Présent en Thaïlande depuis 2005, Grégory Placé est conseiller juridique au sein du cabinet Seri Manop & Doyle Ltd. Il explique notamment comment se déroule les différentes procédures de divorce dans le royaume, conseille des précautions prénuptiales à prendre pour éviter des séparations coûteuses, et s'attarde également sur le cas des couples mixtes
Quelle est la procédure pour divorcer en Thaïlande ?
En Thaïlande, il y a deux formes de divorce : le divorce par consentement mutuel et le divorce par décision du tribunal. Lors du divorce par consentement mutuel (ou divorce incontesté), les époux, qui s'entendent sur les conditions du divorce (garde des enfants, droits de visite, division du patrimoine familial, pensions alimentaires, etc.) peuvent enregistrer leur divorce dans n'importe quel bureau de district ou amphoe. Pour ce faire, ils doivent simplement se présenter en personne avec une pièce d'identité, leur certificat de mariage, le certificat d'enregistrement du foyer ou Ta bien ban, et avec au moins deux personnes qui signent en tant que témoins. Une copie certifiée conforme du passeport est également nécessaire pour les étrangers souhaitant enregistrer leur divorce dans un autre bureau de district que celui où le mariage a été enregistré. Toutefois, il est recommandé d'établir un contrat de divorce au préalable afin d'accélérer la procédure au bureau du district, et de s'assurer qu'il n'y a aucun désaccord entre les époux avant de procéder a l'enregistrement du divorce devant l'officier d'état civil. Cette procédure de divorce n'est évidemment ouverte qu'à ceux ayant enregistré leur mariage en Thaïlande. Pour les couples mixtes ayant également fait transcrire leur mariage devant les autorités françaises, il leur faut ensuite faire reconnaître le certificat de divorce par ces mêmes autorités.
Lors du divorce par décision du tribunal (ou divorce contesté), c'est-à-dire lorsque les époux ne peuvent s'entendre sur les conditions du divorce ou que l'un des époux refuse de rompre le mariage, une action en divorce doit être déposée au tribunal de la famille. La partie qui demande le divorce devra prouver qu'elle a un motif de divorce selon la loi thaïlandaise. La section 1516 du Code Civil et Commercial énumère la dizaine de motifs recevables (adultère, faute, atteinte à la santé physique et psychologique, abandon du domicile conjugal, disparition, manquement au devoir d'assistance, déficience mentale, violation de l'obligation de bonne conduite, maladie dangereuse et incurable préjudiciable, handicap physique). La procédure de dépôt d'une demande de divorce est complexe et un avocat doit être engagé. La décision du tribunal dissout le mariage et dans ce cas, les ex-époux n'ont pas besoin de se déplacer au bureau du district pour enregistrer le divorce.
Et dans le cas où les époux n'auraient pas enregistré leur mariage en Thaïlande ?
Dans ce cas, la procédure peut être plus longue concernant un divorce par décision du tribunal. Si le jugement contient des mesures concernant notamment la résidence des enfants ou le versement d'une pension alimentaire, il doit être soumis à une procédure spécifique, dite de l'exequatur pour pouvoir être exécutée en France.
L'exequatur est une procédure visant à donner, dans un État, force exécutoire à un jugement rendu à l'étranger. En pratique, une fois munis d'une copie intégrale du jugement étranger ou de l'acte de divorce dressé par le bureau d'état civil compétent, les ex-époux doivent faire une demande d'opposabilité en France du divorce prononcé en Thaïlande. La demande de mention d'un jugement de divorce étranger sur les registres de l'état civil français peut être adressée au Procureur de la République compétent par l'intermédiaire de l'Ambassade. Une décision de justice rendue à l'étranger est reconnue de plein droit en France. Une fois le jugement de divorce définitif obtenu, les ex-époux doivent donc s'y soumettre.
Quelles précautions judiciaires prénuptiales peuvent prendre les ressortissants français pour éviter des divorces trop coûteux ?
Il est recommandé autant que possible d'opter pour la procédure amiable qui est de loin la solution la plus rapide et la plus économique. Le divorce par consentement mutuel peut être réglé en une heure au bureau du district et pour seulement quelques centaines de bahts de taxe à payer. Les procédures devant les tribunaux sont plus longues, plus chères et beaucoup plus stressantes qu'un divorce par consentement mutuel. Une procédure judiciaire de divorce dure ici en moyenne de 4 mois à 1 an.
Un époux peut se faire représenter par son avocat par le biais d'une procuration. Cependant la partie à l'initiative de la demande sera appelée à comparaître au moins une fois pour donner son témoignage. De même, il peut arriver que le juge ordonne la présence de l'autre époux à une audience. Si l'époux en question réside désormais en dehors de Thaïlande, cela peut s'avérer coûteux. Et si l'époux Français a beaucoup de biens en France, la division du patrimoine des époux s'avère souvent compliqué et peut impliquer des conflits de lois. Dans ce cas, le recours à un avocat en France est alors également nécessaire.
