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Acculés par la mafia, les moto-taxis réclament Thaksin

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Jean-Louis DUZERT - Sans la présence des moto-taxis, Bangkok tournerait au ralenti
Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 6 septembre 2011, mis à jour le 31 octobre 2018

Majoritairement favorables à l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra qui avait commencé à réguler leur profession placée sous une domination mafieuse, les moto-taxis continuent d'espérer le retour du politicien exilé. Aujourd'hui, 70% d'entre eux paieraient encore "une taxe" à des associations criminelles qui avaient créé le métier de motos-taxis dans les années 1970

Le visage de son héros imprimé sur sa veste, Chalerm Changthongmadan, président de l'association des moto-taxis de Thaïlande, affiche fièrement sa fidélité à l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra. Comme nombre des 200.000 moto-taxis de Bangkok, il espère le retour du milliardaire, dont la politique leur était favorable. "Thaksin nous manque, à 100%", lance Chalerm Changthongmadan.

Une profession qui fait tourner Bangkok

Officiellement, selon la Bangkok Metropolitan Administration (BMA), ces motards, qui font partie des masses défavorisées dont Thaksin est souvent le héros, étaient 108.000 enregistrés dans la capitale en 2009, date du dernier recensement. Mais ils sont bien plus en réalité, environ 200.000, selon Claudio Sopranzetti, chercheur en anthropologie à l'université américaine d'Harvard, en raison de fausses vestes et plaques mises en circulation. Et "la ville ne fonctionnerait pas sans eux", parce qu'ils transportent chaque jour des millions de passagers en zigzaguant dans les embouteillages. Ils sont aussi bien plus qu'un moyen de transport efficace. "Nous voyons ceux qui volent à l'arrachée (...) et nous appelons alors nos amis motos-taxis pour les arrêter", raconte Chakrit Jarakum, 44 ans. "Nous rapportons les accidents à la police, les incendies". Livraison de documents et de nourriture, premiers secours, identification des intrus dans des quartiers qu'ils surveillent de leur coin de rue... "Leur force est leur capacité à se fondre complètement dans le paysage", souligne Claudio Sopranzetti.

Mais ils sont aussi une force politique. Selon lui, 80 à 90% d'entre eux sont des Chemises rouges, militants pro-Thaksin qui ont occupé le centre de Bangkok au printemps 2010 pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque. Le 28 avril 2010, avec son drapeau thaïlandais géant flottant à deux mètres au-dessus de sa moto, Suksomboon Makadee était en tête d'un convoi "rouge" bloqué par les forces de l'ordre. "Mon drapeau a été touché, criblé de balles", se rappelle-t-il. Pendant cette crise qui a fait plus de 90 morts, les moto-taxis ont fait plus que grossir les rangs des manifestants. "Quand les leaders étaient encerclés par la police, nous allions les aider", insiste Chalerm. "C'était notre devoir."

1.000 bahts par mois pour un "protecteur"

La plupart de ces motards sont des migrants du Nord et du Nord-Est du pays, bastion de Thaksin. Mais cette origine n'explique pas seul leur soutien au milliardaire, aujourd'hui en exil pour échapper à la prison. Ils se rappellent ses politiques en faveur des plus pauvres et sa tentative de les libérer du joug des mafias, note Claudio Sopranzetti.

A Bangkok, "c'est la mafia" qui a mis en place les moto-taxis dans les années 1970, explique-t-il. "Et quand on parle de mafia en Thaïlande, on parle principalement de policiers, de militaires aussi". Peu après son arrivée au pouvoir en 2001, Thaksin a tenté de formaliser ce secteur qui brasse aujourd'hui environ 100 millions de bahts par jour (plus de 2 millions d'euros), poursuit-il. Tous les chauffeurs ont été enregistrés et ont reçu en échange la veste orange qui est devenue leur uniforme.

Mais depuis le putsch contre Thaksin en 2006, les mafias ont repris du terrain: "70% des chauffeurs paient encore quelque chose", souligne le chercheur, qui évalue à 1.000 bahts par mois ce qu'un chauffeur doit verser à son "protecteur", alors qu'il gagne chaque jour entre 300 et 1.000 bahts (7 à 23 euros). C'est dans l'espoir de se débarrasser de ce fardeau que Charlerm soutient Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin, qui a pris la fonction de Premier ministre le 8 août après la victoire de son parti, le Puea Thai, aux élections législatives de juillet. D'autant que si l'ex-Premier ministre Abhisit Vejjajiva avait promis début janvier d'instaurer un nouveau système d'enregistrement des moto-taxis pour réduire l'influence des mafias, rien n'a été fait. "Nous attendons seulement que le nouveau gouvernement ordonne à la police d'arrêter de soutenir la mafia. Alors nous pourrons vivre". "Absolument. Le gouvernement de Yingluck va remettre en place les anciennes politiques, et nous les améliorerons", répond Prompong Nopparit, porte-parole du Puea Thai au pouvoir.

Mais fin août, l'association des moto-taxis de Thaïlande s'est déjà rendue devant le Parlement pour réclamer une accélération de la lutte contre l'influence de la grande criminalité dans leur travail. Malgré l'arrivée de Yingluck au pouvoir, les motos-taxis préfèreraient revoir leur héros en chair et en os, et préparent déjà son hypothétique retour. "Je mènerai les motos-taxis de tout Bangkok, décorés avec de grands drapeaux, l'accueillir à l'aéroport", promet Suksomboon. "Parce qu'il nous a aidés à avoir une vie meilleure".

