Plus de 100 jours sont écoulés depuis l'élection d'Ada Colau à la mairie de la seconde ville d'Espagne. L'opposition ne manque pas de critiquer les agissements de la première femme maire de Barcelone, estimant que son parti n'a pas de programme et se soucie surtout de son image et de sa popularité. Pourtant, les premières mesures initiées par Colau font bien partie de sa feuille de route les six premiers mois de gérance. Depuis le début de son mandat, la maire a dû affirmer ses choix, se positionner face à l'opposition, mais a aussi provoqué des vagues de contestations. Bilan.
(Photo CC Barcelona En Comú)
Début le début de sa campagne, Ada Colau a communiqué clairement ses intentions pour la ville : en finir avec les privilèges et répartir les richesses générées par Barcelone à sa population, et à ceux qui en ont particulièrement besoin. En conséquence, le plan de Barcelona en Comú pour les premiers mois de mandat était constitué de quatre champs d'action principaux : créer de l'emploi "digne", diversifier le modèle productif, garantir les droits basiques, revoir les privatisations et les projets contraires au bien commun. Cette nouvelle répartition "plus juste" des ressources lui a valu de nombreuses critiques, notamment lorsqu'elle expliquait qu'il est plus logique de prioriser le financement des cantines plutôt que des évènements de Formule1 (en référence au GP España). Barcelona en Comú a confirmé sa stratégie ce mois-ci, avec une modification du budget de la ville afin de destiner 96 millions d'euros aux politiques sociales de la Mairie. Elle prévoit d'investir 40,9 millions d'euros en amélioration de l'urbanisme et de l'espace public, 29,4 millions seront destinés à des mesures sociales directes et à l'enfance, 12,7 millions serviront à favoriser l'accès à l'habitat pour tous, 5,8 millions à la rénovation des équipements, 4,3 millions aux services généraux et enfin 3 millions d'euros pour l'impulsions de l'économie coopérative. `
De plus, pour "en finir avec les privilèges", la nouvelle maire a abaissé son salaire mensuel à 2.000 euros, et a annulé les voitures officielles et autres privilèges pour elle et les autres membres de la Mairie.
Des mesures à saluer pour l'accès à l'habitat
En tant que membre fondateur de la PAH, la plateforme pour les personnes touchées par l'hypothèque immobilière et les expulsions, Colau a également fait du droit au logement une des priorités dans sa ville. Si son expérience d'activiste en la matière est indéniable, il lui fallait des mesures légales pour initier un véritable changement. Ainsi, la mairie de la ville a convoqué avant l'été un comité mixte au cours duquel il a été déclaré que les banques qui possèdent des appartements vides depuis plus de deux ans et qui ne les mettent pas à la disposition des expulsés seront sanctionnées. Colau a rappelé à l'occasion que seulement 2% des logements de Barcelone font partie du parc public, ratio qui est de 15% pour les autres villes européennes. Aujourd'hui, Ada Colau a mis sa menace a exécution : elle vient de sanctionner les banques BBVA, Banco Sabadell et la Sareb, qui possèdent des habitations vides depuis plus de deux ans, à payer une douzaine d'amendes d'un montant de 5.000 euros chacune.
