La lauréate 2022 du Prix Nobel de la littérature s’est vue refuser son visa d’entrée en Algérie, alors qu’elle était conviée à la 26ème édition du Salon International du Livre d’Alger.
Alors que le Salon du Livre d’Alger entame sa 26ème édition ce mercredi 25 octobre, avec comme invité d’honneur le continent africain, Annie Ernaux sera quant à elle malheureusement absente de cette édition littéraire. Aucune explication n’a été donnée par les autorités algériennes, mais cette décision pourrait être liée à une tribune signée en mai dernier par l’écrivaine, selon Le Monde.
Une tribune cosignée par Annie Ernaux en mai 2023
C’est dans la nuit du 24 décembre 2022 que le journaliste algérien Ihsane El Kadi s’est fait arrêter et a été condamné à cinq ans de prison, dont trois ferme. Le fondateur de l’agence Interface Médias, journaliste emblématique du combat pour la liberté d’expression, avait tenu tête aux autorités algériennes. Il est accusé de « réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande », et « d’accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au fonctionnement normal des institutions ».
Dès lors, un collectif d’intellectuels avait signé une tribune, publiée dans le journal Le Monde, en mai 2023. Parmi eux, l’autrice de la célèbre œuvre La Place, ainsi que Noam Chomsky, Arundhati Roy ou bien encore Ken Loach.
Ce texte, publié un mois après sa condamnation, assurait que le journaliste algérien était visé « parce qu’il refuse de se soumettre aux pressions de ceux qui gouvernent le pays et voudraient faire de lui un journaliste de contrefaçon », en ajoutant même « ce grand pays se referme comme un piège redoutable sur les opposants politiques et les citoyens qui osent rêver d’un véritable État de droit ».
D’après le journal Le Monde, la signature de cette tribune par l’écrivaine française pourrait être la raison de ce refus de visa, et s’expliquerait également par l’intervention de l’ambassadeur algérien en poste à Paris, Saïd Moussi.
Une restriction de la liberté d’expression au SILA ?
Outre l’absence d’Annie Ernaux durant cette édition, Arezki Ait-Larbi, directeur des éditions Koukou, a lui aussi critiqué « les dérives récurrentes » du gouvernement, en réaction au refus d’accès au SILA cette même année.
Il a par ailleurs partagé sur Facebook un courrier électronique du commissariat du Salon International du Livre d’Alger, qui justifiait cette exclusion en mentionnant des « dépassements constatés dans les publications contraires au règlement du SILA et que vous exposez sur votre stand », sans fournir de précisions supplémentaires.
Cette exclusion s’inscrit également dans un contexte de répétition des atteintes à la liberté d’expression. L’éditeur évoque avoir dû faire face, depuis 2011, à de nombreux incidents, allant du saccage de son stand en 2016 à des tentatives de saisie de livres en 2018. Une interdiction temporaire pour certaines œuvres avait même été appliquée l’année passée.