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Grèce : relancer l’industrie pour bâtir une économie complexe et durable

Alors que la Grèce devient de plus en plus dépendante du secteur tertiaire, un virage industriel s’impose. Construire une économie complexe, ancrée dans l’innovation, l’interconnexion et la durabilité, est devenu vital.

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Écrit par Mounir Moujoud
Publié le 4 juillet 2025, mis à jour le 8 juillet 2025

Une économie dépendante du tourisme et des services

En 2024, le tourisme a représenté 13 % du PIB grec, selon un rapport de la Banque de Grèce. Un chiffre présenté comme un succès par le gouvernement, mais qui cache une réalité plus inquiétante : la Grèce ne produit presque plus de biens. L’essentiel des produits manufacturés est importé, et les retombées du tourisme ne profitent pas au grec moyen, confronté à une hausse du coût de la vie.

Cette dépendance s’explique par l’effondrement progressif de l’industrie grecque. Entre 2013 et 2023, 68,6 % du PIB provenait du secteur tertiaire, contre 15,2 % pour l’industrie et 3,3 % pour l’agriculture. Le pays se retrouve à la traîne face aux exigences de l’économie mondiale actuelle, qui valorise l’innovation, la spécialisation et l’intégration dans les chaînes de valeur globales.

 

L’urgence de transitionner vers une économie complexe

Le professeur Kostas Axarloglou, doyen de l’Alba Graduate Business School, plaide pour une relance de l’industrie grecque et une transition vers une « économie complexe », fondée sur l’interconnexion, l’automatisation et les données. Aujourd’hui, seuls 4 % des Grecs travaillent dans des secteurs liés à cette économie, qui génèrent seulement 11 % de la valeur ajoutée nationale.

Un tissu économique diversifié repose sur des réseaux industriels, souvent dispersés géographiquement, mais unis par des infrastructures communes, des données partagées et des chaînes de production intégrées. À titre de comparaison, l’industrie manufacturière américaine, bien qu’elle ne représente que 11 % du PIB, est responsable de 60 % des exportations, 55 % des brevets, et 70 % des dépenses en R&D.

 

Des signes d’évolution lente mais encourageante

Malgré cette faiblesse structurelle, des progrès sont visibles. L’Atlas de la complexité économique note une croissance régulière des exportations grecques depuis 2018, portée notamment par les secteurs pharmaceutique et informatique. Des ressources commencent à migrer vers des industries à forte valeur ajoutée comme l’électronique ou la fabrication de machines.

Des entreprises spécialisées avec un haut niveau de savoir-faire existent déjà en Grèce, comme Gizelis Robotics, ce qui constitue un socle solide pour relancer une base productive. Le développement d’un tissu industriel plus intégré et tourné vers l’international pourrait enclencher un cercle vertueux de croissance durable.

 

Deux piliers : internationalisation et innovation

Pour Axarloglou, la stratégie industrielle grecque doit s’appuyer sur deux axes : l’internationalisation, via l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales, et l’innovation, via l’adoption de technologies de l’industrie.

Cela implique de miser sur les réseaux régionaux, par exemple les pôles d’innovation à Thessalonique, d’adopter les nouvelles technologies numériques (IoT, cloud, automatisation), et de développer des plateformes collaboratives entre entreprises. Ces outils permettent une meilleure coordination, réduisent les coûts et facilitent l’accès aux marchés mondiaux.

 

La transition verte et circulaire au cœur du changement

L’économie complexe ne peut se construire sans intégrer les impératifs de durabilité auquel l’économie fait face. Le modèle linéaire de production cède la place à une économie circulaire : réduction des déchets, recyclage, réutilisation, location de produits au lieu de la vente. Ce changement suppose une réorganisation complète de la chaîne de valeur, mais offre aussi des opportunités pour créer de nouveaux marchés et métiers.

Les entreprises adoptent ainsi des modèles collaboratifs centrés sur le cycle de vie des produits, dans le respect des critères ESG (environnement, social, gouvernance), imposés de plus en plus strictement au niveau international.

 

Un levier clé : le plan “Greece 2.0”

Le Plan national de relance et de résilience “Greece 2.0” offre une chance unique d’opérer cette transformation. Doté de plus de 35 milliards d’euros pour la période 2022–2026, ce plan structure les investissements autour de quatre piliers : transition verte, transformation numérique, cohésion sociale et réforme du tissu productif. Il soutient notamment le développement de « parcs industriels intelligents », la modernisation des lignes de production, la formation, et l’attractivité des investissements.

 

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