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POLITECHNIKA- Une école d'exception

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 28 mai 2017, mis à jour le 29 mai 2017

 L'école Politechnika de Varsovie est la plus grande école polonaise et la première du pays à obtenir le droit de dispenser ses cours en polonais en 1905, à une époque où les trois puissances étrangères occupant la Pologne imposent leurs propres langues . Une visite proposée par Varsovie Accueil est l'occasion rêvée pour découvrir son histoire. À travers cette école, c'est aussi une partie de l'histoire de la Pologne qui nous est contée et l'évolution de son éducation à travers les âges, tantôt instrument de contrôle d'une puissance étrangère, tantôt outil de propagande communiste...

L'histoire mouvementée de cette université

En 1826, l'école préparatoire pour l'Institut Technique, est créée à Varsovie et marque le début de l'éducation technique en Pologne. Elle s'inscrit dans le contexte du début de l'industrialisation, où l'enseignement technique connaît une vague de succès auprès des jeunes. Pour la Pologne, c'est l'époque des partages ; le pays est en effet divisée entre trois puissances étrangères : la Prusse, l'Autriche et l'Empire russe. En novembre 1830, une insurrection éclate à Varsovie contre l'occupant russe, qui se solde par un sévère échec. Par représailles les Russes ferment les écoles, dont cette école préparatoire. Une nouvelle insurrection en 1863 n'aide pas à sa réouverture. Mais à la fin du XIXe siècle, l'idée de faire de Varsovie une des villes centrales de l'empire russe s'impose. On propose alors au tsar Nicolas II d'ouvrir une école polytechnique, ce qu'il accepte, y voyant un formidable outil de russification. En effet, tous les cours dans cette école seront donnés en russe. La construction du bâtiment principal actuel commence en 1899 et durera trois ans. Les deux architectes en charge de la construction, Stefan Szyller et Bronis?aw Brochwicz-Rogóyski partent en Europe de l'Ouest pour s'inspirer des autres écoles polytechniques existantes.

En 1905, l'école est fermée à la suite de la grève des étudiants qui réclament un enseignement en polonais, et non plus en russe. Elle sera réouverte seulement en 1915 puisqu'à cette date, les Russes qui contrôlent Varsovie sont aux prises avec la révolution bolchévique et des difficultés militaires au front. L'université obtient le droit de dispenser ses cours en polonais, faisant de Politechnika la première université de Pologne à acquérir ce privilège.

Politehnika compte aujourd'hui environ 30 000 étudiants qui sont répartis sur le campus dans toute la ville. Les trois facultés d'origine, chimie, mécanique et construction se sont bien développées pour en compter dix-neuf à l'heure actuelle : informatique, électricité, robotique, etc.

 

Le bâtiment le plus connu de cette université se trouve sur la Place Politechenki, avec sa célèbre façade rose, au style s'inspirant du baroque italien. C'est un campus très différent par rapport aux autres campus classiques d'écoles polytechniques, qui comportent normalement un portail principal, ouvrant sur un terrain autour duquel se trouve le reste des bâtiments. Ici, le terrain ne permet pas de respecter cette mise en place puisqu'il est en forme de triangle. Au sommet de l'édifice, le fronton représente un homme tenant une torche, qui symbolise le génie du savoir. Deux femmes sont à ses pieds, celle de droite représente la chimie et celle de gauche les sciences physiques. Le petit garçon à côté est lui un symbole de tous les étudiants qui passeront par cette école. Ce fronton est réalisé selon le principe de l' « architecture parlante » : ce qui est représenté doit parler aux personnes éduquées qui ont accès à la connaissance. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment survit aux bombardements et seule la verrière centrale est détruite.

Juste avant le hall central, à votre droite vous apercevrez la statue de Marie Sk?odowska-Curie, grande figure polonaise de physique et de chimie. Recteur de Politechnika, "doktor honoris causa" après la Première Guerre mondiale, elle n'y poursuit pourtant pas ses études pour deux raisons : l'école est alors fermée et les Russes interdisent les études universitaires aux femmes. Marie Curie se tournera vers une version clandestine de l'université, appelée « volante » et partira en France pour poursuivre sa carrière.

Nous voici maintenant dans le hall du bâtiment principal, de plus de 1 000 mètres, reconnaissable à sa belle verrière colorée, située à plus de cinq mètres au-dessus du toit. Cet espace accueille aujourd'hui aussi bien des conférences que des coktails, galas, bals et autres festivités. Sur un des murs, une citation de Jan Zamoyski, un des conseillers les plus proches des rois Sigismond II de Pologne et Etienne Bathory, résume le lien entre éducation et politique : "Les républiques seront à l'image de l'éducation de leur jeunesse". De chaque côté, se trouvent deux bustes de Polonais illustres du XIXe et du XXe siècle. À gauche, Eugeniusze F. Kwiathowski, ingénieur, homme politique et ministre de l'Industrie dans l'entre-deux-guerres. Après la Première Guerre mondiale, voulant que la Pologne se développe industriellement, il fonde la ville portuaire de Gdynia. À droite, Ignacy Moscicki, chimiste, ex-président polonais de 1926 à 1939, et instigateur d'un attentat échoué contre le gouvernement russe.


