Le 16 juin prochain, le journaliste et député européen (groupe Renew) Bernard Guetta présentera son dernier livre à Jaimes, la librairie française de Barcelone: "La nation européenne" (Flammarion). Rencontre avec un Européen convaincu et passionné, qui milite pour une politique européenne.
![Bernard Guetta](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fbackoffice.lepetitjournal.com%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2F2023-06%2FBernard%2520Guetta.jpg&w=1920&q=75)
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Lepetitjournal: Qu'est-ce qui vous a incité à écrire ce livre?
Bernard Guetta: Je voulais transmettre aux lecteurs cette expérience exceptionnelle de vivre un moment absolument incroyable et unique de l'histoire de la construction et de l'unité européenne. Parce que Trump, le Covid et Poutine ont involontairement donné un coup d'accélérateur à l'union politique européenne ces dernières années. Et c'est inédit. Ce livre est le récit d'un enthousiasme que je voulais partager, je dirais même de mon ivresse de vivre notamment la construction d'une défense commune; car maintenant que l'achat d'armements en commun s'impose comme une évidence pour les 27 pays de l'UE, il sera très difficile de faire machine arrière. C'est un acquis supplémentaire dans la construction européenne, et un pas de plus vers l'union politique.
Venise fut une puissance mondiale, et c'est aujourd'hui un musée... Si l'on veut devenir un musée, ne faisons pas l'union européenne !
Pourquoi vous définissez-vous comme "journaliste député"?
Parce que c'est le cas ! Mon livre est un récit et un reportage où je raconte les découvertes politiques que j'ai faites et les réflexions auxquelles je suis arrivé. C'est ce que j'ai toujours fait comme journaliste. Je ne suis pas le seul dans cette démarche. Il y a une brillante cancérologue dans notre groupe, Véronique Trillet-Lenoir, qui a porté et fait adopter par l'UE un "plan cancer", c'est-à-dire qu'elle a mis son métier, ses connaissances, au service de sa fonction de députée. Il y a mille manières d'être député: moi, je suis journaliste-député. C'est d'ailleurs souvent comme journaliste que je suis invité sur les plateaux des télévisions ou que j'interviens dans différents médias internationaux, y compris dans la presse russe d'opposition aujourd'hui réfugiée à l'étranger. C'est par conséquent un moyen de porter des idées que je défends aussi évidemment en tant que député européen.
"Je ne suis pas optimiste, je suis déterminé"
![couverture du livre de bernard ghetta](/_next/image?url=https%3A%2F%2Fbackoffice.lepetitjournal.com%2Fsites%2Fdefault%2Ffiles%2Finline-images%2FLivre%2520Guetta.jpeg&w=3840&q=75)
Ce livre est-il aussi un moyen de transmettre votre enthousiasme pour l'Europe?
Oui, parce que je suis, plus que jamais, passionnément européen. En 1989, quand j'étais correspondant du Monde à Moscou, il m'était apparu évident, quelques mois avant la chute du mur de Berlin, que l'unité européenne était une chance de stabilité pour la planète. Après l'effondrement de l'Union Soviétique, l'unité européenne est devenue à mon sens une nécessité. C'est pour cela que je défends son approfondissement, sa transformation en union politique au-delà des règles du marché commun et de la monnaie unique. On perçoit désormais tous les bénéfices d'une défense commune, d'une politique étrangère commune, et la réponse commune face à la pandémie avec l'achat groupé des vaccins a été une illustration grandeur nature de cette nécessité d'union. C'est un chemin vers la nécessaire union politique.
Il y a mille manières d'être député: moi, je suis journaliste-député
Il n'y a donc pas d'alternative?
Mais si, nous avons le choix : on peut tout aussi bien se tirer une balle dans le pied, et se mettre à la merci des deux superpuissances dominantes de ce XXIe siècle si nous n'existons pas face à elles, c'est-à-dire la Chine et les États-Unis. Actuellement, nous sommes ce bunker de démocratie et de liberté face au modèle toujours plus menaçant des dictatures ; mais si on ne veut plus exister sur la scène internationale, ne construisons pas l'union européenne ! Nous avons le choix de ne pas compter économiquement, parce que si nous ne faisons pas cette unité de la recherche scientifique par exemple, est-ce qu'on pourra lutter sur ce plan en s'appuyant uniquement sur le budget de la France ou de l'Allemagne ? Non, bien sûr ! Oui, nous avons le choix, mais attention aux conséquences si l'on choisit de ne pas aller vers l'union ! Après tout, Venise fut une puissance mondiale, et c'est aujourd'hui un musée... Si l'on veut devenir un musée, ne faisons pas l'union européenne ! C'est un choix, mais je n'en serais pas fier devant nos enfants, petits-enfants, et arrière-petits-enfants...
Actuellement, nous sommes ce bunker de démocratie et de liberté face au modèle toujours plus menaçant des dictatures
Etes-vous optimiste malgré la montée des oppositions qui contestent votre modèle européen ?
Jean Monnet avait l'habitude de dire cette phrase que je reprends à mon compte : "Je ne suis pas optimiste, je suis déterminé". Je pense qu'il y a une nécessité de construire cette unité européenne ; y parviendra-t-on un jour ? Je n'en sais rien, mais je le souhaite. Il est vrai que des oppositions existent, mais voyez comment les partis d'extrême droite font machine arrière dans leur dénonciation de l'union européenne : Marine Le Pen ne dit plus que c'est la prison des peuples ou qu'il faut en sortir à tout prix. Il en va de même de la nouvelle première ministre italienne, Giorgia Meloni. Ces gens-là voient bien, par exemple, que l'on n'applaudit pas même dans leurs rangs l'agression de l'Ukraine par monsieur Poutine ; ils sentent bien que parmi leurs électorats, et naturellement dans le reste des électorats européens, il y a une volonté croissante des opinions d'affirmer un front commun face à cette agression. Et ce sentiment d'unité va au-delà de ce cas précis. La Commission vient d'ailleurs de publier son sondage annuel sur l'état de l'opinion par rapport à l'unité européenne, et la progression est spectaculaire. Aujourd'hui, une vaste majorité est en faveur de cette union.
Llibreria Jaimes (Carrer València, 318 ), le 16 juin 2023 à 19:00.