86,8%, c'est le taux d'augmentation des dépenses militaires depuis le coup d'Etat de 2006, qui sont passées de 86,7 milliards à 162 milliards de bahts en 2009, selon les données du Stockholm International Peace Research Institute (Sipri), institut d'études stratégiques chargé d'étudier l'importance des conflits et de la coopération pour la paix mondiale. En comparaison, de 2001 à 2006, l'augmentation du budget militaire avait été de 15%, de 75.4 à 86,7 milliards. Un chiffre qui s'explique en grande partie par les commandes de plusieurs milliards de bahts réalisées sur la demande du chef de l'armée, Anupong Paojinda. Et à deux mois de son départ en retraite, ce dernier a fait gonfler la liste d'achat des militaires de 16,6 milliards de bahts, rapporte samedi un article critique du Bangkok Post, qui titrait à sa Une : "La liste d'achat de l'armée augmente".
Doubler le nombre de soldats stationnés dans le nord
L'armée prévoit ainsi de mettre en place début 2011 une nouvelle division d'infanterie dans la province de Chiang Mai, pour un coût de 10 milliards de bahts (239 millions d'euros). Cela devrait permettre de déployer 25.000 soldats supplémentaires dans la région nord, actuellement occupée par 20.000 soldats répartis dans deux régiments, à Nakhon Sawan et Phitsanulok. Officiellement, le projet vise à protéger les frontières laotiennes et birmanes, et à lutter contre la contrebande de drogues, mais nombreux sont ceux qui suspectent une manœuvre visant à mieux contrôler les partisans anti-gouvernementaux Chemises rouges, majoritaires dans le nord. Face aux critiques, le Premier ministre Abhisit Vejjajiva a avoué avoir peu de détails sur ce projet évoqué par le chef de l'armée, mais a assuré que "l'idée d'une nouvelle unité militaire dans le nord a dû venir il y a déjà quelques temps et n'a rien à voir avec l'actuelle situation politique", rapporte samedi MCOT. "L'armée aide le gouvernement à faire face aux manifestants, et est récompensée par la possibilité de commander des armes", explique quant à elle Wassana Nanuam, spécialiste militaire pour le Bangkok Post.
Après une promesse d'annulation, le Sky Dragon est finalement acheté
Un autre projet controversé est revenu sous les projecteurs, avec la confirmation d'achat vendredi par un comité militaire du système de surveillance et de liaison d'un ballon dirigeable de reconnaissance, qui a déjà connu de nombreux problèmes avérés de fiabilité, et d'une valeur de 350 millions de bahts (8,4 millions d'euros). Fin mars 2010, Anupong Paojinda, alors sous les critiques quasi-quotidiennes des médias, avait annoncé officiellement l'abandon du projet d'achat du Sky Dragon, ballon dirigeable américain destiné à surveiller l'extrême sud de la Thaïlande, en proie depuis 2004 à une insurrection séparatiste. Ce véhicule, de par sa nature même, possède de nombreux défauts et risque d'être fortement exposé aux attaques des insurgés, ne pouvant même pas voler au dessus de 960 mètres d'altitude, contrairement aux 3.000 indiqués dans le contrat, le laissant à porter des fusils d'assauts M16. Mais le 27 mai dernier, quelques jours après l'opération militaire contre les manifestations anti-gouvernementales à Ratchaprasong, et alors que Bangkok et un tiers du Royaume sont toujours sous couvre-feu, Anupong fera passer la commande du ballon dirigeable en catimini, malgré la promesse d'une annulation du contrat deux mois auparavant.
Des transporteurs blindés non livrés trois ans après l'achat
La réputation du chef de l'armée est par ailleurs entachée par le manque de transparence sur la commande de 96 transporteurs blindés (APC) de type BTR-3E1, pour 3,9 milliards de bahts (93,3 millions d'euros). Le Bangkok Post révèle ainsi qu'Anupong pourrait demander au Parlement de confirmer la commande de 121 autres APC, pour un coût supplémentaire de 5 milliards de bahts (119,6 millions d'euros), à l'Ukraine... un des pays les plus corrompus au monde (146ème au classement mondial des pays les plus transparents), selon le baromètre 2009 de perception de la corruption, réalisé par Transparency International. Depuis 2007, l'armée thaïlandaise n'a d'ailleurs reçu aucun des véhicules de la part du fournisseur, précise le journal en langue anglaise, les fabricants ukrainiens des moteurs et systèmes de transmission des APC ayant refusé de distribuer leurs produits compte tenu des préoccupations suscitées par le coup d'Etat de 2006.
(http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html) mardi 27 juillet 2010