Olivier Amiel présente "Hyper ! Hyper ! Juste à côté du coeur", à la librairie Jaimes de Barcelone ce jeudi 26 octobre : un roman féroce, tragique et rythmé (par les nombreuses références musicales), sur les déclassés de la mondialisation. Avec, en écho, le mouvement des "gilets jaunes". Interview.
Comment naît l'idée de ce roman?
Olivier Amiel: Au départ, j'avais en tête un scénario de film pour mettre en scène ce mouvement musical des années 90 que l'on appelait "euro dance", et qui suscitait un certain mépris social. À la télévision ou dans les magazines, c'était la musique de la "France pavillonnaire", celle que l'on a appelé plus tard la "France périphérique", c'est-à-dire cette France des "petits blancs" vivant dans leurs pavillons, entre les centres urbains branchés et les cités des banlieues chaudes déjà communautarisées. C'est donc à partir de cette idée de scénario que naît le roman, à partir du constat du mépris social exprimé à l'endroit de cette musique populaire des années 90.
Le vrai sujet de ce livre, c'est en fait la colère, car ce sentiment de déclassement nourrit une colère
Quel est le rapport entre le mépris de ce genre musical et le sentiment de déclassement des personnages du roman ?
Cette musique est en fait un marqueur social, et c'est à partir de ce marqueur que j'ai développé ma réflexion, dans le roman, sur le déclassement social et ses conséquences. Car ce mouvement musical se rattache à une catégorie sociale qui a l'impression de "rater le train" dans les années 90, au moment où s'accélère la mondialisation. C'est donc un portrait de cette partie de ma génération qui se retrouve alors déclassée économiquement, socialement, territorialement... Le vrai sujet de ce livre, c'est en fait la colère, car ce sentiment de déclassement nourrit une colère que j'illustre dans le roman à travers le destin tragique et violent du narrateur. C'est aussi cette colère et cette frustration qui expliquent en grande partie, près de trente ans plus tard, le mouvement des gilets jaunes.
Serait-ce une préfiguration de la rupture entre le peuple et les élites ?
Il y a effectivement une cassure dans les années 90, qui se révèle à travers un mépris de classe que je trouve détestable, sur le plan économique et social bien sûr, mais également d'un point de vue esthétique et culturel ; un mépris contre ceux "qui fument des clopes et roulent au diesel" pour reprendre la formule d'un ancien Secrétaire d'État. Et cela dans le contexte un peu anxiogène des années 90, avec la mondialisation excluant une partie de la population, mais aussi le Sida qui empêche une sexualité épanouie. Le mépris de classe est un facteur aggravant pour cette génération déclassée, une raison de plus pour conduire le narrateur vers une fin tragique, avec au fond le sentiment d'être une victime.
C'est aussi cette colère et cette frustration qui expliquent en grande partie, près de trente ans plus tard, le mouvement des gilets jaunes.
La proximité de la frontière espagnole exerce une attraction particulière sur les protagonistes du livre. Que représente l'Espagne pour cette jeunesse française ?
L'Espagne des années 90 attire effectivement la jeunesse, exactement de la même manière que la Belgique pour une partie des jeunes Français du nord de l'Hexagone, qui traversent eux aussi très souvent la frontière, à l'époque, pour aller faire la fête dans les grandes boîtes de musique dance ou trance... C'est le même phénomène que l'on constate alors à la frontière espagnole avec le succès, en Espagne, de la Makina, un genre musical proche du New beat. Il y avait ce côté plus festif, un sentiment de liberté lié à cette scène électronique espagnole qui contrastait avec le mépris vis-à-vis de ce mouvement en France, considéré comme un sous-genre de la musique électronique et souvent moqué dans les médias.
Présentation du roman Hyper ! Hyper ! Juste à côté du coeur (ed. Les Presses Littéraires) d'Olivier Amiel, le 26 octobre prochain, Librairie Jaimes.