Exposition des faits, analyses et surtout arrivée générale du mot « guerre », toute la presse française regarde ce qu’il se passe à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, en se demandant ce qui va suivre.


Jeudi 24 juillet 2025, la crise qui oppose la Thaïlande et le Cambodge depuis quelques semaines est devenue affrontements meurtriers. Vendredi 25 juillet 2025, au deuxième jour de cette nouvelle phase, le mot « guerre » est partout. Dans la bouche des dirigeants comme dans la presse. S’il se conjugue encore au conditionnel futur, il a de quoi sérieusement inquiéter.
Des espoirs diplomatiques
« Entre la Thaïlande et le Cambodge, une dangereuse escalade vers la guerre », titrait Courrier international. « Affrontements entre le Cambodge et la Thaïlande : Les incidents frontaliers meurtriers « pourraient devenir une guerre » », enchaîne 20 Minutes, rappelant que cette menace a été brandie par Bangkok, tandis que les combats ont repris malgré les appels à la désescalade. Question et éléments de réponse du quotidien : « Un nouveau conflit ouvert va-t-il éclater dans le monde ? Alors que les affrontements meurtriers ont repris entre la Thaïlande et le Cambodge le long de la frontière entre les deux pays, Bangkok a averti : ces incidents « pourraient devenir une guerre ».
Néanmoins, la Thaïlande assure être « prête » à résoudre le conflit qui l’oppose au Cambodge par la voie diplomatique ou par l’entremise de la Malaisie, pays assurant la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean), a déclaré vendredi le porte-parole du ministère thaïlandais des Affaires étrangères.
A la demande du Premier ministre cambodgien Hun Manet, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies doit se tenir vendredi à New York. Les Etats-Unis, la France, l’Union européenne et la Chine ont tous appelé au dialogue et à la fin du conflit. »
Entre signaux positifs et reprise des combats
« Mais les appels à la désescalade n’ont pas été entendus, poursuit 20 Minutes. Le différend frontalier qui oppose les deux royaumes d’Asie du Sud-Est a atteint un niveau de violence qui n’avait pas été vu depuis 2011, impliquant des avions de combat, des tanks, des troupes au sol et des tirs d’artillerie.
Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, qui assure la présidence tournante de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (Asean) dont la Thaïlande et le Cambodge sont membres, a indiqué jeudi soir avoir échangé avec ses homologues thaï et khmer. Le dirigeant s’était félicité de « signaux positifs et de la volonté montrée par Bangkok et Phnom Penh pour envisager cette issue », dans un message sur Facebook.
Mais quelques heures après cette publication, les combats ont repris dans trois zones vers 4 heures du matin, heure locale, a indiqué l’armée thaïlandaise. Les forces cambodgiennes ont procédé à des bombardements à l’aide d’armes lourdes, d’artillerie de campagne et de systèmes de roquettes BM-21, a déclaré l’armée, et les troupes thaïlandaises ont riposté « avec des tirs de soutien appropriés ». Bangkok a notamment déployé plusieurs avions de combat F-16 pour frapper ce qu’elle a présenté comme étant des cibles militaires cambodgiennes. »
La crainte d’une guerre des fait plus pesante
Si Libération ne met pas le mot « guerre » à la Une, titrant sobrement « Entre le Cambodge et la Thaïlande, les affrontements s’intensifient encore », Sud-Ouest se montre plus alarmiste en affichant « Tensions Thaïlande-Cambodge : Bangkok craint une « guerre » et des dizaines de milliers de déplacés ».
« La Thaïlande a prévenu ce vendredi 25 juillet que le conflit meurtrier l’opposant au Cambodge pourrait dégénérer en « guerre », à quelques heures d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, dans un contexte d’affrontements nourris, qui ont provoqué l’évacuation de près de 140 000 Thaïlandais », explique le quotidien.
