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Comment c’était la Nouvelle-Zélande dans les années 80 ?

Nadine est arrivée en 1986 en Nouvelle-Zélande, dans l'optique de voyager et d'apprendre l'anglais. De fil en aiguille, elle est restée et a décidé de bâtir sa vie ici. 38 ans plus elle nous livre ses souvenirs sur la Nouvelle-Zélande, son évolution à travers les années sur différent sujets. Alors, comment c'était la NZ dans les années 80 ?

Nouvelle-Zélande dans les années 80 Nouvelle-Zélande dans les années 80
Nouvelle-Zélande dans les années 80
Écrit par Lara Saliège
Publié le 5 octobre 2025, mis à jour le 24 octobre 2025

 

 

Comment se passait l'intégration dans les années 80 ?

Je pense qu'une des raisons pour lesquelles mon intégration a été plus facile est que j'ai toujours travaillé dans des milieux anglophones, ce qui m'a permis de m’immerger rapidement. Cependant, pour beaucoup d'autres, la difficulté résidait dans la recherche d'emploi, ce qui compliquait l'intégration dans la société néo-zélandaise.

Il y a une expérience qui a marqué mon arrivée : une semaine après mon arrivée, j'ai eu la chance d'aller à Hoani Waititi Marae. J'y ai passé trois jours et deux nuits, et j'ai pu écouter des Maoris très connus parler du secteur de la santé en Nouvelle-Zélande. Cela a été une immersion dans leur culture que peu de gens vivent au début. Mon travail m'a permis d'avoir davantage de contacts avec eux, ce qui a facilité encore plus mon intégration. Quant à la communication, c'était aussi un défi. Avant l'ère des smartphones et des connexions instantanées, les appels internationaux étaient minutés, et je me souviens que la première fois que j'ai appelé ma mère, j'avais le chrono en main pour ne pas dépasser le temps imparti ! C'est un autre aspect de la vie d'expatriée à l'époque, qui aujourd'hui paraît presque inimaginable.

 

 

 

 

 

 

 

Dans la soirée j’ai entendu "Last orders". Je pensais que vu qu'il s’agissait d'un mariage...Mais non, tout s'arrêtait à 22h

 

 

 

Quelles ont été vos premières impressions sur la vie quotidienne ? Était-ce très différent de la France?

Je viens de Lille, où j'avais l'habitude d'aller faire mes courses à Auchan, ouvert jusqu’à 22h. Lorsque je suis arrivée ici, je me souviens d’être allée dans un supermarché local un après-midi, vers 16h30, et d’entendre une annonce disant qu'il était temps de se diriger vers les caisses. Je pensais qu’il y avait une erreur, que c’était pour un contrôle ou quelque chose du genre ! Puis, j'ai réalisé qu'en Nouvelle-Zélande, les magasins fermaient à 17h, ce qui m'a vraiment choquée. Pour moi, tout était très tôt. Une fois par semaine, il y avait ce qu'on appelait "le late night shopping", je pensais que ça signifiait fermeture vers 22h, mais non chez eux c'était 19h, ce qui était incroyablement tôt par rapport à ce que je connaissais.

 

 

Mais le plus grand choc, c'était le dimanche. En France, les magasins sont généralement ouverts, même si c’est moins fréquent. Mais ici, il n'y avait pas d'alcool vendu le dimanche, et les pubs fermaient à 22h, ce qui m’a complètement déstabilisée. Pour la petite anecdote, je me souviens avoir assisté à un mariage. Dans la soirée j’ai entendu "Last orders". Je pensais que vu qu'il s’agissait d'un mariage, donc un événement privé, les gens allaient pouvoir continuer à boire, mais non, tout s'arrêtait à 22h, même pour un événement privé ! C'était un choc pour moi, car en France, les soirées peuvent durer jusqu’à l’aube.

 

 

 

 

 

 

 

La vie sociale était différente ? 

