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FOOTBALL - L'Aigle blanc s'est envolé

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 23 novembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018


Skandal ! Le nouveau maillot de l'équipe nationale de Pologne n'arbore plus le petit écusson rouge à l'aigle blanc. Le volatile est toujours présent sur le logo de la PZPN mais stylisé à l'extrême. Alors que les supporters réclament le retour de leur aigle historique, lepetitjournal.com revient sur l'actualité de ce symbole millénaire.


Après une saison 2010 catastrophique, les "Aigles blancs" ont cette année agréablement surpris leurs supporters : cinq matchs consécutifs sans défaite, dont un nul 2-2 contre l'Allemagne et une victoire 2-1 face à l'Argentine. Mais à 200 jours de l'Euro 2012, une récente défaite à domicile 0-2 contre l'Italie et la bronca contre le nouveau maillot de la sélection nationale viennent briser cet élan. Le capitaine Blaszczykowski s'en inquiète : « Nous sommes affectés. Nous ne sommes pour rien dans cette décision, mais si nous ne sommes pas soutenus par les fans, c'est un gros problème. »

Le maillot d'une fédération iconoclaste

La devise imprimée au revers est ambitieuse "Razem o zwyci?stwo" (Ensemble pour la victoire). La victoire à l'Euro 2012 n'est pas certaine, mais le nouveau maillot a par contre déjà réussi à rassembler... contre lui. La Polski Zwi?zek Pi?ki No?nej a visiblement largement sous-estimé l'attachement national à l'aigle blanc historique.

Toute fière de son nouvel emblème, la Fédération polonaise de football a eu la "bonne idée" de remplacer les armoiries polonaises par un joli logo. Ce changement lui permet de dépoussiérer son identité visuelle, tout en contrôlant la vente de ces nouveaux maillots estampillés PZPN. Elle espérait d'ailleurs en écouler des centaines de milliers, mais sera sûrement déçue. Sans l'aigle blanc, les ventes risquent de ne pas décoller. Difficile en tout cas d'imaginer un plus mauvais lancement. Si certains tentent de dédramatiser en soulignant qu'au moins ils n'ont pas encore changé les couleurs du maillot, beaucoup de supporters accusent la fédération de sacrifier l'emblème national à des intérêts commerciaux.

Le président Komorowski est lui-même monté au créneau : "L'aigle est un symbole qui nous unit. Il est important pour nous tous. J'attends des explications !".  Le gouvernement a aussi rebondi sur la polémique et considèrerait modifier la loi pour imposer la présence de l'aigle officiel sur les maillots polonais. Association indépendante, la PZPN prévoyait de conserver ce maillot au moins deux ans, mais pourrait décider d'insérer l'aigle blanc entre son logo et celui de l'équipementier pour ne pas contrarier plus que ça son public.

Pourquoi donc un aigle blanc plutôt qu'une cigogne verte ou un bison rose ?

Le football du bas Moyen Âge se joue à l'épée et à la hache. Pour reconnaître ses équipiers, les couleurs des clubs s'affichent sur les boucliers. Une grammaire graphique s'instaure. Dans le cas polonais, le blason est dit de gueules, à l'aigle (du genre féminin en héraldique) d'argent, becqué, langué, membré et couronné d'or.

Avec ses yeux étincelants, ses serres tranchantes et son cri effrayant (le saviez vous ? l'aigle glatit ou trompette), ce rapace est le symbole de l'empire, de la majesté et de la victoire. Mais comme pour le lion présent sur d'innombrables armoiries ("qui n'a pas de blason, porte un lion"), le succès de l'aigle a affaibli sa capacité identitaire. Car contrairement au kangourou des armoiries australiennes ou aux zèbres sur l'emblème du Botswana, la Pologne est très loin d'avoir le monopole de l'aigle. Monténégro, Serbie, Albanie, Roumanie, Moldavie, Etats-Unis, Mexique, Egypte... l'aigle est partout. Paradoxalement, il est même fortement associé aux ennemis historiques de Varsovie : Empires allemand et autrichien, Russie tsariste.

Le premier symbole du pays
Lech, le fondateur légendaire de la Pologne, aurait trouvé un jour un nid d'où un aigle blanc s'envola devant le ciel rougi par le soleil couchant. Le considérant de bon augure, il y fonda sur place la ville de Gniezno (gniazdo signifiant nid en polonais).

On a retrouvé en Pologne des pièces frappées vers l'an 1000 d'une figure d'aigle. Avec les siècles, le rapace déploie ses ailes puis gagne sa couronne (1295). Depuis l'aigle accompagne les Polonais sur tous les champs de bataille, lors de leurs exils, pendant les cérémonies officielles, les mariages et les enterrements. En 1945, les communistes lui enlèvent sa couronne, mais le volatile la retrouve en 1990. Aujourd'hui encore l'Aigle blanc est partout, sur tous les bâtiments et documents officiels, dans toutes les salles de classe de toutes les écoles.

Son dessin a évolué mais sa symbolique reste inchangée : comme le drapeau, il représente l'Etat polonais. Mais si l'aigle est l'animal le plus fréquent sur les drapeaux, pas de chance, le blanc et le rouge sont aussi les couleurs les moins originales. La Pologne n'a donc pas trop de deux emblèmes pour se distinguer et célébrer son patriotisme... D'ailleurs la diaspora, surtout étasunienne, adore la fusion des deux symboles nationaux : le drapeau dans sa variante avec armoiries (réservé par la loi pour les usages officiels à l'étranger ou en mer).

Pour l'anecdote, celui-ci s'est largement généralisé depuis que la Marine polonaise l'a adopté pour éviter trop de confusions avec une autre bannière blanche et rouge du code de signalisation internationale maritime.

CQ (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) mercredi 23 novembre 2011

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Publié le 23 novembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018