Lors d'un divorce contesté, outre la procédure, la décision même du tribunal peut coûter cher et le partage des biens des ex-époux par le tribunal amoindrit le patrimoine de chacun des époux. Nul ne connaissant à l'avance quelle sera la décision pour tel ou tel bien, le tribunal affectera peut-être le patrimoine de l'un des deux époux de façon drastique. Pour palier ce risque, il peut être opportun d'avoir prévu un contrat de mariage établi lors de l'enregistrement du mariage au bureau du district. Des années après le mariage, il peut être difficile de se souvenir ou de prouver quels biens étaient possédés avant le mariage. La signature d'un contrat de mariage n'est pas l'étape la plus romantique au moment du mariage mais si l'un ou les époux souhaitent clarifier sa situation financière future et protéger ses intérêts, il a tout intérêt à y recourir, particulièrement lors d'un grand déséquilibre entre les biens des deux futurs époux.
La loi thaïlandaise donne-t-elle plus de droits au mari ou à l'épouse lors du divorce ? Qu'en est-il des couples mixtes ?
En cas de divorce contesté, la Cour aborde les questions relatives à la garde d'enfant, aux droits de visite, au partage de propriété matrimoniale, aux pensions alimentaires. Si les conjoints parviennent à un accord sur ces questions, la Cour respecte l'accord et l'inclut dans sa décision. Dans le cas contraire, elle est forcée de les résoudre sur la base des lois thaïlandaises. Bien qu'en cas d'adultère, la loi semble donner un léger avantage au mari concernant une demande en dommages et intérêts, la loi thaïlandaise d'une manière générale, ne comporte pas de dispositions portant atteinte à l'égalité des droits entre les époux même si les juges peuvent quelque fois avoir tendance à protéger un peu plus la partie demanderesse quelle qu'elle soit : mari ou femme, citoyen(ne) Thaïlandais(e) ou non.
Lorsque la partie défenderesse ne se présente pas à l'audience, la Cour la déclare défaillante et elle perd son droit de présenter les preuves contre l'autre partie. La Cour entend et décide de statuer uniquement sur la base des moyens apportés par la partie demanderesse. Il n'y a évidemment pas de règles préétablies et la décision du tribunal est prise au cas par cas selon le motif de divorce et la situation du couple.
Un Français résidant en Thaïlande peut-il divorcer en France ?
Selon les circonstances particulières inhérentes à sa situation ou si le conjoint français ne se sent pas à l'aise avec un tribunal étranger, il peut toujours saisir un juge aux affaires familiales (JAF) en France en vertu d'un "privilège de juridiction". Il doit passer par l'intermédiaire d'un avocat au greffe du tribunal de grande instance (TGI) dont dépend le domicile en France de l'un des deux ex-époux. Les tribunaux français sont, en principe, compétents pour traiter une action en divorce dès lors que l'un des époux est Français. Peu importe que le couple ne soit pas domicilié en France ou que le mariage ait été célébré à l'étranger. En saisissant un juge français, l'époux qui souhaite divorcer ne bénéficie pas pour autant automatiquement de l'application de la loi française. Lorsque les deux époux ne résident pas en France, le juge doit rechercher quelle est la loi étrangère qui pourrait se reconnaître compétente (celle du pays du conjoint, celle du domicile, celle du lieu de célébration du mariage, etc.), ce qui peut donner lieu à des conflits de lois et de juridictions difficiles à dénouer. Cet époux demandeur a donc intérêt de saisir au plus vite un tribunal français afin d'éviter que des conflits de juridictions apparaissent et aboutissent à des décisions contradictoires en raison des différences de législations entre les pays. Il est donc très important de demander au greffe du TGI de mentionner la date et l'heure du dépôt y compris sur l'exemplaire remis à l'époux qui en fait la demande. Une fois déterminée, la loi applicable a vocation à régir la procédure de divorce ainsi que toutes les conséquences qui en découlent (garde des enfants, répartition des biens du couple, pension alimentaire).
Quelque chose à rajouter ?
Dans tous les cas, la prudence s'impose. Il ne faut pas hésiter à demander conseil à un avocat pour savoir s'il est plus intéressant de divorcer en France plutôt qu'à l'étranger et pour essayer de préserver au mieux ses intérêts. Un divorce en Thaïlande n'est pas forcément plus simple qu'en France et avant d'envisager tout divorce en Thaïlande que ce soit un divorce par consentement mutuel ou non, il est toujours préférable de consulter un avocat puisque les procédures et les documents seront en thaïlandais. Un conseiller juridique saura également vous expliquez les lois en rapport avec votre situation particulière et pourra ainsi vous éviter bien des désagréments.
Propos recueillis par Y.F. (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 6 décembre 2011