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Christophe Chantepy: On peut être légitimement optimiste pour la Grèce

Christophe Chantepy ambassadeur de France en GrèceChristophe Chantepy ambassadeur de France en Grèce
Écrit par Aurore Le Perff
Publié le 22 janvier 2019, mis à jour le 22 janvier 2019

Christophe Chantepy est ambassadeur de France à Athènes depuis 2015. Après l’ENA, il a commencé sa carrière au Conseil d’État, son corps d’origine, et a également exercé les fonctions de directeur de cabinet. Il s’est entretenu avec nous sur son rôle d’ambassadeur ainsi que sur la Grèce, ce pays qui l’a si bien accueilli.

 

Lepetitjournal.com/Athènes : Connaissiez-vous déjà un peu la Grèce avant d’y venir dans le cadre de vos fonctions d’ambassadeur ?

Christophe Chantepy : J’avais une affection particulière pour ce pays qui tenait à ce que j’avais fait, quand j’étais enfant, du grec ancien au collège et au lycée. J’avais adoré le grec ancien. Ensuite, j’y ai passé mes premières vacances avec une bande de 9 amis, sac au dos. Ce pays m’a ravi. Venant de Saint-Étienne, je n’étais pas habitué aux paysages méditerranéens. Et puis, la mer... C’est un pays d’une beauté époustouflante et la qualité de l’hospitalité est exceptionnelle. Tout cela était une découverte. J’y suis revenu plusieurs fois en touriste mais on ne connaît vraiment un pays que lorsqu’on y vit.

 

Et maintenant que vous y vivez ? Comment trouvez-vous la vie d’expatrié en Grèce ?

Tout dépaysement rajeunit ! C’est un pays accueillant où on se sent facilement très bien. Dans la vie quotidienne, les contacts avec les Grecs sont extrêmement faciles.

On a des sourires, on a des coups de main, et on se sent très bien.

Je sais parfaitement que la vie quotidienne est âpre pour beaucoup de Grecs à cause de la crise qu’ils viennent de traverser. Mais, malgré cette crise, on sent que ce pays s’est toujours battu pour tenter de préserver le bien vivre ensemble. Où que vous alliez en Grèce, vous pourrez toujours trouver une petite taverne dans laquelle une famille vient se retrouver le dimanche. Malgré la baisse des retraites, des salaires, malgré le chômage encore très élevé. 

 

Vous avez l’air d’apprécier la culture, mais la langue aussi. Vous avez même prononcé des discours en grec. Comment avez-vous appris le grec ?

Quand j’ai appris que j’allais être nommé en Grèce, la première chose que j’ai faite a été d’aller acheter un dictionnaire et une grammaire grecs.

Mon grec ancien s’était effacé en 40 ans… Mais il me restait une familiarité avec l’alphabet, les conjugaisons et les déclinaisons. Donc ce n’était pas une langue totalement nouvelle pour moi. Très vite, j’ai téléchargé sur mon téléphone la presse en grec et je m’escrimais tous les jours à lire un peu. 

C’était indispensable selon moi. À l’époque où l’information est immédiate et change 15 fois par jour, je voulais pouvoir suivre ce qui se passe en instantané.

 

Avez-vous toujours eu envie d’être diplomate ?

Je voulais, à un moment de ma vie professionnelle, travailler dans les affaires étrangères. L’occasion s’est présentée d’être ambassadeur de France en Grèce au moment où la Grèce était vraiment dans la difficulté. Et j’ai sauté sur l’occasion. Compte tenu de l’intensité des relations entre la Grèce et la France, particulièrement pendant la crise, j’étais heureux de pouvoir apporter ma contribution à notre relation bilatérale si forte et si chaleureuse. 

Seule la bienveillance dans une crise de cette profondeur pouvait permettre d’éviter la catastrophe...

La France n’a jamais eu de position consistant à dire que les mesures de redressement des finances publiques n’étaient pas nécessaires. Elles l’étaient bien sûr. Mais elle a toujours eu une attitude bienveillante, car seule la bienveillance dans une crise de cette profondeur pouvait permettre d’éviter la catastrophe qu’aurait été la sortie de la Grèce de la zone Europe. Catastrophe non seulement pour la Grèce mais aussi pour l’Europe.

 

Aviez-vous une idée précise de ce que vous vouliez faire en Grèce ?

