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ANDRZEJ WAJDA – Le cinéaste polonais s’est éteint

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 11 octobre 2016

 Figure majeure du cinéma polonais, Andrzej Wajda est décédé dimanche 9 octobre à Varsovie. Le réalisateur, Palme d'Or 1981, s'apprêtait à présenter sa nouvelle ?uvre, Powidoki (Après-Image, 2016) au Festival de Toronto. Ce film sera le candidat polonais à l'Oscar. 

 

Le célèbre réalisateur est décédé à l'âge de 90 ans dimanche, ont annoncé ses proches. Souffrant d'une insuffisance pulmonaire, il se trouvait depuis plusieurs jours dans un coma pharmacologique. « Un poète du cinéma nous a quittés. Un metteur en scène, dont les films ont forgé l'identité et la conscience de générations des Polonais », regrette Tomasz Raczek, critique cinématographique.

Malgré son âge avancé, le réalisateur était resté très actif ces dernières années. Epaulé par sa compagne, l'actrice Krystyna Zachwatowicz, il a réalisé cette année même le film Powidoki (2016), qui représentera la Pologne lors de la course à l'Oscar.

Lauréat de la Palme d'Or 1981, du Prix d'Or du Festival de Moscou en 1975 et plusieurs fois primé au Festival de Berlin, le réalisateur a fait de sa filmographie une fresque de la vie politique polonaise.

Une carrière ancrée dans l'histoire polonaise
Né en 1926, Andrzej Wajda tente en 1939 de suivre les traces de son père, militaire de carrière, en essayant sans succès d'intégrer une école militaire. Il commence à suivre des cours de peinture durant l'occupation allemande, ce qu'il prolongera en intégrant l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie puis l'école du cinéma de Lodz. Avec son premier long métrage, Génération (1955), il explore la vie des jeunes Polonais sous l'occupation. Cette ?uvre annonce également l'éclosion de l'« école polonaise du cinéma », interrogeant l'héroïsme et le romantisme polonais.


Le film Cendre et diamants (1958) fait exploser la carrière du réalisateur. Exprimant le tiraillement entre nationalisme et volonté de vivre une vie normale au moment de l'armistice, le 7 mai 1945, cette ?uvre est l'une des favorites de Martin Scorsese et Francis Ford Coppola. Andrzej Wajda devient ainsi une figure internationale et le témoin des évolutions de son pays.

Le cinéma d'Andrzej Wajda des années 70 puise son inspiration dans la littérature polonaise : citons Le bois de bouleaux (1970), Les Noces (1972), La Terre des grandes promesses (1974).

 


Le diptyque formé par les films L'Homme de marbre (1977) et L'Homme de fer (1981) traite, de manière quasiment contemporaine, la transition opérée par le syndicat Solidarnosc. L'Homme de fer remporte la Palme d'Or l'année de sa sortie. Une récompense dont le réalisateur reconnaît la portée : «Le jour de la Palme a été très important dans ma vie, bien sûr. Mais j'étais conscient que ce prix n'était pas uniquement pour moi. C'était aussi un prix pour le syndicat Solidarnosc». Andrzej Wajda a ainsi fait don de sa Palme d'Or au musée de Cracovie. Marque de sa notoriété internationale, elle le sauvera de l'emprisonnement dont ont été victimes nombre de ses amis après l'instauration de la loi martiale du général Wojciech Jaruzelski, en 1981 (Voir notre article : TRISTE ANNIVERSAIRE - Il y a 25 ans l'état de guerre était proclamé en Pologne).

L'hostilité d'Andrzej Wajda envers le régime de Jaruzelski le poussera à réaliser ses films à l'étranger durant plusieurs années. La chute du communisme en 1989 ramène la politique dans sa cinématographie, notamment avec les ?uvres Korczak (1990), L'Anneau de crin (1993) ou La Semaine Sainte (1995).

Katyn (2007), nominé pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, relate un épisode tragique de la vie du réalisateur. Il revient dans cette ?uvre sur le massacre par les Soviétiques en 1940 de plus de 22,500 officiers polonais, dont son père faisait partie. Jakub Wajda a été abattu d'une balle dans la tête par la NKVD, police secrète stalinienne (Voir notre article : MASSACRE DE KATYN - Commémoration).

En 2013, Andrzej Wajda revient sur l'ère Solidarnosc avec un biopic consacré à son ami proche, Lech Walesa. L'Homme du peuple a été, selon le réalisateur, le challenge le plus important de sa carrière.

Apparu pour la dernière fois publiquement lors du Festival polonais de Gdynia, Andrzej Wajda a évoqué son travail sur son dernier film, Powidoki. Cette ?uvre retrace les dernières années du peintre d'avant-garde Wladyslaw Strzeminski, luttant contre le pouvoir stalinien. Son allocution a été l'occasion de distiller une dernière leçon concernant son art : "le cinéma repose sur des scènes expressives qui restent dans la mémoire du spectateur". Son ?uvre continuera sans nul doute d'inspirer les nouvelles générations de réalisateurs, polonais ou non. Andrzej Wajda est parvenu à donner une portée universelle à l'histoire de son pays, notamment par un sens exceptionnel de l'esthétisme.

 

Océane Herrero (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mardi 11 octobre 2016

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Publié le 10 octobre 2016, mis à jour le 11 octobre 2016
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