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BILINGUISME – Peut-on oublier sa langue maternelle ?

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 28 mai 2009, mis à jour le 1 mars 2010

Que tous ceux qui vivent dans un pays étranger et qui donnent l'impression d'avoir oublié leur langue maternelle se rassurent : c'est scientifiquement prouvé, une perte de capacités linguistiques peut survenir chez un sujet bilingue. Brigitte Eisenkolb, spécialiste de la question, nous apporte quelques éléments de réponse

(Photo B. E.)

Lepetitjournal.com : Sur quoi portent vos recherches ?
Brigitte Eisenkolb : Je prépare un doctorat binational dans les universités de Nice-Sophia Antipolis et de Mannheim (Allemagne) sur le déclin naturel des langues. Ce champ de recherche assez récent est dérivé de l'étude de patients aphasiques, c'est-à-dire en proie à des troubles de l'expression et de la compréhension du langage parlé ou écrit suite à une lésion cérébrale. Hormis cette catégorie de patients cérébrolésés, une perte de capacités linguistiques peut également survenir chez le sujet bilingue dans certains contextes.

LPJ : Pourriez-vous développer ce concept ?
B. E.
: Disons que tout apprentissage débute par un transfert de connaissances de la langue maternelle (L1) à une langue étrangère (L2). La capacité de compréhension et la structuration de connaissances en L2 passe ainsi par L1, puis le sujet bilingue peut acquérir une éventuelle autonomie dans sa nouvelle langue. Dans certains cas, il est possible que cette dernière devienne même dominante : c'est ce que l'on peut appeler "l'attrition de L1".

LPJ : On a parfois l'impression que certaines personnes en arrivent à oublier leur propre langue?
B. E.
: Effectivement. Etant plurilingue, j'ai moi-même quelquefois du mal à trouver mes mots ! On m'avait ainsi fait remarquer qu'il m'arrivait d'avoir un accent français lorsque je devais parler Allemand (ma L1) en France. Parfois, c'était la structure syntaxique qui était atteinte. Alors, je me suis demandé s'il existe une hiérarchisation dans l'organisation des représentations bilingues. Disons que de manière générale, il est rare de rencontrer un locuteur bilingue complètement équilibré au sens propre du terme. Dans la plupart des cas, l'une des langues est temporairement plus active. Il y a beaucoup de facteurs, également d'ordre sociologique et psychologique, qui peuvent avoir une influence sur la dominance linguistique.

LPJ : A partir de quelles données travaillez-vous ?
B. E. : L'attrition est un domaine de recherche assez récent. Les méthodes utilisées pour mesurer ce phénomène sont très diverses, les données sont difficilement comparables. Pour ma part, j'ai mis en place une série de tests inédits capables de révéler le traitement de différents niveaux linguistiques par rapport à la langue de présentation. Leur efficacité a déjà été confirmée au cours d'une recherche précédente consacrée au bilinguisme franco-allemand. Il s'agit d'une entreprise de grande ampleur. L'approche, à la fois originale et interdisciplinaire, peut servir de référence dans des domaines aussi divers que la didactique des langues, la linguistique contextuelle ou encore la linguistique évolutionniste

LPJ : Quelle est la raison de votre voyage à Turin ?
B. E. : Je mène actuellement une étude sur le bilinguisme franco-italien. Etant toujours à la recherche de participants bilingues, j'ai décidé de me rendre dans une ville proche de la frontière pour trouver des Français désireux de passer quelques tests. J'en profite pour m'adresser directement à vos lecteurs : si vous avez grandi en France et que vous êtes venu vous installer en Italie à l'âge adulte, vous correspondez au profil recherché pour contribuer à l'élaboration de cette étude. Merci de me contacter à l'adresse suivante : Beisenko@web.de
Propos recueillis par Christine Correale (www.lepetitjournal.com ? Turin) jeudi 28 mai 2009

Publié le 28 mai 2009, mis à jour le 1 mars 2010

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