Édition internationale

TRADITION - Un autre son de cloche

Écrit par Lepetitjournal Zurich
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 15 février 2016

Une initiative individuelle contre le bruit des cloches relance le débat sur les nuisances sonores dans une société fortement attaché à ce patrimoine sonore.


Un habitant d'Uster souhaite interdire, ou au moins limiter, la sonnerie des cloches du canton. Pour ce faire, il a déposé, cette semaine, une initiative individuelle auprès des autorités. Le citoyen suisse se dit, en effet, gêné par le bruit des cloches, et considère leur tintement comme un harcèlement quotidien, "inutile et évitable", que ne saurait justifier la liberté de conscience. Dans le canton de Zurich, comme dans le reste de la Suisse, la majorité des temples et églises font sonner leurs cloches tous les quarts d'heures, et beaucoup continuent de le faire pendant toute la nuit.

Clocher de St Peter (Crédits: Roland zh)

Parcours d'obstacles législatif


Comme toute initiative individuelle, la proposition devra, dans un premier temps, recevoir le soutien d'un tiers des élus (60 sur 180) du Grand Conseil cantonal au cours d'un vote préliminaire. Elle sera ensuite examinée par le Conseil d'Etat du canton, qui lui donnera sa forme juridique, avant de la renvoyer au Grand Conseil pour un second vote, à la majorité cette fois-ci. Si toutes ces étapes sont franchies, l'initiative fera alors l'objet d'un référendum avant d'être appliquée. Mais les chances qu'une telle proposition soit adoptée son assez faibles dans un pays où le son des cloches est partie intégrante de la culture depuis le XIIIème siècle.


Des plaintes infructueuses


Ces dernières années, plusieurs personnes se sont élevées, sans succès, contre ce patrimoine sonore. En 2001, une habitante de Bubikon, dans le canton de Zurich, s'est vue déboutée par le Tribunal fédéral quand elle a voulu faire cesser les sonneries nocturnes. Elle obtint juste de la commune que les cloches ne résonnent plus avant 6 heures du matin. En 2010, un résident de Gossau, dans le canton de Zurich également, a lui aussi porté l'affaire devant les tribunaux. Habitant à 200 mètres de l'église réformée de son village, il fait mesurer le bruit dans sa chambre à 65 décibels, et demande l'interdiction des cloches de 22 heures à 7 heures. Il sera débouté par le Tribunal administratif de Zurich, puis par le Tribunal fédéral et, finalement, par la Cour européenne des droits de l'homme. En 2014, à Domdidier dans le canton de Fribourg, c'est le curé, fraichement installé dans sa cure, qui part en croisade contre les cloches de sa propre église, quitte à se mettre les fidèles du village à dos. Les cloches, dit-il, l'empêchent de dormir et menacent sa santé.


Une réglementation sur le bruit, mais pas sur les cloches


L'office fédéral de l'environnement considère effectivement le bruit comme dangereux, car générateur de stress, particulièrement quand il est subit pendant la nuit et qu'il en vient à nuire au sommeil. Ses conséquences à long terme sur la santé peuvent être graves, notamment au niveau cardio-vasculaire. Mais les seuls règlements contraignants, organisés par l'Ordonnance sur la protection contre le bruit, concernent les industries, le trafic aérien, routier et ferroviaire, et les stands de tir. À Zurich, par exemple, les vols de nuit sont bannis de 23 heures à 6 heures. Pour les autres infrastructures, la Loi sur la protection de l'environnement se borne à interdire les nuisances inconsidérées, mais laisse le soin aux autorités locales de trancher les litiges. Et quand il s'agit des cloches, la tradition et "l'intérêt général" l'emportent sur le nombre de décibels.


Une situation qui évolue d'elle-même


Si l'affrontement frontal, tant judiciaire, que législatif, est dans une certaine mesure "voué à l'échec", et s'attire les foudres d'une partie de la population attachée à son patrimoine, la situation évolue cependant grâce au dialogue entre riverains et autorités religieuses. Fin 2014, 31 des 58 temples et églises de Zurich avaient déjà cessé de faire sonner leurs cloches pendant la nuit, la plupart du temps entre 22 heures et 7 heures. Pour les autres il faudra sans doute attendre encore un peu. Et dans l'intervalle, on ne peut que conseiller la solution la plus simple à ceux que les cloches privent de sommeil : des bouchons d'oreilles.

Jean-Baptiste CHATAIN (www.lepetitjournal.com/zurich) vendredi 12 février 2016.
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Publié le 12 février 2016, mis à jour le 15 février 2016
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