La loi martiale dans plusieurs provinces thaïlandaises
Le Parisien a choisi de mettre en lumière un fait particulier en cette sombre période, « Affrontements entre la Thaïlande et le Cambodge : Bangkok proclame la loi martiale dans huit provinces. » « La tension ne retombe pas à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, y est-il exposé. Au deuxième jour d’affrontements meurtriers entre les deux voisins, le commandement thaïlandais de la défense des frontières de Chanthaburi et Trat a décrété ce vendredi la loi martiale dans huit districts frontaliers avec le Cambodge. Bangkok a en outre prévenu que le conflit pourrait dégénérer en guerre.
La loi martiale vise sept districts thaïlandais de Chanthaburi, le district de Mueang Chanthaburi, district de Tha Mai, district de Makham, district de Laem Sing, district de Kaeng Hang Maeo, district de Na Yai Am et district de Khao Khitchakut. Ainsi qu’un pour la province de Trat, le district de Khao Saming. »
Après les faits, les analyses
Et puis il y a les médias français qui, au-delà des faits, sont déjà dans l’analyse.
À propos du conflit Cambodge-Thaïlande, France 24 parle d’une « querelle de frontières qui attise le nationalisme ». « Ce nouvel accès de violence fait écho à des querelles de politique intérieure qui agitent les deux pays, explique le média. Au-delà du conflit symbolique et territorial, David Camroux, chercheur honoraire au CERI (Centre d’Etudes Internationales) de Sciences-Po, spécialiste de l'Asie du Sud-Est, voit avant tout dans ce nouveau regain de tensions « des questions de politique interne, des deux côtés. » « Il s'agit de se trouver une raison d'attiser le sentiment nationaliste et d'en profiter pour mener à bien certains objectifs politiques », estime-t-il.
Du côté cambodgien, le gouvernement a, en effet, tout intérêt à créer un sursaut de nationalisme parmi la population. Pour cause, le Premier ministre Hun Manet a annoncé mi-juillet que le gouvernement allait appliquer à partir de l'année prochaine une loi décriée, votée en 2006, mais jamais entrée en vigueur, sur la conscription des Cambodgiens âgés entre 18 et 30 ans. En Thaïlande, aussi, cette crise sert des intérêts politiques – ceux des rangs conservateurs, historiquement proches des militaires. Début juillet, le conflit a, en effet, provoqué la suspension de la Première ministre Paetongtarn Shinawatra. »
Ralentissement économique et mines antipersonnel dans le viseur
Pour Mediapart, « Thaïlande et Cambodge s’affrontent sur fond de ralentissement économique. La Thaïlande doit faire face à un épuisement de son modèle économique, tandis que le Cambodge atteint déjà les limites de son développement rapide.
Les Échos titrent quant à eux : « Mines antipersonnel, crise politique et temple khmer : ce qui pourrait conduire le Cambodge et la Thaïlande à la guerre », avant de détailler.« Une grande partie de l'escalade semble provenir du Cambodge, dont les troupes ont fortifié de nombreux secteurs avant les affrontements du 28 mai et ont déployé des moyens stratégiques immédiatement après », explique le chercheur Nathan Ruser, un spécialiste de l'analyse d'image satellite au sein de l'Australian Strategic Policy Institute (ASPI). Sur une multitude de clichés, partagés sur son compte X, l'analyste montre les travaux de déforestation et de construction de bunkers réalisés par l'armée khmère dans une zone frontalière théoriquement démilitarisée.
Au même moment, les troupes ont déployé dans ces zones, aussi patrouillées, à pied, par les militaires thaïlandais, des dizaines de mines antipersonnel. Mercredi, un soldat thaïlandais avait d'ailleurs perdu une jambe dans l'explosion de l'un de ces engins.
