Ouvert depuis juin 2016, le restaurant français Rendez-vous au Lys, situé dans le fameux carré français de Sathorn à Bangkok, se sort plutôt bien de la crise du Covid jusqu’ici. Malgré la fermeture obligatoire imposée à toutes les salles de restaurants au mois d’avril, un couvre-feu et une interdiction de vendre de l’alcool qui ont duré ensuite pendant plusieurs semaines, sans parler du coup d’arrêt mis au voyages internationaux, son patron, Jean-Yves Canet, ne s’est pas laissé démonter et a pris le taureau par les cornes dès le début pour s’adapter à la situation. Résultat, il dit s’attendre à un chiffre d’affaires globalement en baisse, "mais pas désastreux". Il nous raconte.
LEPETITJOURNAL.COM - Comment s’est traduite cette crise du Covid-19 jusqu’ici pour vous ?
JEAN-YVES CANET - On a rebondi le plus vite possible. Une semaine après la fermeture à partir du 1er avril, le chef et moi avons décidé d’ouvrir la cuisine pour proposer des plats à livrer. On l’a annoncé sur les réseaux sociaux, on affichait le menu tous les matins, précisant que l’on pouvait livrer de midi à 15h et de 17h à 21h - il y avait le couvre-feu. Ça s’est bien mis en place et on a bien travaillé, entre la livraison à domicile et les gens du quartier qui venaient chercher leurs commandes.
Pour moi ça a été une bonne surprise car je n’avais jamais fait la livraison et l’emporter. Cela d’autant que j’étais un peu réticent à travailler avec les services de livraison. Mais en livrant nous-mêmes je trouve que c’est intéressant. Résultat des courses, fin avril nous avons constaté que l’on ne s’en était pas si mal sorti.
Ce n’était évidemment pas le niveau habituel, mais cela nous a permis de payer le loyer, le salaire du chef et d’envisager sereinement de garder le personnel après la période de chômage technique durant laquelle ils bénéficiaient des subventions de l’Etat.
Nous avons été autorisés à rouvrir le 3 mai. Entre le couvre-feu et l’interdiction de servir de l’alcool ce n’était pas la folie, mais au mois de juin, ça s’est amélioré avec l’assouplissement des restrictions (couvre-feu plus tardif puis levée de l’interdiction de servir de l’alcool).
Le problème est que sur le moment on ne nous a pas donnés de date, donc on ne savait pas quelles voiles réduire, nous avons dû naviguer à vue, et c’est toujours un peu le cas d’ailleurs.
Quelles sont les principales adaptations que vous avez mises en place ?
Comme je le disais, on s’est mis à la livraison, il fallait faire entrer du cash. De toute façon on ne pouvait pas faire autre chose. Je suis allé à Makro pour trouver des emballages sympas et biodégradables, un détail non négligeable qui nous a valu une grosse publicité de la part de la toute première cliente que nous avons livrée.
Autrement, nous n’avons pas baissé les salaires, hormis au mois d’avril quand nous n’avions pas le droit d’ouvrir et où le personnel de salle s’est trouvé au chômage technique -ils ont bénéficié durant cette phase de l’aide gouvernementale. Lorsque l’on a rouvert au mois de mai, ils ont retrouvé leur paye habituelle tout en faisant une heure de moins le soir à cause du couvre-feu - ils nous l’ont bien rendu par la suite quand on a eu des soirées qui finissaient un peu plus tard que d’habitude, au lieu de partir à l’heure habituelle ils sont restés sans problème.
Comment vous voyez la suite ?
Si on passe bien le cap des fêtes jusqu’au mois de janvier, ça va aller. Nous allons continuer le service de livraison, les gens y ont pris goût, d’autant que l’on propose la livraison gratuite -l’avantage de livrer par nous-mêmes. On livre la grande majeure partie du temps sur Sathorn, mais cela nous arrive, selon l’importance de la commande, d’aller jusque sur Sukhumvit.
Quand je regarde dans son ensemble, cette période du Covid n’a pas été pour nous aussi catastrophique que l’on aurait pu le craindre. Nous avons étendu notre clientèle thaïlandaise et les périodes habituellement creuses ont été plus remplies cette année. Normalement sur juillet et août, la fréquentation d’expats baisse et nos recettes sur cette période couvrent généralement à peine nos frais de fonctionnement. Or, cette année nous avons plutôt bien travaillé en juin, et juillet et août ont été bien meilleurs que les années passées.
La grande inconnue maintenant ce sont les fêtes de fin d’année. On se prépare, on a embauché des jeunes ce mois-ci. Même si dans ce contexte d’incertitude on doit faire attention à la trésorerie, il faut quand même embaucher pour préparer les fêtes.
J’imagine que les gens qui seraient habituellement partis en France pour réveillonner en famille vont s’abstenir cette année et, même si certains vont sans doute en profiter pour aller dans les îles, un certain nombre vont préférer passer les fêtes à Bangkok. Donc je pense que l’on devrait faire mieux que les autres années sur Noël et Nouvel an. Sans compter que certains salariés ou entrepreneurs qui ont vu leur activité réduite pendant le gros de la crise, pourraient être enclins à se passer de vacances pour mettre les bouchées doubles en vue de la reprise.
Toutefois, il est important de souligner que l’on a des options pour s’en sortir parce que nous sommes dans la capitale. Quand on regarde les collègues dans les îles, comme à Samui, ils sont beaucoup moins bien lotis que nous ici.