Le dimanche, c'était un peu comme un jour de pause pour tout le monde : il n'y avait pas beaucoup d'animations, les cinémas étaient peu nombreux et assez chers.  Aujourd'hui, même si les choses ont un peu changé, je trouve encore que les magasins ferment très tôt par rapport à la France, et les rues sont vides le soir. Les Néo-Zélandais sortent moins en groupe et moins tardivement, surtout en hiver, où l'ambiance est encore plus calme. 

 

 

 

Auparavant, avant chaque film, ils diffusaient l'hymne national de la Nouvelle-Zélande, et il y avait un entracte au milieu du film.

 

 

Justement, le cinéma a une grande place dans la culture française. Qu'en était-il pour les Néo-Zélandais dans les années 80 ?

Effectivement, le cinéma en Nouvelle-Zélande n'a pas la même place qu'en France. Là-bas, c'est une activité culturelle assez centrale, mais ici, je trouve que le cinéma n'est pas aussi ancré dans la vie quotidienne. Cela dit, il y a quand même une offre intéressante, avec des films de qualité, notamment néo-zélandais. Les films locaux sont souvent assez percutants, parfois même un peu durs, surtout comparés aux films français qui ont tendance à être plus légers ou plus orientés vers la comédie. Les productions néo-zélandaises ont un côté très brut et réaliste, ce qui peut être un choc pour ceux qui ne sont pas habitués.

Je me souviens aussi de mon expérience au cinéma, qui m'a vraiment marquée au début. Auparavant, avant chaque film, ils diffusaient l'hymne national de la Nouvelle-Zélande, et il y avait un entracte au milieu du film. La première fois que j’ai vécu ça, j'étais un peu déconcertée, je ne m'attendais pas à cette formalité. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, mais à l'époque, c'était un moment assez solennel.

 

 

 

 

 

 

Quel était la place de la religion comparée à aujourd’hui ?

Il n'y avait pas de vente d'alcool le vendredi saint, et c'est toujours le cas aujourd'hui. À l’époque, je me souviens que les magasins mettaient des draps ou des couvertures pour cacher les étalages d'alcool. C'était assez conservateur. 

 

Il y a aussi eu un événement qui m'a particulièrement marquée. Je me souviens d’un article dans le journal qui parlait de personnes qui manifestaient contre des cours de yoga organisés dans un centre communautaire local. Ils pensaient que ces cours étaient liés à une secte. J'étais complètement perplexe en lisant l'article, je ne comprenais pas du tout ce lien entre yoga et secte. C'est mon ex-mari qui m'a expliqué que c'était dans un quartier très conservateur, et tout ce qui sortait un peu des normes établies était rapidement suspecté d'être lié à une secte. Heureusement, les choses ont bien évolué et je ne crois pas qu’aujourd’hui nous aurions ce genre de réaction. 

 

 

La voiture était toujours le mode de transport de prédilection ?

De manière générale, oui, avec le bus. Il y avait aussi des abonnements de bus, que j’ai utilisés pour faire le tour de la Nouvelle-Zélande. Cela m’a permis de découvrir le pays à moindre coût. J’ai pris quelques fois le train pour aller à Wellington, juste pour le plaisir et avoir cette expérience. Maintenant, il n'y a plus photo comme on dit et je prends l’avion…  C'est surtout les transports aériens qui ont évolués. À l'époque, l’avion n'était pas aussi abordable qu’aujourd'hui. Mais aujourd'hui, les prix des vols internes ont bien baissé grâce à la concurrence, et c’est devenu une option plus accessible. 

 

 

 

 

 

 

 

La Nouvelle-Zélande a été pionnière dans l’invention de la sécurité sociale, dès 1934. L'objectif a toujours été de garantir un accès libre et équitable aux soins pour tous

 

 

 

Quelles ont été vos impressions sur le système de santé en Nouvelle-Zélande par rapport à celui de la France ?

