Édition internationale

ILVA – La grande pollueuse secoue l’Italie

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 21 novembre 2012

L'heure des grandes manifestations ouvrières a sonné en Italie. Si l'affaire de l'usine sarde Alcoa mobilise aujourd'hui les médias, c'est l'Ilva qui a retenu toute leur attention cet été. L'aciérie la plus pollueuse d'Italie a bien failli fermer ses portes. Comment en est-elle arrivée là ? Quelles sont les issues possibles et qu'en sera-t-il de ses employés ? Lepetitjournal.com revient sur le cas de la grande pollueuse

 

L'Ilva sur le banc des accusés

Tout commence en mai 2010, quand la ville de Taranto engage une procédure de dommages et intérêts contre l'Ilva, suite à un conflit démarré en 2004, relatif à l'émission de substances toxiques.

(source : www.generazionefuturo.eu)

En janvier 2012, le tribunal présente son expertise : "Depuis les implantations, s'échappent gaz, vapeurs, substances aériformes et solides, contenant des substances dangereuses pour la santé des travailleurs et de la population avoisinante". Les mêmes conclusions ont été atteintes en ce qui concerne la présence de dioxines relatives à l'émission de fumée et de poussières depuis l'usine. Pire encore, il apparaît qu'au sein même de l'Ilva, les mesures sanitaires indispensables à la protection des travailleurs ne sont pas respectées.

A partir de là, tout s'enchaîne. 28 dirigeants et ex-dirigeants du géant sidérurgique sont accusés d'empoisonnement et d'homicide involontaire. Les preuves du déversement de substances et déchets toxiques dans la mer s'accumulent (vidéo). Un nouveau rapport d'experts évalue les conséquences humaines relatives à la forte pollution : 174 décès entre 2004 et 2010 dont 15 pour exposition prolongée à l'amiante ; 193 hospitalisations pour maladies cardiaques et 455 hospitalisations pour maladies respiratoires.

En juillet 2012, l'Ilva court le risque de fermer ses portes. D'autant plus qu'au même moment, le Conseil régional des Pouilles vote une loi anti-pollution stricte, qui prévoit une condamnation lourde pour les entreprises qui ne seraient pas en règle. Pour sauver l'usine et les emplois de ses salariés, un plan d'épuration et de mise aux normes des implantations est établi. Pour le réaliser il faudra débourser 300 millions d'euros : 100 millions de la part de la Région et 200 millions réclamés à l'Etat, dans la mesure où jusqu'en 1995 l'Ilva, à l'époque Italsider, était publique.

Mi-août, l'affaire a pris une ampleur considérable. Une enquête pour corruption est menée, impliquant des agents du tribunal et le fils du PDG de l'usine. L'AIA, l'autorisation intégrée environnementale, relâchée en 2011 par le gouvernement Berlusconi, aurait défini le taux limite de pollution sur la base des émissions de l'Ilva.

Affrontements sur fond de crise sociale

La plus grande aciérie d'Europe a ouvert ses portes dans les années 60. Après de nombreux rebondissements ? changement de nom, fusion-acquisition, démembrement ? c'est en 1995 qu'elle est rachetée par le groupe Riva. L'Ilva est alors un réel danger pour l'environnement et la santé des habitants de Taranto. Malgré le risque sanitaire qu'elle représente, l'usine emploie des dizaines de milliers de personnes. Sa fermeture serait un désastre social et économique qui coûterait, selon Corrado Passera, ministre de l'Economie, 8 milliards d'euros par an.

Dès le mois de février 2012 et la diffusion des rapports sur les dangers sanitaires et environnementaux que représentent l'Ilva, de nombreuses manifestations éclatent. D'abord celles des défenseurs de l'environnement qui se postent devant le tribunal de Taranto. Mais assez vite, ce sont les ouvriers qui descendent dans la rue, pour sauver leur emploi.

Le 26 juillet 2012, le tribunal de Taranto exige le séquestre de toute l'aile "à chaud" de l'usine pour manque de mesures de sécurité et danger pour la population. Cette décision met sur le banc de touche une bonne partie des travailleurs de l'usine. Le risque de fermeture s'accroît de jour en jour. Les quelque 11.500 ouvriers de l'usine sont en détresse, sans compter les nombreuses entreprises italiennes dont l'activité dépend du bon fonctionnement de l'Ilva.

Les ouvriers et syndicats manifestent et lancent des appels à la grève. Pendant ce temps à Rome, le gouvernement, les institutions locales et les syndicats signent un accord d'assainissement des infrastructures, dans le souci de trouver une solution rapide pour la réouverture de l'usine.

Trouver une solution qui convient à tout le monde

Pour le ministre de l'Environnement, Corrado Clini, la fermeture de l'Ilva aurait des conséquences sur le chômage au niveau national. Dans une interview accordée à Sky Tg24, il affirme qu'un "séquestre qui bloque les activités, et ferme les infrastructures est dévastateur car il empêche également le processus d'assainissement".

Le 3 août, un décret-loi débloque les fonds nécessaires pour engager les travaux d'assainissement. Le 11 août, une nouvelle ordonnance du Tribunal de Taranto exclut le président de l'Ilva, Bruno Ferrante, de la gestion des activités de l'aile "à chaud" et impose l'arrêt de la production le temps des travaux. Le 20 août, le tribunal annonce que la production peut reprendre à condition que les émissions de substances nocives cessent.

Vendredi 14 septembre, un nouveau pacte pour l'acier a été négocié avec le soutien de l'Union Européenne. Le montant des fonds nécessaires pour la mise aux normes des infrastructures a été réévalué et les parties concernées ont évoqué les conséquences de l'arrêt de la production sur les travaux. Enfin un budget de 395 millions d'euros doit être débloqué pour l'assainissement de la ville de Taranto.

Aujourd'hui, le décret-loi qui stabilise les interventions et investissements nécessaires devrait être adopté au Parlement. L'Ilva, une affaire à suivre?

Elise Bonnardel (www.lepetitjournal.com/rome) mardi 18 septembre 2012

Publié le 18 septembre 2012, mis à jour le 21 novembre 2012
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