

Le roi de Thaïlande Bhumibol Adulyadej est mort jeudi après 70 ans d'un règne ayant fait de lui le plus vieux monarque du monde en exercice et son fils a demandé "un délai" avant de lui succéder, plongeant la Thaïlande dans une ère de grande incertitude.
"Il est mort paisiblement à l'hôpital Siriraj", a annoncé dans un communiqué le palais royal. Rapidement, toutes les chaînes de télévision ont interrompu leurs programmes, laissant place à un écran gris. Et dans l'enceinte de l'hôpital où il était soigné, des centaines de personnes s'écroulaient en pleurs, a constaté une journaliste de l'AFP.
Agé de 88 ans, Bhumibol Adulyadej était considéré comme le seul ciment d'une nation très divisée politiquement et avait un statut de demi-dieu. Il était monté sur le trône en 1946, après la mort inexpliquée de son frère, et beaucoup de Thaïlandais n'ont jamais connu d'autre souverain.
Et contre toute attente, quelques heures plus tard, le prince héritier Maha Vajiralongkorn, 64 ans, a dit avoir besoin de "temps" avant de prendre sa suite, ajoutant à la confusion dans un pays déjà sous le choc.
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Le prince héritier de Thaïlande, un militaire peu habitué à la lumière Le prince héritier de Thaïlande Maha Vajiralongkorn, militaire de formation, va devoir passer du statut d'héritier lointain, vivant la plupart du temps en Allemagne, à celui de nouvelle figure tutélaire du royaume. Lire la suite en page 2 |
"J'ai été reçu en audience royale par le prince héritier. Il a demandé du temps pour se préparer avant d'être proclamé roi", a déclaré le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha, devant la presse.
La mort de Bhumibol était redoutée par des millions de Thaïlandais et des centaines de ses admirateurs s'étaient rassemblés ces deux derniers jours.
Vêtus de rose et de jaune, deux couleurs associées au roi, la plupart se sont effondrés à genoux mains jointes en signe de prière, à mesure que la nouvelle de sa mort se répandait dans les jardins de l'hôpital Siriraj.
"Comment fera la Thaïlande sans toi, papa ?", se lamentait un jeune homme, se balançant d'avant en arrière en une longue plainte.
Bhumibol Adulyadej, hospitalisé quasiment en continu ces deux dernières années, notamment pour des infections pulmonaires et de l'hydrocéphalie, n'était pas apparu en public depuis près d'un an.
Le chef de la junte a annoncé une période de deuil d'un an et une réduction de toutes les activités de "divertissement" pendant une période de 30 jours. Quant aux télévisions dont les émissions sont diffusées en Thaïlande, elles ont maintenant l'obligation de ne diffuser que des programmes royaux, aussi pour une durée de trente jours.
- Demi-dieu -
Bien moins connu et vénéré par les Thaïlandais que son père, le prince héritier vivait jusqu'ici la plupart du temps en Allemagne.
Passé par une formation militaire, notamment à l'Académie de Duntroon, en Australie, il a un grade honorifique de général au sein de l'armée thaïlandaise.
Ces dernières années, il a souvent remplacé son père au cours de cérémonies officielles mais ses prises de parole sont restées rarissimes.
Bhumibol Adulyadej avait un statut de demi-dieu en Thaïlande, héritage de décennies de culte de la personnalité. Chez les particuliers, dans les administrations, dans les écoles, ses portraits sont omniprésents et ce culte a encore été renforcé depuis le coup d'Etat militaire de 2014.
Le roi, la reine, l'héritier et le régent sont protégés par une loi réprimant les crimes de lèse-majesté parmi les plus sévères du monde. Depuis l'arrivée au pouvoir de la junte, les poursuites se sont multipliées et les sentences ont été alourdies.
En août 2015, un homme a ainsi été condamné à 30 ans de prison et une femme à 28 ans après avoir diffusé sur Facebook plusieurs messages jugés insultants pour la famille royale.
Barack Obama a salué jeudi soir "un ami proche" des Etats-Unis et le président français François Hollande "un homme au destin exceptionnel" qui "a ?uvré toute sa vie pour faire accéder son pays à la modernité et la prospérité".
Les dix dernières années du règne de Bhumibol Adulyadej ont été marquées par une très grande instabilité politique. Elites ultra-royalistes (les "jaunes", couleur de la royauté) et partisans de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra (qui ont pour symbole le rouge) s'affrontent.