 Aparté sur l'histoire de l'éducation polonaise mouvementée

S'intéresser à l'histoire de Politechnika c'est aussi s'intéresser à l'histoire de l'éducation en Pologne, laquelle fut souvent utilisé comme outil de propagande et de contrôle à travers les époques.

Sous la monarchie

Etudier est pendant longtemps réservé à la noblesse, ainsi qu'aux Juifs, par l'éducation religieuse dont ils bénéficient dès l'âge de trois ans.

À l'époque des partages

La Pologne étant occupée par des puissances étrangères, l'école est un outil de germanisation ou de russification envers les enfants, dont on veut commencer l'éducation dès le plus jeune âge afin d'éviter des complots polonais par la suite.

Dans la première moitié du XXe siècle

Après 1918, qui marque le retour de la souveraineté polonaise, l'accès à l'éducation primaire est ouvert à tous même si l'école reste éloignée, dans les campagnes notamment. Durant l'entre-deux-guerres, des conflits importants éclatent avec les étudiants juifs, qui sont fortement représentés dans les universités (50 à 70% contre 10% au sein de la population), ce qui est jugé injuste. Les Polonais instaurent alors une double règle : celle du "numerus clausus", qui fixe un pourcentage de juifs dans les universités et celle du "numerus nullus", qui interdit tout étudiant juif. A la fin des années 30, la situation se dégrade et dans les universités s'installe le « ghetto des bancs » : tous les étudiants qui ne sont pas ethniquement polonais doivent s'assoir sur des bancs à part.

Pendant la Seconde Guerre mondiale

Durant la guerre les enfants ne peuvent avoir accès qu'aux classes d'école primaire. En effet, les nazis considérant les Polonais comme une « race inférieure », seuls les rudiments de la lecture et des mathématiques sont estimés nécessaires pour la jeunesse polonaise. C'est cet état de fait qui entraînera le développement d'universités clandestines.

Sous l'époque communiste

À cette époque, la logique communiste veut que tout Polonais ait un accès égal et simplifié à l'éducation, ce qui estle cas pour les crèches et écoles. Mais même si les universités deviennent gratuites, elles ne sont pas accessibles à tous d'une manière égale. En effet, une sélection au concours d'entrée est instaurée avec un système de points bonus donnés aux personnes les moins favorisées, l'idée sous-jacente étant d'écarter l'aristocratie et les élites. Et nul besoin de posséder des millions pour se voir refuser ces points bonus ! Notre guide nous confie ainsi que sa mère, fille d'un menuisier possédant son propre atelier, et donc considéré comme un capitaliste, s'est vu refuser les points bonus. Au sein des établissements, la propagande communiste se ressent fortement, notamment avec l'apprentissage de chansons en russe, qui devient la langue étrangère obligatoire pour tous.


 Politechnika aujourd'hui

Aujourd'hui l'école est gratuite pour tous en Pologne, même si les meilleurs établissements sont généralement privés et payants. Le système d'entrée aux universités s'effectue en fonction des points obtenus lors du baccalauréat, où l'étudiant reçoit non pas une note mais un pourcentage. Plus il est élevé, plus les chances seront grandes pour qu'il puisse accéder à une grande école.

 

Nous voici maintenant à quelques rues du bâtiment principal, à l'intérieur d'une des facultés de Politechnika, celle d'Architecture. C'est un monument chargé d'histoire puisqu'il accueille entre autre un fragment d'une mosaïque de l'ancienne église orthodoxe située place de Saxe, l'actuelle place Pilsudski. Construite dans les années 1820, cette église est détruite une fois l'indépendance de la Pologne retrouvée en 1918. Deux autres fragments de cette mosaïque sont à retrouver, à Sainte Marie Madeldeine et dans l'église Ko?ció? Naj?wi?tszego Zbawiciela

Une promenade dans le quartier autour de Politechnika s'achève par une brève halte aux halles Koszyki, les plus connues de Varsovie avec leurs décorations de style Art Nouveau. Construites au tout début du XXe siècle, ce sont les plus modernes de l'époque, avec ses deux portails : un richement décoré pour les clients, et un autre destiné aux livreurs. N'hésitez pas à vous y rendre si ce n'est déjà fait, pour y prendre un verre ou déguster un repas. Certains restaurants étant pris d'assaut en soirée, il vaut mieux réserver afin d'éviter une longue attente ! Pour plus d'informations : https://www.koszyki.com/home-en-us/

Un grand merci à Varsovie Accueil et à notre guide Katarzyna Kasia Kacprzak.

 

Constance H. (lepetitjournal.com/Varsovie) - Lundi 29 mai 2017

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Publié le 28 mai 2017, mis à jour le 29 mai 2017