et d'assurer une vie sociale et culturelle alternative à Barcelone.

Alexia RICARD (www.lepetitjournal.com ? Espagne) Mardi 16 juin 2015
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Publié le 15 juin 2015, mis à jour le 15 juin 2015

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