Le dernier en date d'une longue série de coups d'Etat a d'ailleurs été réalisé au nom de la sauvegarde de la monarchie par une armée soucieuse de verrouiller la scène politique à l'approche de la succession.
Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 13 octobre 2016
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Le prince héritier de Thaïlande Maha Vajiralongkorn, militaire de formation, va devoir passer du statut d'héritier lointain, vivant la plupart du temps en Allemagne, à celui de nouvelle figure tutélaire du royaume.
Sa popularité est très éloignée de celle de son père, objet depuis des décennies d'un culte de la personnalité lui assurant un statut de demi-dieu.
Quelques heures après la mort de son père, le prince a semé la confusion en demandant du temps avant d'être proclamé roi.
Les images distillées au fil des ans par le palais montrent cet homme maigre de 64 ans, sanglé dans un uniforme militaire blanc, présidant des cérémonies officielles, lors de ses brefs séjours en Thaïlande.
En décembre 2014, le divorce d'avec sa troisième femme, la princesse Srirasmi, épousée en secret en 2001, avait coïncidé avec un scandale sans précédent qui avait conduit de nombreux membres de la famille de cette roturière derrière les barreaux pour lèse-majesté.
Ils sont accusés d'avoir profité de leur statut de proches de "la plus haute institution" pour tirer des bénéfices financiers, ce qui a été largement interprété comme une opération de nettoyage de l'entourage du futur monarque.
Depuis son divorce, on l'a vu multiplier les séances photo, détendu, en pull rouge avec un jean troué ou déguisé en père Noël, jouant nonchalamment avec son fils cadet issu de son mariage avec Srirasmi, Dipangkorn Rasmijoti.
- Le vélo comme plan médiatique -
Sa mise en avant médiatique par les autorités a débuté en août 2015, à un moment où les inquiétudes s'étaient multipliées concernant la santé de son père. Une grande course cycliste a été organisée à travers Bangkok, avec le prince en avant du peloton.
Mais ses prises de parole restent rarissimes et limitées à des discours officiels comme en 2011, à l'ouverture de la première session du Parlement, où il représentait son père malade. "Il est de votre responsabilité directe, en tant que députés, de travailler pour diriger le pays de manière démocratique", avait-il déclaré.
Lors du coup d'Etat de mai 2014 contre le gouvernement élu de Yingluck Shinawatra, s?ur du milliardaire en exil Thaksin, il n'est pas en Thaïlande.
Pendant les manifestations de soutien aux Shinawatra, certains partisans ont brandi des portraits du prince suscitant des commentaires, toujours en coulisses, sur sa possible proximité avec Thaksin. Cet ancien Premier ministre, renversé en 2006, est la bête noire de l'élite royaliste traditionnelle, qui le voit comme une menace à l'institution royale.
Les inquiétudes quant à la stature royale du prince ne s'expriment qu'à mots couverts dans le royaume en raison d'une loi de lèse-majesté draconienne.
Mais si son père a pu longtemps contrôler son image, à une époque où les réseaux sociaux et internet n'existaient pas encore, la tâche sera plus rude pour son fils.
En juillet 2016, des photos peu flatteuses du prince avaient été publiées par le journal allemand Bild, dont l'accès à l'article avait été rapidement rendu inaccessible depuis la Thaïlande.
- Nombreux enfants-
Père d'une enfant née en 1978 d'un premier mariage avec une cousine, il a eu plusieurs fils de sa relation avec sa deuxième femme, Sucharinee, une descendance non reconnue par le palais.
Par le passé déjà, les conseillers du palais l'ont assigné à des missions officielles comme de représenter la Thaïlande aux funérailles de HiroHito en 1989.
Il a un grade honorifique de général au sein de l'armée, mais passe beaucoup de temps en Allemagne, où il vole aux manettes de son propre avion.
Après des études secondaires en Grande-Bretagne, il est inscrit en 1972 à l'Académie militaire de Duntroon, en Australie. Il rentre dans son pays peu avant la répression sanglante des manifestations étudiantes en 1976, avec des milices ultra royalistes au c?ur des répressions.
Avec AFP (http://www.lepetitjournal.com/bangkok) jeudi 13 octobre 2016
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