

Les premières conclusions de l'enquête menée par le juge antiterroriste français Marc Trevedic ont été rendues publiques aujourd'hui.
Décapitation post-mortem, pas de trace de balles, mort par égorgement pour trois moines?Les résultats de l'expertise effectuée sur les crânes des sept moines trappistes de Tibéhirine assassinés, en 1996 après leur enlèvement dans la wilaya de Médéa en Algérie, sont désormais connus. Les premières conclusions de cette enquête, présentées aujourd'hui 02 juillet en France par le juge antiterroriste français, Marc Trévidic, vont, sans nul doute mettre un terme à des polémiques, notamment celle concernant «une bavure de l'armée algérienne qui serait à l'origine de la morte des religieux français».
En effet, selon les résultats de cette enquête présentés aux familles des victimes, les têtes des sept moines ne présentent pas de traces de balles. Ce qui fragilise « la thèse d'une bavure de l'armée algérienne qui aurait tué par erreur les moines en tirant depuis un hélicoptère sur un bivouac jihadiste ».
L'analyse des prélèvements effectués sur les têtes des religieux évoque, selon le juge cité par l'AFP, l'hypothèse d'une décapitation après les décès qui avaient provoqué une vive émotion en France. Pour rappel, trois thèses s'affrontent pour expliquer ce crime: la version officielle algérienne d'un acte imputable au Groupe islamique armé (GIA), celle d'une bavure de l'armée algérienne, ou celle d'une manipulation des services militaires algériens pour discréditer le GIA ou se débarrasser des moines, enlevés dans leur monastère dans la nuit du 26 au 27 mars 1996.
«L'hypothèse d'un décès entre le 25 et le 27 avril 1996, tel qu'il est évoqué dans une pièce de procédure, apparaît vraisemblable», selon les conclusions de cette expertise, datée de lundi dernier et qui n'a été présentée qu'hier aux proches des sept moines assassinés. Ce délai pourrait renforcer les interrogations des familles, qui jusqu'ici doutent de la thèse officielle algérienne.
Dans un communiqué rendu public le 23 mai 1996 et daté du 21, le GIA avait revendiqué les assassinats et affirmé avoir envoyé, le 30 avril 1996, «un messager à l'ambassade de France » pour « confirmer que les moines sont toujours vivants », ainsi qu'une lettre qui précise la façon de négocier». Ces dates ne concordent pas avec les résultats de l'expertise présentés par le juge antiterroriste français Marc Trévidic.
Autre élément troublant qui renforce la thèse d'une manipulation pour masquer les causes de la mort des religieux: les résultats des examens des têtes des moines plaident «en faveur d'une décapitation post mortem». «Les éléments botaniques et la présence de terre différente de celle du cimetière de Tibéhirine observés dans et sur les crânes sont en faveur d'une première inhumation», précisent les experts. Et de nuancer : «en l'absence des corps qui n'ont jamais été retrouvés, la cause des décès ne peut pas être affirmée». «Il est retrouvé des lésions évocatrices d'égorgement chez trois d'entre eux, égorgement suffisant pour être à l'origine directe de la mort», notent-ils encore. Par ailleurs, les experts, qui s'étaient rendus en Algérie en octobre avec le juge Trévidic pour exhumer les têtes des moines, n'ont pas relevé «de lésions pouvant correspondre à des coups portés directement par objet contondant».
Mais là encore, et en raison de l'absence des corps, « il n'est pas possible de dire s'il y a eu (...) des mauvais traitements, coups ou tortures». De plus, les experts regrettent que les autorités algériennes aient refusé de les laisser ramener les prélèvements faits sur place en France. «La transmission et l'exploitation des prélèvements réalisés lors de l'exhumation sont hautement souhaitables», précisent les experts français.
Amar Chaabane (www.lepetitjournal.com/alger) jeudi 2 juillet 2015