L’Asean dans l’embarras
Côté diplomatique, L’opinion estime que « le torchon qui brûle entre la Thaïlande et le Cambodge met l’Asean dans l’embarras ». « Les combats à la frontière entre les deux pays se poursuivent et suscitent l’inquiétude de leurs voisins, mais aussi de la Chine et des Etats-Unis, y indique-t-on aussi. Les combats à la frontière thaïlando-cambodgienne ont été condamnés par de nombreux pays, Washington se disant gravement préoccupé. « Les Etats-Unis appellent à la cessation immédiate des hostilités, à la protection des civils et à un règlement pacifique du conflit », a déclaré, jeudi, le porte-parole adjoint du département d’Etat, Tommy Pigott. Alors que la Thaïlande et le Cambodge ont échangé, vendredi, de tirs le long de leur frontière contestée pour la deuxième journée consécutive, qui ont fait au moins 15 morts et entraîné l’exode de plus de 120 000 habitants de la zone, les affrontements entre les deux voisins mettent de nouveau en évidence les difficultés de l’Association des nations du sud-est asiatique (Asean), dont les deux Etats sont membres, à gérer les situations de tensions en son sein.
La Chine, médiatrice attentive
L’Express, enfin, se concentre sur le géant régional. « Face au conflit Thaïlande-Cambodge, la Chine en médiatrice attentive », titre l’hebdomadaire.
« Officiellement neutre et appelant au dialogue, Pékin se pose en médiateur, indique L’Express. Mais son alliance stratégique avec le Cambodge et ses investissements massifs dans la région font de la Chine un acteur incontournable… et intéressé.
Les obus tombent sur les provinces frontalières thaïlandaises, des civils fuient par milliers, et une Première ministre est suspendue à Bangkok : la crise qui oppose la Thaïlande et le Cambodge depuis plusieurs mois a atteint son paroxysme avec des échanges de tirs meurtriers fin juillet. Officiellement, Pékin se tient à l’écart et appelle au dialogue. Mais dans les coulisses, la Chine, premier partenaire économique des deux pays et allié historique du Cambodge, s’impose comme le véritable arbitre de cette confrontation. Investissements massifs, coopération militaire et présence navale : le royaume khmer est devenu l’un des piliers de l’influence chinoise en Asie du Sud-Est.
Pékin, soutien historique du Cambodge
Si la Chine se garde de prendre officiellement parti et appelle à la désescalade, ses liens avec Phnom Penh la placent de facto dans une position d’allié implicite. Depuis la fin des années 1990, Pékin a fait du Cambodge un partenaire stratégique : des infrastructures financées sans condition, des prêts préférentiels, un soutien militaire discret, et surtout la modernisation de la base navale de Ream, qui offre désormais à la Chine un accès maritime stratégique dans le golfe de Thaïlande.
Les deux pays organisent également des manœuvres militaires régulières, les « Golden Dragon », exercices conjoints sino-cambodgiens qui visent à renforcer la coordination entre leurs armées et qui incluent des entraînements terrestres, aériens et maritimes. La Chine fournit en outre des armes, parfois sous forme de dons, et forme des officiers cambodgiens sur son territoire.
La Chine ne veut pas de rupture avec Bangkok
La Thaïlande, elle, adopte une position plus nuancée. Pékin est son premier investisseur étranger (24 % des investissements directs en 2023), mais Bangkok reste attachée à ses alliances traditionnelles avec Washington. Chaque année, elle participe ainsi aux « Cobra Gold », les plus grands exercices militaires multinationaux d’Asie du Sud-Est, organisés conjointement avec les États-Unis et destinés à tester la coordination en cas d’opérations humanitaires ou de conflit régional. Parallèlement, la Thaïlande s’intègre aux grands projets économiques chinois, comme la ligne ferroviaire à grande vitesse reliant la Chine, le Laos et le nord-est thaïlandais. En se posant en médiateur, Pékin poursuit un double objectif : préserver la stabilité de l’ASEAN pour garantir ses intérêts économiques et défendre son allié cambodgien sans provoquer une rupture avec Bangkok. »
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