Les polémiques de son début de mandat : - Le recrutement de son époux comme Responsable de relations politiques - La nomination de la nouvelle directrice de communication, Águeda Bañón, ancienne activiste pour la liberté sexuelle qui a tenu un blog de "pornographie alternative" - Le retrait de la sculpture du buste du roi Juan Carlos de la salle plénière de la mairie - La révélation du salaire annuel de 109.000 euros de son prédécesseur Xavier Trias. - L'installation d'urinoirs publics (ouverts) dans Ciutat Vella comme test jusque fin septembre |
Des décisions économiques qui inquiètent certains secteurs
Sur le plan économique, les intentions et les déclaration d'Ada Colau ont été reçues avec une certaine méfiance, voire beaucoup de crainte pour certains professionnels. Le tourisme semble ainsi être la bête noire de Barcelona en Comú. Dès la campagne électorale, le parti d'Ada Colau s'était érigé en porte-parole des Barcelonais qui souffrent des effets négatifs du tourisme et avait exprimé sa volonté de mettre en place un modèle touristique qui soit plus bénéfique aux locaux. Une ordonnance sur les terrasses des bars et restaurants de la ville, initiée par le maire précédent Xavier Trias, a ainsi été contestée par Colau qui estime que la règlementation ne respecte pas assez les riverains. De quoi se mettre les restaurateurs de la ville à dos. Le texte devrait finalement être discuté à la fin du mois, en présence de représentants des restaurateurs et de représentants du voisinage. Toujours dans le secteur touristique, la mesure qui a suscité le plus de réactions est sans doute l'arrêt des délivrances de licences touristiques durant un an pour les complexes hôteliers de la ville. Une décision qu'Ada Colau justifie sans problème face au tourisme néfaste par subi par la ville. "Il s'agit d'éviter que certaines zones de la ville ne se convertissent en véritable parc d'attraction, portant préjudice aux riverains et parfois aux touristes eux-mêmes" déclarait-elle en début d'été. Si les professionnels du secteur hôtelier sont d'accord pour discuter d'un modèle touristique durable, ils soulignent les dangers du moratoire imposé par la nouvelle Mairie. Ils estiment que la mesure pourrait faire perdre 1,4 milliard d'euros à la ville. A l'image de la décision du groupe hôtelier Bestprice, qui a reporté son projet de 1 million d'euro sur la ville de Valence à la suite de cette mesure.
Mobilité : relier les deux lignes de tramway par l'avenue Diagonal
Cela faisait partie des actes que Barcelona en Comú promettait de réaliser dans les cent premiers jours à la suite de son élection : présenter un rapport pour initier le projet de connexion des deux parties du Tranvia, le tramway barcelonais, en passant par la grande avenue Diagonal. Pari réussi, puisque la ville a présenté la semaine dernière un rapport démontrant que la Diagonal est l'axe "le plus sûr, le moins coûteux et le plus simple" pour relier les deux lignes de tramway de la ville, Trambesòs y el Trambaix. Cette étude, visant l'évolution vers une mobilité durable en ville, a justement été présentée lors de la semaine de la mobilité en Europe.
Les pactes politiques et le processus nationaliste
Barcelona en Comú a accédé à la Mairie avec une minorité de sièges au conseil municipal. De ce fait, l'un des enjeux des premières semaines suivant les élections était de créer des alliances permettant de faire valider plus facilement les décisions du nouveau groupe de direction. Dès sa nomination, Ada Colau avait affirmé vouloir ouvrir le dialogue en priorité avec les partis ERC, CUP et PSC. Si ces partis ont naturellement fait confiance à Colau face au maire sortant de CiU, les groupes séparatistes ont été surpris de voir Barcelona en Comú s'écarter du processus indépendantiste. Ada Colau a refusé d'adhérer à la feuille de route pour le processus nationaliste catalan, ou de participer à la Diada de cette année. Elle s'est abstenue, comme tous les membres de Barcelona en Comú, lors du vote pour l'adhésion de la ville à l'Association de Municipalités pour l'Indépendance (AMI). Une prise de position qui lui vaut la perte du soutien de certains groupes. Ainsi, tous les partis (à l'exception de CUP) se sont associés pour s'imposer au moratoire sur les licences touristiques, en demandant à Barcelona en Comú de justifier sa décision par une étude chiffrée et détaillée. Aujourd'hui Colau se retrouve seule pour faire passer l'une des mesures phare de son programme.
Actualité : migrants syriens et "top manta"
La nouvelle maire a été à l'initiative d'un mouvement en Espagne visant à venir en aide aux réfugiés syriens, en organisant un réseau de ville d'accueil, pour lequel elle a immédiatement été soutenue par plusieurs maires, dont la responsable de Madrid, Manuela Carmena.
La position de Colau envers les "top manta" ou "manteros" est en revanche beaucoup plus critiquée. Ces personnes qui se dédient à la vente ambulante illégale sont rentrées en conflit avec les forces de l'ordre ces dernières semaines, suite au décès de l'un d'entre eux lors d'une arrestation. La mairie de Barcelone assurait que la solution envers ces vendeurs ambulants "n'était absolument pas une solution policière". Tous les partis d'opposition (à l'exception de CUP) ont dénoncé le laxisme de Barcelona en Comú dans la gestion de ce conflit, lors de la commission municipale de la semaine dernière, évoquant un problème de sécurité publique.
Perrine LAFFON (lepetitjournal.com ? Espagne) Mardi 22 septembre 2015
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