

Le 1er décembre, un incendie a provoqué la mort de sept ouvriers chinois dans une usine textile à Prato. Immédiatement après cette tragédie, les inspections ont commencé à se multiplier. Des conditions de travail et de vie insalubres et précaires, une économie parallèle qui tire souvent profit du label made in Italy : retour sur les problèmes posés par la présence dans la ville toscane de la troisième communauté chinoise d'Europe.
C'était un drame annoncé, pourtant personne n'est jamais prêt à accepter de telles tragédies. Dimanche dernier, sept ouvriers chinois ont trouvé la mort suite à un incendie qui s'est déclaré de nuit dans une usine textile à Prato, près de Florence, où est installée l'une des plus importantes communautés chinoises d'Europe. Une usine - mais on devrait dire plutôt un entrepôt - comme il y en a tant d'autres dans cette petite ville toscane : un lieu insalubre, où les ouvriers travaillent seize heures par jour, sept jours sur sept, où ils dorment et où ils cuisinent dans des conditions d'hygiène et de sécurités précaires.
La journaliste Silvia Pieraccini analyse dans son ouvrage Assedio cinese le phénomène de l'immigration chinoise à Prato
Pleins feux sur les complicités locales
Le Parquet de Prato a immédiatement ouvert un dossier : quatre personnes de nationalité chinoise sont au centre d'une enquête, mais ce n'est certainement que le début. Car la volonté de mettre fin à une situation inacceptable est affichée à tous les niveaux institutionnels, le drame a permis de faire émerger les tenants et les aboutissants du problème. Les contrôles s'intensifient ; un employé de la Mairie de Prato a été arrêté hier : il aurait aidé une association illégale à obtenir des certificats de résidence pour un nombre important d'immigrés en provenance de la Chine. Le chiffre d'affaires présumé de cette association parle tout seul : chaque immigré aurait payé entre 600 et 1.500 euros, on estime qu'en huit mois cette association aurait empoché entre 180.000 et 450.000 euros.
Prato, ville chinoise ?
Ce que la Guardia di Finanza vient de découvrir n'est que la pointe de l'iceberg d'un système de connivence et d'illégalité qui tourne autour de ces ateliers textiles chinois conjuguant rapidité de réponse aux commandes et prix bradés, et qui savent bien souvent tirer profit du label Made in Italy. Le phénomène a pris une ampleur inattendue, car aujourd'hui l'immigration commencée dans les années 90 en provenance de Chine, et plus particulièrement de la ville de Wenzhou, a modifié la démographie de Prato. En tenant compte des personnes en situation irrégulière, on calcule que 10% de la population de la ville est chinoise. La plupart d'entre eux travaillent dans le textile.
Une immigration d'un autre genre
Le coup de projecteur sur cette situation d'exploitation de la main d'?uvre chinoise, mal payée et mal logée, montre un autre aspect de l'immigration en Italie, très différent des bateaux à la dérive au large des côtes de Lampedusa. La communauté chinoise de Prato, fermée sur elle-même, sans interaction avec l'extérieur, fait désormais partie intégrante de l'économie de la ville, une économie fleurissante il y a quelques années grâce au secteur textile, aujourd'hui en difficulté. Mais c'est une présence mal supportée par les habitants de Prato, qui ont voté en masse pour le nouveau maire en raison d'une campagne musclée contre l'immigration.
Quel sera alors l'avenir de cette ville toscane ? Comment faire pour que la présence des immigrés chinois cesse d'être un problème et devienne une opportunité de développement dans le respect de la législation du travail et des droits des travailleurs ? Des questions qui se posent également à une toute autre échelle, au niveau international, car c'est le défi qui attend le monde au XXIe siècle.
Luisa Gerini (www.lepetitjournal.com/Turin) vendredi 6 décembre 2013