Le système de santé en Nouvelle-Zélande est assez similaire à celui de la France, surtout en ce qui concerne l’accès aux soins. D’ailleurs, la Nouvelle-Zélande a été pionnière dans l’invention de la sécurité sociale, dès 1934. L'objectif a toujours été de garantir un accès libre et équitable aux soins pour tous, ce qui est l'opposé de ce qu’on voit aux États-Unis. Les médecins ont une excellente formation et ce qui m’a un peu étonnée au début, car c’est illégal en France, est le déconditionnement des médicaments (note: l'acte de retirer un médicament de son emballage d'origine (plaquette, flacon, etc.) pour le reconditionner, souvent individuellement ou dans un pilulier, notamment pour faciliter l'usage des patients ou pour permettre la dispensation à l'unité.) car les pharmacies donne la prescription exacte. En fait, cela fait faire des économies au secteur santé et évite l’automédication…

 

 

 

 

 

 

 

 

Est-ce que, selon vous, la NZ est une société égalitaire ?

Il y a eu cette volonté de créer une société égalitaire dès le départ. C'est aussi le premier pays à avoir mis en place un système de sécurité sociale, en 1934. La Nouvelle-Zélande a toujours cherché à offrir une égalité de traitement à ses citoyens, une société où tout le monde avait les mêmes droits et opportunités.

 

Quand les immigrants sont arrivés ici, c'était souvent des "émigrants de choix", contrairement à l'Australie qui a été fondée sur l'arrivée de prisonniers. Une fois arrivés en Nouvelle-Zélande, ils ne pouvaient pas repartir, et il y avait une volonté très forte de construire une société égalitaire. Cela se reflète aussi dans le système des retraites : tout le monde reçoit la même chose à la retraite, il n’y a pas de costisations liées à la retraite. En Nouvelle°Zélande tout le monde touche la même somme, au même âge, et en même temps, d’où l’intérêt de son portfolio capital retraite. 

 

 

 

Pourtant on parle souvent d’une société à deux vitesses ?

Mais, le problème, c’est que le contexte a changé. Les femmes sont de plus en plus présentes sur le marché du travail et ont des carrières professionnelles à part entière. Le besoin de cette égalité de traitement n'est plus aussi pertinent aujourd'hui, puisque les gens ont des parcours professionnels différents. En tant que Français, par exemple, notre retraite française est déduite de la retraite néo-zélandaise. Le système n’a pas forcément évolué avec les changements dans la structure de la société. En tant que Conseillère des Français.es de l’Etranger c’est mon cheval de bataille.

 

 

 

 

 

 

 

Et votre avis sur le féminisme en Nouvelle-Zélande ?

Même si la NZ a été le premier pays à donner le droit de vote aux femmes en 1893, il faut quand même rappeler que cela a été fait afin de récolter des voix pour le parti. Toutefois le sens de sécurité que j'avais le soir, m'a toujours surprise. Les femmes peuvent se balader plus facilement. Lorsqu'Hélène Clarck a été élue, les 5 postes les plus importants du pays à savoir Première ministre, Gouverneur général, Garde des sceaux, Chef de l'administration et de la Sécurité ont été tenus par des femmes. On ne verrait pas ça se passer en France. Lorsqu'on a le cas en France d'une première ministre on décompte ses jours et on compare sans cesse.

 

 

 

Même les rugbymen, qui étaient souvent perçus comme des modèles de virilité, commencent à parler ouvertement de santé mentale 

 

 

 

Comment c'était d'être jeune en NZ ?

Ce qui m'a le plus interpellé en arrivant, c’est la réalité des violences faites aux enfants. Il y en avait vraiment beaucoup, et c’était quelque chose de difficile à concevoir. Mais ce qui est intéressant, c’est que la Nouvelle-Zélande a mis en place, depuis plusieurs années, un système d’ambassadeurs contre le harcèlement, où ce sont les jeunes eux-mêmes qui sont formés pour résoudre les conflits de manière non violente. C’est une initiative très positive qui permet de responsabiliser les jeunes et de les impliquer directement dans la résolution de leurs propres problèmes.

