Lorsque le divorce présente des liens avec plusieurs Etats – notamment lorsque des époux de nationalité française résident à l’étranger, ou encore lorsque les époux sont de nationalité différentes – les règles de droit international privé sont susceptibles de s’appliquer pour déterminer la juridiction qui sera compétente pour en connaître, et la loi applicable pour en définir les modalités.
Juridiction Compétente
Détermination de la juridiction compétente
C’est la loi du tribunal saisi par les parties qui détermine quel juge est compétent ou non pour prononcer un divorce.
Chaque État a donc des règles différentes qui peuvent être régies par :
Une convention bilatérale, par exemple la convention franco-marocaine en matière de divorce de 1981
Le règlement européen dit « Bruxelles II Bis » si l’État dont le tribunal est saisi est membre de l’Union européenne
Les propres lois nationales du juge saisi. Par exemple, le droit américain considère que le tribunal compétent est en priorité celui de la résidence habituelle des époux.
Règlement Bruxelles II bis
Dès que l’une des parties réside dans un État de l’Union européenne -ressortissant européen ou non – le juge saisi est tenu d’appliquer le Règlement Bruxelles II bis pour déterminer la juridiction compétente.
Ce texte prévoit à son article 3 que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre :
Du lieu de résidence habituelle des époux
Du lieu de dernière résidence commune si l’un des époux y réside encore
Du lieu de résidence du défendeur
Du lieu de résidence habituelle du demandeur s’il y a vécu au moins 6 mois avant l’introduction de la demande et qu’il est ressortissant de cet Etat
Du lieu de résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé au moins une année avant l’introduction de la requête
De la nationalité des deux époux ou, dans le cas de l’Irlande, « du domicile commun ».
La désignation de l’une de ces juridictions se fait selon le choix du demandeur.
Dans le cas où la compétence n’a pu être déterminée
Si et seulement si les critères susvisés ne permettent pas de déterminer la juridiction compétente, l’article 7 du règlement Bruxelles II bis renverra aux lois de la juridiction que le requérant envisage de saisir afin de désigner alors la juridiction compétente.
Pour la France, il est possible d’invoquer l’article 1070 du code de procédure civile ou les articles 14 et 15 du code civil (qui définissent un privilège de nationalité lorsque le demandeur ou le défendeur a la nationalité française).
L’article 1070 du code civil donne compétence au juge du tribunal de résidence de la famille et si les parents sont déjà séparés il s’agira alors hiérarchiquement :
Du juge du lieu de résidence du parent avec lequel résident habituellement les enfants mineurs en cas d’exercice en commun de l’autorité parentale
Du juge du lieu de résidence du parent qui exerce seul cette autorité
Du juge du lieu de résidence de celui qui n’a pas pris l’initiative du divorce.
Les articles 14 et 15 du Code civil instituent eux le “privilège de juridiction” qui permet, dès lors que le demandeur ou le défendeur est de nationalité française, de désigner le juge français compétent. La demande en divorce devra alors être déposée par un avocat au greffe du tribunal de grande instance du domicile en France de l’un des conjoints. Si aucun des époux ne possède de résidence en France, l’avocat s’adressera au tribunal de grande instance de l’ancienne résidence française du demandeur ou à défaut au tribunal de grande instance de Paris.
Conflit de juridictions
Il s’agit de litispendance internationale, très fréquente en matière de divorce dans la mesure où chacune des parties veut saisir la juridiction du pays qui servira le plus ses intérêts. Encore ici, chaque État a ses propres règles.
S’il s’agit de deux tribunaux européens, l’article 19 -1 du règlement Bruxelles II bis prévoit que le second tribunal saisi doit surseoir à statuer en attendant de savoir si le premier tribunal saisi se déclare compétent.
S’il s’agit en revanche d’une litispendance entre un tribunal français et étranger (extra-européen) c’est l’article 100 du code de procédure civil qui s’applique et qui prévoit que « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. À défaut, elle peut le faire d’office. »
LOI APPLICABLE
Au même titre que les règles de conflit de juridiction, il existe des règles de conflit de lois quand plusieurs lois sont susceptibles de s’appliquer à un même litige, chaque État a encore ici des règles différentes qui peuvent être régies par :
Une convention bilatérale : la convention franco-polonaise de 1967 indique par exemple que la loi applicable au divorce est celle de la nationalité commune des époux et s’ils sont de nationalité différente, de leur domicile.
le Règlement européen n° 1259/2010 dit Rome III
Des règles internes de conflit de loi
Règlement européen n°1259/2010 dit Rome III
Le règlement est applicable dans les États membres participant à la coopération renforcée, soit seize États (Belgique, Bulgarie, Allemagne, Espagne, France, Italie, Lettonie, Luxembourg, Hongrie, Malte, Autriche, Portugal, Roumanie, Slovénie, Lituanie, Grèce) mais concerne tous les couples internationaux, quelle que soit leur résidence, ressortissants des 16 États membres participants ou des 11 autres États de l’UE ou d’un État tiers.
Il permet, si les époux sont d’accord de désigner à l’avance la loi applicable à leur divorce dans les situations suivantes :
Les époux sont de nationalités différentes
Les époux n’ont pas leur résidence habituelle dans le même Etat
Les époux résident dans un Etat dont ils n’ont pas la nationalité
Le mariage a été contracté dans un Etat autre que celui dans lequel le couple a sa résidence habituelle.
Le règlement n’est applicable que dans les Etats participants mais concerne tous les couples internationaux.
Les lois susceptibles d’être choisies sont :
La loi de l’État de la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction,
La loi de la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet Etat au moment de la saisine de la juridiction
La loi de l’État de la nationalité de l’un des époux au moment de la conclusion au moment de la saisine de la juridiction
La loi du for c’est-à-dire la loi du tribunal saisi
Il est donc tout à fait possible que le juge compétent ait à appliquer la loi d’un autre Etat. Le juge français peut par exemple être compétent tout en étant tenu d’appliquer une loi étrangère.
Vous êtes déjà mariés ? Il n’est pas trop tard. Le choix peut être effectué avant la saisine du juge du divorce, en cours de mariage voire en cours de procédure de divorce si la loi du for le permet.
En l’absence de choix
À défaut de choix par les parties, l’article 8 du règlement dispose que le divorce sera soumis à la loi de l’Etat :
De la résidence habituelle des époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut,
De la dernière résidence habituelle des époux pour autant que cette résidence n’ait pas pris fin plus d’un an avant la saisine de la juridiction et que l’un des époux réside encore dans cet État au moment de la saisine de la juridiction ;
De la nationalité des deux époux au moment de la saisine de la juridiction ; ou à défaut ;
Dont la juridiction est saisie
N.B : Ce règlement a une application universelle. Cela signifie que la loi désignée par les époux sera applicable même si celle-ci est issue d’un Etat non participant. Indépendamment du tribunal saisi dans l’un des États membres participants, la loi désignée d’un accord commun sera appliquée.
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