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Portrait de Misti, Française vivant en Pologne depuis plus de 45 ans !

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Écrit par Pauline Papacaloduca
Publié le 6 mars 2019, mis à jour le 7 mars 2019

Françaises ou Polonaises francophones, elles vivent aujourd'hui leur retraite en Pologne. Témoignage précieux de l'Histoire, de vies, souvent extraordinaires. Sur une idée originale de Varsovie Accueil, ces séniors ont accepté de nous faire partager leur expérience et leur histoire. Le premier article de cette série retrace le parcours de Misti, qui, après avoir passé toute sa jeunesse en France, s'installe, à l'âge de 30 ans dans le Varsovie des années 70 !

 

Son enfance en France

Née en 1941 en France, le moins que l'on puisse dire c'est que la jeunesse de Misti n'a pas été facile ! Fille d'une mère polonaise, dont les parents se sont installés en France en 1930, Misti est abandonnée à la naissance. Dans un contexte de guerre et d'occupation, les enfants polonais sont effectivement souvent considérés d'office comme des Juifs et, sa mère veut ainsi ne pas mettre Misti en danger. Son enfance se partage alors entre orphelinats, pensionnats et séjours chez ses grand-parents. En 1942, alors que Misti n'est âgée que d'un an, son oncle vient la chercher pour une promenade. Une aubaine pour Misti qui échappe de cette façon à une rafle ! A l'école, la vie n'est pas facile non plus pour elle, on la traite de « bâtard » et on lui jette des cailloux. Elle se souvient avec émotion d'une rentrée des classes, à Russange lorsqu'elle habitait chez ses grands-parents, de sa maitresse lui demandant devant toute la classe le nom de son père, Misti ne le connaissant pas donne alors le nom de son grand-père, la maîtresse la traite de menteuse et révèle à la classe qu'elle ne connait pas son père. Une réelle humiliation publique pour Misti.

 

Sa liaison avec la Pologne

C'est à l'âge de 18 ans, en 1959, que, sans le savoir Misti scelle son destin à la Pologne. A l'époque, elle travaille à l'hôpital de Verdun pour l'US Army. Un soir, dans un bar, elle fait la connaissance d'un soldat de l'US Army de 18 ans de plus qu'elle. Elle pense alors qu'il est un américain et rêve de s'installer aux Etats-Unis. Quand sa grand-mère le rencontre, elle se rend tout de suite compte qu'il est Polonais et annonce à Misti : « Ton Amérique, ça s'appelle Varsovie ». Cependant, il n'avait plus de contact avec la Pologne, ayant en effet été enlevé par les Allemands étant jeune et emmené dans les camps, il n'avait plus revu sa famille depuis lors. Un jour, au début des années 60, Misti fouille dans ses affaires et découvre une lettre dans sa poche écrite en polonais. C'était une lettre de sa sœur. Elle décide alors de prendre contact avec elle et la fait venir en France. Les journalistes et l'armée américaine sont mis au courant de cette venue et les soupçonnent alors d'être des espions russes. Lors de cette rencontre avec sa sœur, le mari de Misti apprend qu'il a encore de la famille en Pologne, à Varsovie. En 1967, ils leur rendent alors visite. C'est la première fois que Misti se rend en Pologne. En arrivant, elle est choquée par la misère du pays, elle raconte : « Quand je suis descendue sur la gare, quelque chose en moi a craqué, et je suis retournée en France ». Ils rentrent donc en France, cependant, le rêve de son mari de retourner habiter en Pologne ne s'estompe pas et, il décide en 1971 d'aller s'y installer. Misti souhaite rester en France encore marquée par le souvenir de son premier voyage en Pologne et puis, beaucoup de personnes la terrorisaient avec la Pologne, on lui disait que derrière chaque arbre se cachaient des soldats russes, se souvient-elle en rigolant. En 1972, elle se décide finalement à rejoindre son mari là-bas.

 

La vie dans le Varsovie communiste

Quand elle vient s'installer en Pologne, elle ressent ça comme un retour en arrière, il manque la modernité, tout est très sombre. Elle commence à travailler à l'hôpital de Varsovie. En arrivant, Misti ne parle pas du tout polonais, malgré ses origines polonaises. Même ses séjours chez ses grand-parents ne lui ont pas permis d'apprendre réellement la langue et elle nous raconte en souriant « on me demandait d'amener des poireaux, je ramenais du persil ». Quand on parle de la Pologne communiste avec Misti, ses réponses sont surprenantes et bien loin de l'image que l'on s'en fait traditionnellement. Elle nous assure qu'elle n'a jamais manqué de rien, « la nourriture, il y en avait » nous assure-t-elle, « il fallait juste réussir à se débrouiller ». Elle se souvient des tickets de rationnement, « pour une personne qui travaillait physiquement, on avait entre autres 4,5kg de viande par mois, 4kg de farine, du sucre et ½ kg de beurre » et des queues à partir de 4h30 du matin pour pouvoir se procurer de la nourriture. En dehors des tickets de rationnement, le marché noir est organisé et on peut y acheter des denrées. Ce qui a vraiment marqué Misti pendant cette époque c'est la grande solidarité des Polonais entre eux qui s'entraident énormément.

En 1981, le nuit du 13 décembre, elle travaille à l'hôpital lorsque l'Etat de guerre est déclaré. Elle se rend alors à l'Ambassade de France pour rentrer. Là-bas, elle se retrouve face à la secrétaire qui lui demande dans quel domaine elle travaille à Varsovie. Quand Misti lui répond qu'elle travaille à l'hôpital, la secrétaire lui dit alors qu'ils ont besoin d'elle ici et qu'elle ne peut pas retourner en France, une aberration pour Misti qui ne comprend pas, aujourd'hui encore, comme ce fut possible. Pendant cette période d'Etat de guerre, beaucoup de groupes s'organisent pour protester, elle se souvient d'être aller devant l'église Sainte Anne avec d'autres paroissiens amener des fleurs et des bougies pour former un bateau, synonyme de paix.

 

La chute du communisme : un passage rapide et brutal au capitalisme

Avec la fin du communisme, Misti remarque un changement rapide et extrême des Polonais et de leurs habitudes. Dans un premier temps, ils ont un certain complexe d'infériorité par rapport aux habitants des pays de l'ouest pour ensuite prendre de plus en plus d'assurance nous explique-t-elle. Lorsqu'elle est arrivée en Pologne, en tant que Française, les gens étaient très gentils avec elle, très curieux du mode de vie en France, « aujourd'hui, on  n'est pas aimé » nous raconte-t-elle en riant. Misti regrette également la solidarité qui unissait les Polonais pendant la période communiste, « les Polonais ont perdu une valeur magnifique, l'amour du prochain ». Leur façon de consommer a également beaucoup changé, aujourd'hui Misti déplore le gaspillage de plus en plus présent, tout comme la vision des Polonais de l'Eglise. Elle nous raconte qu'avant, il ne fallait rien dire sur l'Eglise et maintenant elle est de plus en plus critiquée.

Même après 45 ans de vie en Pologne, elle se sent toujours française et, elle est toujours vu comme la Française par les Polonais malgré le fait qu'elle ait la nationalité polonaise et qu'elle ait vécu plus longtemps en Pologne qu'en France. Misti est très fière de son côté français et le cultive au quotidien « Tout est français chez moi, la télévision, les livres... » Elle a déjà pensé à retourner en France mais sa retraite, trop petite, ne le lui permet pas et puis « j'ai trop souffert en France, je suis bien en Pologne » nous dit-elle.

 

Pauline Papacaloduca
Publié le 6 mars 2019, mis à jour le 7 mars 2019
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