 

En parallèle, on parle beaucoup plus de la dépression et des problèmes de santé mentale chez les jeunes aujourd’hui. C’est un sujet beaucoup plus abordé qu’avant. Par exemple, même les rugbymen, qui étaient souvent perçus comme des modèles de virilité, commencent à en parler ouvertement. Dans les années 80, ce genre de sujet était complètement tabou, mais aujourd’hui, il y a un vrai changement dans la manière dont ces problèmes sont traités et il est plus facile d’accéder au soutien nécessaire au bien être mental. Même l’employeur maintenant a une obligation d’apporter aux employés l’accès au bien être mental. 

 

 

 

Au fil du temps, les tribus maories se sont organisées et ont créé des structures économiques propres dans des domaines comme la santé, l’éducation et même les prisons, ce qui a permis de renforcer leur autonomie

 

 

Quel était la situation des Maoris dans les années 80 ?

Il y a eu une évolution très nette par rapport aux années 80, notamment avec la reconnaissance du Traité de Waitangi, qui est devenu un fondement important dans les relations entre le gouvernement et les Maoris. En 1986, le Ministère de la Santé a été le premier à introduire une procédure respectant ce traité, et cela a eu un grand impact. Au fil du temps, les tribus maories se sont organisées et ont créé des structures économiques propres dans des domaines comme la santé, l’éducation et même les prisons, ce qui a permis de renforcer leur autonomie et surtout de pourvoir et d’adresser les problèmes d’inéquités au sein de leur population très défavorisée par le système anglo-saxon. 

 

Cependant, avec le gouvernement actuel, la situation a pris un tournant, et beaucoup de ces avancées semblent perdre de leur force. Certains des progrès réalisés sont remis en question, et il y a une certaine inquiétude concernant la direction que prend la politique actuelle en matière de respect des droits des Maoris.

 

 

 

 

 

 

 

Le tourisme n'était pas aussi développé qu'il ne l’est aujourd'hui, et la Nouvelle-Zélande était encore assez "isolée" du reste du monde en termes d’accessibilité

 

 

Le tourisme en Nouvelle-Zélande a beaucoup changé au fil des années. Comment était la situation dans les années 80 ?

Dans les années 80, le tourisme en Nouvelle-Zélande était encore assez limité. Il n’y avait pas beaucoup de compagnies aériennes internationales, à peine deux ou trois. À l’époque, pour venir ici, j’étais passée par les États-Unis, car c'était le seul moyen de rejoindre la Nouvelle-Zélande. C'était un long voyage, et il n'y avait pas les nombreuses options de vol direct que l'on trouve aujourd'hui. Le tourisme n'était pas aussi développé qu'il ne l’est aujourd'hui, et la Nouvelle-Zélande était encore assez "isolée" du reste du monde en termes d’accessibilité. Notez aussi qu’à l’époque les visas vacances touristes travail n’existaient pas. Donc, peu de chances poussaient  jusqu’en Nouvelle-Zélande à cause de l’éloignement et du manque de facilité à accéder à l’emploi. Maintenant, c’est totalement différent et 10.000 jeunes bénéficient des Visas Permis Vacance Travail (PVT) et ont un accès plus facile aux emplois saisonniers.

 

 

 

Quel est votre point de vue sur la prévention vis-à-vis de la sexualité en Nouvelle-Zélande ?

Il me semble qu’on parle moins du VIH/Sida qu’avant, comme s’il y avait moins de risques, mais c’est une impression.  Il existe des cliniques de conseils et de soins un peu partout dans le pays et elles sont gratuites pour les jeunes de moins de 22 ans, payantes pour les non résidents mais accessibles (Wellbeing Aotearoa). L’avortement est aussi légal.  L’éducation sexuelle à l’école commence à l’école primaire et évolue au cours de la scolarité, elle est bien présente dans le système d’éducation.  Le nombre de naissance chez les adolescentes a diminué de moitié ces 10 dernières années. 

 

 

 

 

 

 

 

L’expérience en Nouvelle-Zélande de Nadine a été marquée par un mélange d'opportunités et de défis culturels. La richesse de la culture maorie et l'évolution de la société l’ont profondément marquée. La Nouvelle-Zélande est sa véritable terre d'accueil.

 

 

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