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David De Vos : "En 20 ans, le déménagement en Thaïlande a beaucoup changé"

Accueilli en limousine pour son premier poste en 1996, David De Vos a vu le secteur du déménagement en Thaïlande se transformer au fil des ans. Il revient sur les hauts, les bas et leurs enseignements

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Investi dans la vie associative et sportive, David De Vos est un visage connu depuis de nombreuses années de la communauté expatriée de Bangkok. Photo LPJ Bangkok.com
Écrit par Pierre QUEFFELEC
Publié le 6 septembre 2023, mis à jour le 14 septembre 2023

Originaire de Picardie, le jeune David De Vos ne connaissait rien à l’Asie ni au déménagement lorsqu’il a été rondement recruté en 1996 par la société américaine Asian Tigers pour œuvrer comme commercial en Asie du Sud-Est.

Près de trente ans plus tard, ce quinquagénaire à la carrure de rugbyman vit toujours dans la région, où il a fondé une famille. Investi dans la vie associative et sportive de la communauté expatriée en Thaïlande, il travaille dans le même secteur d’activité pour un autre employeur avec lequel il se dit en phase.

Pour autant, son parcours dans la bouillonnante Asie du Sud-Est n’a pas connu que des périodes fastes et paisibles. Cela d’autant que son métier, comme beaucoup d’autres, a été bousculé par les récents bouleversements technologiques, économiques et sociétaux, qui l’obligent à faire preuve d’une constante adaptabilité sans pour autant perdre de vue les fondamentaux de la profession.

Dans un entretien avec lepetitjournal.com, il revient sur son expérience professionnelle et personnelle en Thaïlande et souligne les changements significatifs survenus ces dernières années dans le secteur du déménagement international en Asie du Sud-Est. 

LEPETITJOURNAL.COM : Que pouvez-vous nous dire en quelques mots ce qui vous a amené en Thaïlande et sur votre parcours ces 20 dernières années ?

DAVID DE VOS : J'ai atterri à Bangkok en 1996 pour être formé au siège d’Asian Tigers, une grosse société de déménagement international, avant d’être envoyé à Hanoï au Vietnam, où j’ai travaillé pendant 5 ans, de 1996 à 2001.

À la fin de l’embargo américain, les boîtes rouvraient, les ambassades rouvraient, les Nations unies, la World Bank revenaient. Il fallait donc des déménageurs.

Je n'avais aucune idée de ce qu’était l'Asie du Sud-Est, je ne connaissais rien au déménagement, ni à l'expatriation...

Moi, venant dans ma Picardie natale, je n'avais aucune idée de ce qu’était l'Asie du Sud-Est, je ne connaissais rien au déménagement, ni à l'expatriation… Et me voilà interviewé par un partenaire d’Asian Tigers sur une péniche à Paris par un homme d’affaires suisse qui avait simplement vu mon profil dans un journal local disant "jeune diplômé, parlant anglais et espagnol, attiré par l'étranger".

Nous avons déjeuné et parlé de tout sauf du boulot... 48 h plus tard, le patron du bureau de Bangkok m'appelait. Dans la journée, je recevais par fax un contrat aux conditions très intéressantes accompagné d’un billet d'avion. À l’américaine ! À l'aéroport de Bangkok, une limousine m’attendait avec mon nom…

Après quatre ans à Hanoi, j’avais fait un peu le tour, alors j’ai demandé à être muté ailleurs. J'avais le choix entre Séoul et Hong Kong. J’ai choisi Hong Kong : mauvaise pioche.

Quand on vit à l’étranger, surtout en Thaïlande, il est difficile de prendre le temps de la réflexion, le compteur tourne vite

Après quelques mois difficiles là-bas, je suis rentré en France où j’ai travaillé chez le déménageur Grospiron pendant 3 ans. Finalement, en 2004, je suis retourné chez Asian Tigers et un poste s’est libéré dans la foulée à Bangkok.

Je me suis marié en 2008 et deux ans plus tard je suis devenu papa d’un petit garçon franco-thaïlandais qui s’appelle Noha, âgé aujourd’hui de 13 ans.

En 2013, j’ai été remercié du jour au lendemain, à l’américaine...

Cela m’a amené à me remettre en question. Mais quand on vit à l’étranger, surtout en Thaïlande, il est difficile de prendre le temps de la réflexion, le compteur tourne vite : l’école internationale, les emprunts pour la maison, tout ça... il a fallu se serrer la ceinture !
Finalement, le déménagement collé à la peau, j’ai rejoint la société United Relocations il y a cinq ans. Et ça se passe très, très bien.

Il y a des gens qui ont un beau website, une belle brochure, un commercial séduisant, mais ils n'ont pas l'expérience qu'un déménageur doit avoir

Comment percevez-vous l’évolution du secteur du déménagement ces dernières années ?

Lorsque je suis arrivé en 1996, je veux croire qu'il n’y avait pas plus de cinq entreprises de déménagement. Et Asian Tigers, qui s'appelait à l'époque Transpo International, détenait 60% du marché.

Aujourd’hui en Thaïlande, il doit y avoir une vingtaine de sociétés qui prétendent faire du déménagement. Mais seule une grosse moitié compte de vrais déménageurs internationaux spécialisés.

Il y a des gens qui ont un très beau website, une très belle brochure, un commercial séduisant. Mais ils n'ont pas l'expérience qu'un déménageur doit avoir pour qu'un expatrié puisse leur confier leur déménagement en toute confiance. Beaucoup sont seulement des sociétés de fret transitaire qui ne maitrisent pas tous les aspects d’un déménagement international et n’ont pas la main d’œuvre qualifiée requise pour emballer et manipuler comme il se doit les effets personnels.