Y.F. avec AFP mardi 6 septembre 2011

Majoritairement favorables à l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra qui avait commencé à réguler leur profession placée sous une domination mafieuse, les moto-taxis continuent d'espérer le retour du politicien exilé. Aujourd'hui, 70% d'entre eux paieraient encore « une taxe » à des associations criminelles qui avaient créé le métier de motos-taxis dans les années 1970
Majoritairement favorables à l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra qui avait commencé à réguler leur profession placée sous une domination mafieuse, les moto-taxis continuent d'espérer le retour du politicien exilé. Aujourd'hui, 70% d'entre eux paieraient encore « une taxe » à des associations criminelles qui avaient créé le métier de motos-taxis dans les années 1970
Fin août, l'association des moto-taxis de Thaïlande s'est rendue devant le Parlement pour réclamer une accélération de la lutte contre l'influence de la grande criminalité dans leur travail. Le visage de son héros imprimé sur sa veste, Chalerm Changthongmadan, son président, affiche fièrement sa fidélité à l'ex-Premier ministre en exil Thaksin Shinawatra. Comme nombre des 200.000 moto-taxis de Bangkok, il espère le retour du milliardaire, dont la politique leur était favorable. "Thaksin nous manque, à 100%", lance Chalerm Changthongmadan.
Une profession qui fait tourner Bangkok
Officiellement selon la Bangkok Metropolitan Administration (BMA), ces motards, qui font partie des masses défavorisées dont Thaksin est souvent le héros, étaient 108.000 enregistrés dans la capitale en 2009, date du dernier recensement. Mais ils sont bien plus en réalité, environ 200.000, selon Claudio Sopranzetti, chercheur en anthropologie à l'université américaine d'Harvard, en raison de fausses vestes et plaques mises en circulation. Et "la ville ne fonctionnerait pas sans eux", parce qu'ils transportent chaque jour des millions de passagers en zigzaguant dans les embouteillages. Ils sont aussi bien plus qu'un moyen de transport efficace. "Nous voyons ceux qui volent à l'arrachée (...) et nous appelons alors nos amis motos-taxis pour les arrêter", raconte Chakrit Jarakum, 44 ans. "Nous rapportons les accidents à la police, les incendies". Livraison de documents et de nourriture, premiers secours, identification des intrus dans des quartiers qu'ils surveillent de leur coin de rue... "Leur force est leur capacité à se fondre complètement dans le paysage", souligne Claudio Sopranzetti.
Mais ils sont aussi une force politique. Selon lui, 80 à 90% d'entre eux sont des Chemises rouges, militants pro-Thaksin qui ont occupé le centre de Bangkok au printemps 2010 pour réclamer la démission du gouvernement de l'époque. Le 28 avril 2010, avec son drapeau thaïlandais géant flottant à deux mètres au-dessus de sa moto, Suksomboon Makadee était en tête d'un convoi "rouge" bloqué par les forces de l'ordre. "Mon drapeau a été touché, criblé de balles", se rappelle-t-il. Pendant cette crise qui a fait plus de 90 morts, les moto-taxis ont fait plus que grossir les rangs des manifestants. "Quand les leaders étaient encerclés par la police, nous allions les aider", insiste Chalerm. "C'était notre devoir"

1.000 bahts par mois pour un "protecteur"
La plupart de ces motards sont des migrants du Nord et du Nord-Est du pays, bastion de Thaksin. Mais cette origine n'explique pas seul leur soutien au milliardaire, aujourd'hui en exil pour échapper à la prison. Ils se rappellent ses politiques en faveur des plus pauvres et sa tentative de les libérer du joug des mafias, note Claudio Sopranzetti. A Bangkok, "c'est la mafia" qui a mis en place les moto-taxis dans les années 1970, explique-t-il. "Et quand on parle de mafia en Thaïlande, on parle principalement de policiers, de militaires aussi". Peu après son arrivée au pouvoir en 2001, Thaksin a tenté de formaliser ce secteur qui brasse aujourd'hui environ 100 millions de bahts par jour (plus de 2 millions d'euros), poursuit-il. Tous les chauffeurs ont été enregistrés et ont reçu en échange la veste orange qui est devenue leur uniforme. Mais depuis le putsch contre Thaksin en 2006, les mafias ont repris du terrain: "70% des chauffeurs paient encore quelque chose", souligne le chercheur, qui évalue à 1.000 bahts par mois ce qu'un chauffeur doit verser à son "protecteur", alors qu'il gagne chaque jour entre 300 et 1.000 bahts (7 à 23 euros). C'est dans l'espoir de se débarrasser de ce fardeau que Charlerm soutient Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin, qui a pris la fonction de Premier ministre le 8 août après la victoire de son parti Puea Thai aux élections législatives de juillet. D'autant que si l'ex-Premier Ministre Abhisit Vejjajiva avait promis début janvier d'instaurer un nouveau système d'enregistrement des mototaxis pour réduire l'influence des mafias, rien n'a été fait."Nous attendons seulement que le nouveau gouvernement ordonne à la police d'arrêter de soutenir la mafia. Alors nous pourrons vivre". "Absolument. Le gouvernement de Yingluck va remettre en place les anciennes politiques, et nous les améliorerons", répond Prompong Nopparit, porte-parole du Puea Thai au pouvoir. Les motos-taxis préfèreraient malgré tout leur héros en chair et en os, et préparent déjà son hypothétique retour. "Je mènerai les motos-taxis de tout Bangkok, décorés avec de grands drapeaux, l'accueillir à l'aéroport", promet Suksomboon. "Parce qu'il nous a aidés à avoir une vie meilleure".
Y.F. (http://www.lepetitjournal.com/bangkok.html avec AFP) mardi 6 septembre 2011

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