Au-delà des questions liées directement à la mise en œuvre du 3ème programme de soutien, j’avais détecté qu’il y avait en Grèce un écosystème de l’innovation tout à fait remarquable qui n’était pas très connu, ni encore très valorisé, même dans le pays. Et comme la France est dans le peloton de tête au niveau mondial pour l’innovation, je me suis dit qu’il fallait développer la relation entre nos deux pays dans ce domaine

Une fois arrivé sur place, j’ai constaté qu’il y avait en effet de la part des acteurs de cet écosystème une attente de collaboration, et aussi de reconnaissance, à la fois au plan local et à l’étranger. C’est ainsi que nous avons créé le réseau Mazinnov, un réseau de coopération des deux écosystèmes grec et français.

Christophe Chantepy - Mazinnov

 

Existe-t-il d’autres projets qui vous tiennent à cœur dans le cadre de vos fonctions d’ambassadeur ?

Oui, beaucoup. Il y a toute une série d’initiatives qui vont de pair avec les réformes conduites en Grèce, et sur lesquelles la France s’est particulièrement investie. J’en citerai deux :

  • L’assistance technique que la France apporte à la Grèce pour la réforme de son administration. Beaucoup de progrès ont été faits dans ce domaine, même si la tâche n’est jamais terminée, car l’adaptation de l’administration publique doit être, partout, permanente. Nous suivons cela de près avec l’opérateur Expertise France qui a un bureau permanent ici à Athènes. C’est un sujet essentiel car dans un État développé, européen, rien ne fonctionne si l’administration ne fonctionne pas bien. C’est indispensable, pour la vie quotidienne des citoyens mais aussi pour le développement économique. . 
  • L’autre dossier est la création par la Grèce d’une banque publique de développement inspirée de ce qui a été fait en France en 2013 avec la création de Bpifrance, la banque publique d’investissement. C’est une « success story » en France : Bpifrance soutient le financement des PME et des startups, et permet ainsi leur développement.

 

Pouvez-vous en dire plus sur cette banque d’investissement grecque ?

C’est un élément important de l’accord intervenu à l’été 2015 sur le 3ème programme de soutien à la Grèce, car à côté des mesures d’économie, par exemple sur les retraites, qui étaient rudes, il fallait des mesures qui mettent du charbon dans la machine économique. Et ce projet de banque publique de développement en était un. 

Ce projet est resté en gestation pendant la durée du 3ème programme, car certains avaient encore des doutes sur son bien-fondé. Mais pour la France, il a toujours constitué un élément fort de l’équilibre global de ce 3ème programme. Et in fine, le feu vert a été donné pour la création de ce nouvel outil. C’est en cours. Nous pouvons espérer que tout sera mis en place dans les premiers mois de 2019.

 

Comment voyez-vous l’avenir de la Grèce ?

La Grèce a toutes les capacités et tout le potentiel pour se développer. Non pas simplement pour éviter le naufrage : nous n’en sommes plus là.

Grâce aux efforts des Grecs et au soutien européen, la Grèce a sorti la tête de l’eau.

Maintenant, tout ce potentiel doit être mobilisé pour remettre le pays sur le chemin de la croissance et de la réduction du chômage. Les premiers résultats sont là : la croissance est revenue et le chômage, même s’il est encore très élevé, a fortement baissé depuis trois ans. Il faut continuer sur la même voie.

En tout cas, on peut être optimiste pour la Grèce, objectivement.

 

Et subjectivement ?

Bien sûr il y a un certain nombre de conditions qui doivent être remplies pour que ces potentialités se réalisent effectivement. Il faut continuer à être, du point de vue des autorités publiques, très vigilant sur la poursuite des réformes, notamment la réforme de l’administration. Il faut que tout l’environnement, ce que l’on appelle le climat des affaires, s’améliore de façon constante. Lorsque vous êtes un investisseur, quand vous regardez dans quel pays investir, vous ne regardez pas que le niveau de la fiscalité, mais aussi le niveau d’éducation, les infrastructures, la qualité de la recherche. Et la Grèce a là aussi des atouts. Ce développement économique, auquel la France apporte sa contribution par nos entreprises implantées en Grèce, est bien sûr indispensable pour stopper la fuite des cerveaux. C’est sans doute un des enjeux majeurs des prochaines années.

 

C’est votre dernière année en Grèce, que souhaitez-vous pour 2019 ?

Je veux souhaiter une bonne année à nos amis Grecs et aux Français de Grèce. Pour eux-mêmes, leurs familles, leurs proches et tous ceux qui leur sont chers. Je nous souhaite que la belle amitié entre nos deux pays s’épanouisse encore. Et puis 2019 est l’année des élections européennes, je souhaite donc que beaucoup de citoyens aillent voter. Dans une démocratie, il faut que les citoyens votent, qu’ils puissent s’exprimer. Nous avons encore tant à faire ensemble.  

Aurore Le Perff
Publié le 22 janvier 2019, mis à jour le 22 janvier 2019

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