Beaucoup de nouvelles boîtes qui embauchent du personnel au rabais, car elles doivent proposer des prix attractifs 

Car un déménagement transfrontalier est assez compliqué. Les gens ne se rendent pas toujours compte, mais il y a tout un tas de choses qui entrent en jeu dans un déménagement international : le choix de la compagnie maritime, le passage en douanes, le partenaire à destination [société qui réceptionne et conclut le déménagement dans le pays d’arrivée, ndlr], etc.

Or, on voit beaucoup de nouvelles boîtes qui embauchent du personnel au rabais, car elles doivent proposer des prix attractifs pour se faire une place, vont chercher des partenaires à destination qui viennent eux aussi de se créer, etc. Bref, au final, à vouloir compresser les prix au-delà du raisonnable, on multiplie les risques !

Il faut faire attention aux tarifs incroyablement bas, car il arrive souvent qu’il y ait des coûts supplémentaires au bout du compte, et des mauvaises surprises pour vos biens.
Ce à quoi il faut être attentif dans le choix d’un déménageur, ce sont ses années d'expérience, son réseau de partenaires mondiaux, le recrutement de personnes de confiance (pour l’emballage, la supervision, le stockage, etc.) et ses références.

Il n’y a quasiment plus de déménagement aérien car cela coûte très cher

Cela ne coûte rien de poser la question. Si vous me demandez, par exemple, je peux vous dire, pour faire court, que nous existons depuis 15 ans et que nous travaillons avec 10 ambassades, 12 organismes onusiens, 20 grandes entreprises. Tout est dit !

Du point de vue des clients, quel changement significatif avez-vous noté ?

Nous [les sociétés de déménagement] sommes généralement les premiers à les recevoir dans leur pays d’accueil. Mais un certain nombre de choses ont en effet changé.

Par exemple, à l'époque, beaucoup de nos clients venaient avec un gros container, ce qu'on appelle le 40 pieds, avec un déménagement aérien. Les organisations autorisaient en effet un gros volume maritime et un petit volume aérien. Tout cela a changé. C'est devenu des petits volumes, et il n’y a quasiment plus de déménagement aérien car cela coûte très cher.

De nos jours, le volume est moindre et les clients arrivent souvent mieux préparés

Aussi, avant les gens venaient sans aucune préparation et nous leur proposions pour cela nos services complémentaires au déménagement dits de "Relocation" : trouver le logement et l’école idéals en fonction du lieu de travail, de la communauté expatriée, etc.
Mais avec le développement de l’Internet et des réseaux sociaux, les gens peuvent s’informer bien avant leur départ sur des groupes Facebook et autres pages d’entraide communautaire.

Cela signifie que le travail d’information et de conseil que nous faisions pour eux auparavant est aujourd’hui en bonne partie réalisé par ces réseaux.

Donc de nos jours, le volume est moindre et les clients arrivent souvent mieux préparés. C’est moins fun pour nous, mais cela présente l’avantage de nous recentrer sur notre cœur de métier à savoir faire transiter des biens et animaux du point A au point B en toute sécurité et dans un temps donné, même si nous proposons toujours nos services de relocation avec quelques ajouts comme l’accompagnement pour le visa et permis de travail.

Aujourd‘hui, la majorité de mes inventaires se fait en virtuel, et je remercie mes clients d'accepter cela

Qu’est-ce que le Covid a changé dans votre activité ?

Avant le Covid, la visite sur place était une étape importante du déménagement avec beaucoup de documents et de papiers imprimés. Aujourd’hui, cela se fait de plus en plus souvent sur tablette ou smartphone.

L’expérience du Covid a fait que les gens acceptent plus facilement l’idée d’une visite technique virtuelle via WhatsApp ou via Line. Il y a même des applications qui ont été créées spécialement. Aujourd‘hui, la majorité de mes inventaires se fait en virtuel, et je remercie mes clients d'accepter cela. Cela représente un gain de temps pour beaucoup de gens, c'est pratique pour nous, même pour le client, et l’estimation est toujours aussi précise.

Même si la France reste pour moi le plus beau pays du monde, je me dis que je suis bien ici

Quel bilan faites-vous personnellement et professionnellement de ces 20 ans en Thaïlande ?

Mon pays me manque un peu, bien évidemment, la famille, la nourriture... Toutefois, quand je me laisse aller sur ce qui ne me plait pas en Thaïlande et que l’on me dit "mais pourquoi ne rentres-tu pas en France ?", même si la France reste pour moi le plus beau pays du monde, je réfléchis et je dis non, je suis bien ici. Le beau temps, la façon d’être des Thaïlandais, la proximité avec d’autre pays agréables à visiter, etc. Je me vois bien rester ici.

Sur le plan professionnel, j'ai été très heureux d’avoir fait mes premières armes dans le déménagement international avec le leader sur le marché. Au-delà des ficelles du métier, cette expérience m’a aussi appris deux choses fondamentales : la première est qu’il n’y a pas d’amis dans le business, et la deuxième qu’il ne faut pas se cantonner à faire qu'une seule chose dans la vie. C'est ce que je m’efforce d’inculquer à mon fils.

Je suis également content d'avoir rencontré mon patron norvégien qui a créé sa boîte il y a maintenant 15 ans. C'est une PME qui grandit raisonnablement en proposant des services de qualité, moins chers que les "gros" sans pour autant casser les prix. Je prends beaucoup de plaisir à ce que je fais car j'ai ramené beaucoup d'expérience dans cette entreprise. Comme je le disais tout à l’heure, de nombreuses grandes organisations internationales publiques et privées nous font confiance.

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