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"L'épingle de Berlin" ravive la mémoire juive de l'Espagne

Martine AudusseauMartine Audusseau
Martine Audusseau Pouchard lors de la présentation du livre à la librairie Jaimes de Barcelone, avec Isaac Levy (représentant de la LICRA) /DR
Écrit par Francis Mateo
Publié le 12 décembre 2022

La journaliste Martine Audusseau Pouchard, ex-correspondante de RTL en Espagne, part à la recherche de ses racines dans son livre L'épingle de Berlin. Une quête personnelle qui résonne avec l'histoire des Juifs en Espagne, et les relations douloureuses de ce peuple persécuté au pays de l'inquisition. Un ouvrage de réconciliation et de compréhension de cette "mémoire mnésique", ou mémoire de l 'inconscient, qui concerne tout autant les individus que les nations.

 

 

Quelle est la genèse de "L'épingle de Berlin"?

C'est un peu le hasard - ou le destin - qui m'a conduit à m'installer dans le village catalan au nom très évocateur de Matajudaica, dont la racine juive est évidente. J'ai également beaucoup travaillé, comme journaliste, sur l'histoire des Juifs en Espagne, où j'avais toujours éprouvé le besoin de m'installer sans savoir pourquoi. Et puis, encore par hasard, il y a cette visite de ma sœur au musée de la grande synagogue de Berlin, et cette épingle à cravate avec une double étoile de David exposée dans l'une des vitrines: la même que celle de ma grand-mère ! Une épingle qui apparaît comme une pièce à conviction supplémentaire parmi tous les éléments qui me laissent penser aux éventuelles origines juives de ma famille. C'est le réveil d'une mémoire mnésique personnelle, cette vérité tellement cachée au fil des générations qu'elle est difficile à exprimer. Une histoire enfouie que l'on porterait depuis des siècles, de génération en génération.

On estime que 20% de la population espagnole aurait des origines juives.

Cette mémoire enfouie est aussi celle des Juifs en Espagne?

En effet. C'est l'histoire de tous ces Juifs qui ont quitté l'Espagne en 1492, menacés de mort par une inquisition brutale, obligés de partir sans délai et sans rien. C'est aussi l'histoire de ceux qui se sont convertis pour pouvoir rester, quitte à continuer à pratiquer et transmettre leur religion en cachette. On estime d'ailleurs que 20% de la population espagnole aurait des origines juives.

L'antisémitisme est toujours présent, hélas. Même si l'Espagne n'est pas le pays le plus exposé

Comment ces origines cachées apparaissent-elles aujourd'hui?

On en a de nombreuses manifestations dans les coutumes, comme par exemple l'habitude d'allumer les bougies le vendredi soir, ou de mettre une pierre noire sur la façade de sa maison, comme on le faisait autrefois en signe d'accueil pour des Juifs de passage. J'ai trouvé l'une de ces pierres noires sur la façade de ma propre maison, et il y en a d'autres à Matajudaica, ou ailleurs en Espagne. Il y a également des traditions qui perdurent parfois jusque dans le quotidien, comme cette habitude d'offrir du persil dans les poissonneries. Je rappelle aussi dans mon livre certains gestes directement liés au rejet des Juifs, comme le fait de lancer des têtes de cochons dans les manifestations. Sans oublier certains carnavals où apparaissent les symboles nazis, et où l'holocauste est parfois mis en scène de façon macabre.

 

Martine Audusseau devant le nom du village matajudaica
Un jeu du destin ou du hasard qui a conduit l'auteur à s'installer dans le village catalan au nom très évocateur de Matajudaica /DR

 

Faut-il en redouter une résurgence de l’antisémitisme?

L'antisémitisme est toujours présent, hélas. Même si l'Espagne n'est pas le pays le plus exposé à mon avis. Des efforts pour sensibiliser à ce risque ont été faits, avec notamment la réouverture des Chemins de Sefarad. Autres exemples encourageants : la réhabilitation du quartier juif de Gérone, mais aussi les déclarations du roi émérite Juan Carlos et de son fils Philippe VI, qui ont permis aux descendants des Juifs chassés en 1492 de retrouver la nationalité espagnole s'ils le souhaitent, à condition de justifier de leur origine séfarade. En 2020, 100.000 demandes de naturalisation avaient été enregistrées, et plus de 30.000 ont été acceptées depuis. Malgré tout, le travail de mémoire est toujours essentiel face au danger bien réel de l'antisémitisme; c'est aussi pour cela que j'ai écrit ce livre.

 

"L'épingle de Berlin", de Martine Audusseau Pouchard, est publié aux éditions Sentiers du Livre. L'ouvrage est notamment disponible à la librairie Jaimes de Barcelone.

 

 

 

francis mateo
Publié le 12 décembre 2022, mis à jour le 12 décembre 2022
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