

À la suite de sa conférence au Centre Culturel Onassis d'Athènes, Natalie Nougayrède, Directrice du journal Le Monde, a accepté de répondre aux questions du petitjournal.com
Lepetitjournal.com : Pour un journal comme Le Monde, comment médiatiser une crise comme celle de la Grèce, sur plusieurs années, sans contribuer à la mauvaise image du pays ?
Natalie Nougayrède : Nous essayons de raconter les choses dans leur complexité. Je pense que c'est ça le plus important quand on s'empare d'un sujet comme la crise grecque qui est extrêmement riche et qui porte sur une situation qui affecte les gens au plus près de leur vie quotidienne et dans le fonctionnement d'un pays et d'un état. Il ne faut jamais nier la complexité des choses. Pas de vision simpliste, pas d'idées près-conçues. Il faut garder l'esprit bien ouvert et décrire les différents aspects d'une situation comme celle que vous mentionnez. Ensuite, on ne s'intéresse pas à un pays uniquement pour sa situation économique et politique. On peut raconter beaucoup de choses sur un pays. On peut raconter des dimensions culturelles, liées à l'innovation et à beaucoup beaucoup d'autres choses. Notre regard ne doit pas être uniquement politico-économique.
Pourquoi ne parler que de la crise, comme un refrain lancinant, montrer la misère plutôt que les belles initiatives qui peuvent être mises en place ?
Evidemment on essaie de mettre de la vie dans le journal. On ne veut pas être dans un traitement de l'actualité des différents pays qui soit uniquement un traitement institutionnel, tourné vers les gouvernements et les institutions. On veut être au plus près de la vie des sociétés. Comme les poches de créativité que vous décrivez, des poches de jeunes qui échangent entre eux ou ce qu'il se passe sur les réseaux sociaux, tout cela est intéressant. Voir comment les initiatives sont prises. On veut toute cette gamme. Il y a la possibilité grâce au numérique et à tous les formats que l'on crée d'avoir cette dimension là. On a jamais eu autant de chance. Par exemple, avec les fils de discussions, on peut très bien imaginer un dialogue avec de jeunes francophones qui sont ici, sur place, et qui voudraient dialoguer avec la rédaction du journal.
Votre prédécesseur, Erik Izraelewicz, avait déclaré dans un édito du 23 mai 2012, je cite : « Si les Grecs veulent continuer à faire partie du club, ils doivent en accepter le règlement intérieur - et l'appliquer. (?) Il n'est pas admissible qu'un petit pays, par son refus des règles du jeu, puisse continuer à mettre en danger l'ensemble du continent. » Qu'en pensez-vous ?
Moi, ce qui me paraît essentiel, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est que le projet européen puisse continuer d'avancer. Et pour cela, il faut que chacune des entités qui composent l'Europe se sentent pleinement parties prenantes d'une ambition qui soit partagée et redéfinie sur les points forts de l'identité européenne. L'identité européenne a été créée pour un projet de paix, de démocratie et de prospérité. Et le troisième volet qui est le volet de prospérité, il va falloir qu'on y pense en injectant un peu plus de coordination entre tous nos pays.
Quels sont les trois traits de caractères d'une grande journaliste, comme vous, qui devient directrice du Monde ?
Je vais vous dire quelque chose. Il ne faut jamais se décourager. Parfois c'est difficile. Quand je me suis lancée dans le journalisme, j'étais très jeune. Les gens ne nous prennent alors pas vraiment au sérieux. On ne sait pas trop comment poser les questions. Il ne faut pas se décourager, ça prend du temps de se construire dans ce métier, comme dans d'autres métiers. Il ne faut pas être impatient. Il faut s'intéresser aux gens, écouter. C'est un métier comme un cadeau car il n'y a rien de plus intéressant que d'aller rencontrer les gens. Moi j'étais très timide quand j'étais adolescente et je me suis dit, qu'en fait, ce métier me donnait une formidable raison pour aller discuter avec les gens. Une formidable carte de visite. Donc il faut être déterminé, ne pas se décourager et je pense qu'il faut être indépendant d'esprit. Et il faut savoir poser les questions avec courtoisie. Etre journaliste, ce n'est pas être agressif systématiquement. Il faut questionner ce qu'on voit parce que parfois dans nos sociétés, on s'habitue trop souvent à des discours tout faits.
Propos recueillis par Klervi Drouglazet (www.lepetitjournal.com/athenes) Jeudi 20 mars 2014
Lire aussi : Natalie Nougayrede, une femme du Monde a Athenes, lepetitjournal.com/athenes , 20 mars 2014

























