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POLITIQUE - Au revoir Monsieur l'ambassadeur

Lapouge ambassadeur Lapouge ambassadeur
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Publié le 9 juin 2017, mis à jour le 6 février 2019

Jacques Lapouge est ambassadeur de France en Suède depuis septembre 2014. Il quitte ses fonctions aujourd'hui, vendredi 9 juin, pour laisser la place à son successeur, David Cvach. Détendu et souriant, il nous a reçu dans son bureau pour nous parler de sa mission et son rapport avec la Suède durant  les années qu'il a passées à l'ambassade de France en Suède.

 

 

Comment êtes-vous devenu ambassadeur de France en Suède ?

Je suis un diplomate de carrière. J'ai commencé comme jeune diplomate à 25 ans en Ethiopie, puis j'ai varié entre différents pays. Par la suite, je suis devenu ambassadeur en Malaisie et en Afrique du Sud, et j'ai tenu des postes à Paris. J'ai été directeur des affaires économiques et financières au ministère des Affaires étrangères et ai beaucoup travaillé sur l'Union Européenne. Ma connaissance des dossiers européens est une des raisons pour lesquelles j'ai été nommé ici.

Quel a été votre rôle en tant qu'ambassadeur en Suède pendant ces trois ans ?

Le rôle d'un ambassadeur est de contribuer au développement des relations entre deux pays.
Avant de venir ici j'étais ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique au Quai d'Orsay. La Cop 21 est un sujet que je connais très bien. Lors de ma première année ici, j'ai beaucoup travaillé et participé à des conférences sur la question. La Suède est un des pays les plus avancés en la matière. Elle vient d'ailleurs d'adopter une loi pour être totalement décarbonisée en 2045.

D'un point de vue économique, la France mène une bataille pour l'emploi qui se manifeste pour l'ambassade par la promotion et l'aide aux exportations françaises ainsi que par l'appel des investissements étrangers en France. J'ai donc rencontré des dizaines de grands patrons suédois à qui j'ai présenté notre pays et son attractivité. A l'inverse, j'informe Paris de ce qui se passe dans le royaume. Je constate que depuis quelques années, l'intérêt pour la Suède augmente.

Quel type de relations avez-vous entretenu avec les Français de Suède ?

J'ai rencontré essentiellement les représentants de la communauté française, les chefs d'entreprise, les membres de la chambre de commerce, les responsables d'associations, les représentants des partis, les parents d'élèves. Il y a au total plus de 9.000 Français en Suède et j'essaie d'en voir le plus possible.

Pouvez-vous évoquer les principaux succès économiques de ces dernières années ?

Environ 100.000 Français travaillent pour des grandes entreprises suédoises, Securitas, Ikea, H&M, Ericsson, Volvo et bien d'autres, possédant des structures en France. L'an dernier il y a eu vingt-cinq décisions d'investissement qui ont créé environ 500 emplois sur l'Hexagone. Le déficit commercial qui existait entre la France et la Suède a baissé de 70%.
Un domaine pour lequel la France a particulièrement bien évolué, c'est le commerce du vin. Nous nous situons désormais pour l'importation à la première place en valeur et à la deuxième en volume derrière l'Italie. (chiffres)

Qu'en est-il des échanges culturels entre la Suède et la France ?

Les échanges culturels ont été nombreux ces dernières années. Je pense au festival culturel de Stockholm qui invite chaque été un pays pendant une semaine. L'année dernière, nous étions à l'honneur. Lorsque vous vous promeniez dans le centre de la capitale, la France était partout.

Le cinéma de l'hexagone se porte également très bien ici. Une trentaine de films français sortent chaque année en Suède et nous sommes présents dans tous les festivals suédois. La France est par ailleurs la deuxième destination privilégiée par les étudiants suédois en Europe, et les Français sont le deuxième contingent d'étudiants européens en Suède. Il existe enfin de nombreux programmes d'échange pour les chercheurs dans de nombreux domaines d'études.

Quelles ont été les questions diplomatiques les plus significatives de votre mandat ?

Nos pays ont beaucoup parlé de l'Europe sociale. Les Suédois comme les Français ont le même souci de lutter contre le dumping social et nous agissons dans ce sens à l'échelle européenne. Il y aura un sommet sur l'Europe sociale à Göteborg le 17 novembre prochain, tous les chefs d'état et de gouvernements seront invités. Les réfugiés ont bien entendu été un autre grand sujet de discussion. Nous avons échangé nos pratiques pour que l'approche soit humaine, responsable, et solidaire au sein de l'Union Européenne. Nous avons également resserré nos liens en matière de lutte contre le terrorisme. De plus, la Suède est rentrée au conseil de sécurité des Nations Unies au début de l'année pour la période 2017-2018, et comme la France en est un membre permanent, nous nous sommes souvent concertés sur le sujet.

Quel est le souvenir le plus marquant de votre mission en Suède ?

Si je dois garder un souvenir tragique et fort de mon passage à Stockholm, c'est la période où nous avons tous été victimes du terrorisme. Les Suédois ont montré une grande solidarité. Je me souviendrai toujours du rassemblement du 11 janvier 2015 à Sergels Torg. C'était sous la neige, la place était remplie de milliers de Suédois et de Français qui communiaient après l'attentat de Charlie Hebdo. Les soutiens étaient également présents après le Bataclan, et bien entendu après l'attentat de Stockholm. Les liens entre nos deux pays en ont été renforcés.

Que peut-on peut apprendre des Suédois quand on est Français ?

Il y a beaucoup de choses que je trouve fascinantes en Suède. Ce que j'admire le plus, c'est l'équilibre entre le respect de la vie privée et la sphère professionnelle. Les Suédois arrivent à être collectivement efficaces et performants tout en conservant une vraie qualité de vie individuelle. La recherche du consensus est un autre élément très fort de la culture suédoise. On parlait d'écologie, c'est aussi une raison d'être admiratif de ce pays. Enfin, la parité entre les hommes et les femmes et la politique familiale sont impressionnantes.

Qu'est-ce qui vous a étonné en arrivant ici ?

Les Suédois disent toujours qu'ils sont un petit pays, et ce n'est pas de la fausse modestie. Mais l'envergure de leurs entreprises, leur image, leur influence, que ce soit dans le sport, la santé, la musique ou la culture, comme récemment avec la Palme d'Or à Cannes, en font un pays très intéressant et qui compte.

Qu'aimeriez-vous dire dire à votre successeur ?

Je souhaite lui dire qu'il a beaucoup de chance. Les années à venir seront très intéressantes, notamment en raison d'enjeux internationaux comme les négociations sur le Brexit, la défense européenne et le changement climatique. Je pense que le contexte est favorable pour développer encore plus les relations France-Suède. C'est un pays magnifique où il sera heureux, je l'ai visité de fond en comble, et je l'ai adoré.

 

Monsieur David Cvach, ancien conseiller du Président de la République François Hollande sur les affaires du Proche et Moyen Orient et d'Afrique du Nord, est pressenti pour être le nouvel ambassadeur de France en Suède. Il devrait recevoir l'agrément de la Suède dans les semaines qui viennent.

 

Benjamin Jung (lepetitjournal.com/stockholm), 9 juin 2017

 

photo © Ministère de l'Europe et des affaires étrangères / Frédéric de La Mure

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