S’il y a une femme que les Grecs ont admirée plus que tout, c’est bien Melina Mercouri. Sa mémoire reste intacte, même 25 ans après sa mort. Petit focus sur cette personnalité grecque emblématique.
Née en 1920 à Athènes, fille de Stamatis Mercouris, députée et ancienne ministre, et petite-fille de Spyros Mercouris, maire d’Athènes pendant près de 30 ans, Melina a grandi dans la politique. Comme dans la plupart des ‘bonnes familles’ de cette période-là, Melina est élevée par des gouvernantes étrangères, qui lui enseignent l’anglais et le français, en plus du grec. Mais son caractère rebelle se fait sentir dès son plus jeune âge : elle se serait mariée à 15 ans pour fuir le milieu familial, et aurait divorcé 3 ans plus tard.
Melina Mercouri, une artiste à part entière
À 18 ans, elle poursuit ses études à l’Institut dramatique du théâtre national de Grèce à Athènes. Puis elle entame sa carrière au théâtre entre Athènes et Paris.
En 1949, elle joue dans la célèbre pièce américaine, adaptée en France, Un Tramway nommé Désir de Tenessee Williams. Puis s’enchaînent les pièces, jusqu’à son premier film, Stella de Michael Cacoyannis en 1954, qui lui apporte la notoriété. Sa carrière cinématographique va jouer les cupidons en la mettant sur la route de Jules Dassin, cinéaste américain, alors en exil en France et va devenir sa muse, son égérie. En 1960, Jules Dassin réalise Jamais le Dimanche dans lequel Melina joue le rôle principal et dont la chanson ‘Les enfants du Pirée’, chantée par l’actrice, est devenue une des chansons grecques les plus connues. Ce film va ainsi mettre le couple sur le devant de la scène internationale. Artiste complète, Melina joue, chante et vit de sa passion entre la France, la Grèce et les États-Unis.
Melina Mercouri, patriote avant tout
Sauf que, le 21 avril 1967, un coup d’État que personne n’attendait éclate : c’est le putsch des colonels. La Grèce devient une dictature.
Résistante dans l’âme, elle devient le visage de la Grèce libre. Les colonels lui retirent sa nationalité grecque. Déchue et privée de ses droits civiques, elle déclare : « Je suis née grecque et je mourrai grecque. M.Pattakos est né dictateur et mourra dictateur ». Ses relents politiciens, pourtant bien enfouis toutes ces années, resurgissent instantanément. Elle disait d'ailleurs :
"J'ai bu la politique avec le lait de ma mère".
Melina entame donc une lutte infernale de la France contre cette junte militaire via une campagne visant à allier tous les pays étrangers à sa cause pour faire tomber la dictature. « Mes deux amours sont le théâtre et la politique, mais je suis avant tout une patriote qui veut vivre pour la splendeur de la Grèce. »
Melina Mercouri, la politicienne au profit de la culture grecque
Dès que la dictature tombe en 1974, Melina retourne s’installer en Grèce, récupère sa nationalité si chère et s’engage activement dans la politique. Le cinéma est complètement oublié, elle a trouvé sa voie. D’abord députée du PASOK, c’est la fonction de Ministre de la Culture qu’elle va incarner le mieux. Elle va se battre pour récupérer les marbres du Parthénon au British Muséum. Cause perdue, malheureusement, qui refait encore surface une fois de temps en temps, sans réel avancement concret. Puis elle a énormément apporté à la culture, notamment avec l’accès gratuit aux jeunes citoyens grecs des musées et sites archéologiques. Elle a établi des prix littéraires annuels et créé l’institution des capitales de la culture de l’Europe. Athènes est d’ailleurs devenue la première capitale européenne de la culture en 1985.
Dans une interview à la chaîne de TV publique ERT, Melina Mercouri avait déclaré que « la culture est l'industrie lourde » de la Grèce. « La Grèce doit jouer un rôle principal pour la Culture. C'est la Grèce, son héritage, sa richesse. Et si nous perdons cela, nous ne sommes personne ».
Avant-gardiste et passionnée, son parcours de vie montre une femme forte et indépendante, qui a su vivre ses rêves mais aussi affronter les obstacles de la vie, sans jamais défaillir. 25 ans après sa mort, on se souvient d’elle, de ce qu’elle a fait autant artistiquement parlant que politiquement.
À sa mort, le 6 mars 1994, des suites d’un cancer du poumon, la Grèce était en deuil. Le premier ministre d’alors, Andréas Papandréou, lui rendait hommage avec ces mots : « La Grèce est en deuil de Melina, qui fut une combattante courageuse, une grande actrice et une personne exceptionnelle. Nous sommes en deuil d'une femme qui, à part son art et ses luttes, avait identifié son nom à la Grèce même. Elle est pleurée par tout le peuple grec qui l'adorait et avait établi avec elle une relation particulière qui résistera au temps et à la tragédie présente. »