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Les moines thaïlandais rendus obèses par l'afflux d'offrandes sucrées

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Pierre QUEFFELEC - La tradition de faire des offrandes en nature aux moines est très ancrée en Thaïlande
Écrit par Agence France Presse
Publié le 23 novembre 2018, mis à jour le 14 octobre 2021

Chaque jour, des milliers de moines bouddhistes font la tournée des offrandes à travers la Thaïlande. Les boissons sucrées et gâteaux industriels qu'ils récoltent les rendent souvent obèses, un phénomène devenu un vrai problème de société dans le royaume.

"Avant de venir ici et de me mettre au régime, je pouvais à peine marcher 100 mètres sans me sentir fatigué", explique à l'AFP Pipit Sarakitwinon, venu faire un "check-up" dans un hôpital spécialisé dans le traitement des moines. Ces derniers sont plus de 300.000 dans ce pays majoritairement bouddhiste de près de 70 millions d'habitants.

Il se réjouit d'être passé de 180 à 150 kilos depuis qu'il s'est mis à la diète en début d'année.

La tradition de faire des offrandes en nature aux moines est très ancrée en Thaïlande, mais aussi en Birmanie ou au Cambodge voisin, où les statues de Bouddha le montrent joufflu.

Mais la classique obole de riz s'est transformée en paniers de "junk-food", des chips aux boissons énergétiques, dans ce pays où les scandales de moines vivant grand train ou détournant de l'argent à des fins personnelles n'ont pas découragé les fidèles de leur faire des dons, considérés comme de "bonnes actions" portant chance.

On continue de voir, y compris dans des grandes villes comme Bangkok, des moines aller pieds nus à l'aube à travers les rues.

Mais nombre d'entre eux reçoivent les dons sans bouger de leur temple. Et, dans les supermarchés, des rayons entiers sont consacrés à ces offrandes toutes prêtes, empilées dans un seau jaune.

"S'ils mangent notre nourriture et en sont satisfaits, nous pensons que la nourriture sera ainsi transmise à nos défunts bien aimés", explique Prachaksvich Lebnak, un haut responsable du ministère de la Santé. "Certains leur offrent même des cigarettes", se désespère-t-il.

L'ennemi: les boissons sucrées

Ce goût pour des offrandes trop grasses, trop sucrées ou trop salées, donne des taux de diabète et d'hypertension au sein du clergé bouddhiste qui affolent les autorités sanitaires, dans un pays où plus généralement l'obésité progresse.

Selon une étude réalisée cette année dans le nord-est de la Thaïlande, l'un des États les plus touchés par l'obésité en Asie, sur plus de 3.500 moines examinés, 15% étaient obèses. L'universitaire Jongjit Angkatavanich affirme même, études à l'appui, que les taux d'obésité montent à 48% chez les moines interrogés.

L'ennemi à abattre: les boissons sucrées que les moines boivent en grande quantité, n'étant pas autorisés à manger de nourriture solide après midi.

Les autorités sanitaires essayent de les sensibiliser aux bases de la diététique.

Dans un hôpital de Bangkok qui leur est consacré, un grand panneau à l'entrée leur explique que "l'eau est la meilleure des boissons". "Vous devriez consommer moins de six cuillères de sucre par jour", lit-on sur ce panneau qui dresse une liste des boissons sucrées les plus courantes, comme le thé vert, les sodas ou les boissons énergétiques, avec le nombre de cuillères de sucre par bouteille.

Charte de la Santé des moines

En décembre 2017, la junte militaire au pouvoir en Thaïlande a publié une Charte de la Santé des moines, les enjoignant à prendre soin de leur corps.

Des initiations à la diététique sont organisées, y compris à travers les monastères de province, pour tenter de changer leurs habitudes alimentaires.

Le problème, c'est qu'ils sont censés accepter toutes les offrandes car "selon l'enseignement de Bouddha, tout ce qui est offert doit être accepté", rappelle Phra Rajvoramuni, un moine ayant participé à la rédaction de la charte.

Par ailleurs, en Thaïlande, les moines sont censés ne pas faire de sport.

Dans ce cas, "ils devraient faire de l'exercice, comme de la marche méditative, faire le ménage du temple le matin, balayer le sol" de façon dynamique, suggère Phra Rajvoramuni, le moine qui a co-écrit la charte.

Pipit a suivi le conseil. Il marche davantage et s'efforce de manger moins. "Maintenant, assure-t-il, je fais plus attention à la nourriture offerte par les villageois."

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