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Le rap suédois, des années 1980 à aujourd'hui

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Concert de rap. Photo: CCO Public Domain
Écrit par Johann Tsati
Publié le 25 octobre 2018, mis à jour le 25 octobre 2018

La Suède est connue pour sa pop music qui a su conquérir le monde. Mais saviez-vous qu'elle abritait également une importante scène hip-hop ? Comme aux États-Unis et en France, le mouvement trouve sa source au début des années 1980. On revient ici sur ses évolutions et sur ses principaux représentants.

 

Les origines du hip-hop en Suède

 

À cette époque, le mouvement n'en est qu'à ses débuts et regroupe seulement une poignée de passionnés, principalement des graffeurs et des breakdancers. Les danseurs de l’époque se rassemblent régulièrement au parc de Kungsträdgården pour tester leurs pas et perfectionner leur style. Le lieu est alors l’épicentre du mouvement à Stockholm, de la même manière que le Trocadéro l’était pour Paris à la même époque.  Néanmoins, certaines bandes de jeunes viennent aussi chercher l’affrontement et les bagarres sont donc fréquentes. En 1987, des émeutes éclatent entre la police et les jeunes et plus de 150 personnes sont arrêtées. Le film Stockholmsnatt, qu’on qualifie aujourd’hui de culte, s’inspire de cette époque et relate ces évènements. Le thème et la bande originale du film, ancrés dans la culture hip-hop et rap, vont contribuer à sa diffusion en Suède.

 

Les précurseurs

À partir des années 1990, on voit émerger une scène rap suédoise. Le groupe The Latin Kings (TLK) est le premier à placer la Suède sur la carte. Composé du leader Dogge Doggelito et des deux frères Salla et Chepe, le groupe nous vient de Botryrka dans la banlieue sud de Stockholm. Ils sont tous trois originaires d’Amérique du Sud (Vénézuéla et Chili) et tirent leur nom du célèbre gang de rue latino. Leur album "Välkommen till förorten" (Bienvenue en banlieue), sorti en 1994, est un des premiers à être rappé en suédois. C’est novateur car à l’époque les quelques rappeurs suédois du circuit s’expriment surtout en anglais. En réalité les membres de TLK rappent dans une sorte de créole suédois qui emprunte des mots à l’arabe, au turc, à l’espagnol, au serbe etc. Ce dialecte, parlé dans les banlieues de Stockholm où sont concentrées les populations immigrées, est souvent appelé rinkebysvenska (du nom de la banlieue Rinkeby). Musicalement, les Latin Kings sont influencés par le son eastcoast américain de l’époque. Ils utilisent des samples de soul et de jazz tandis que l’ambiance et les thèmes sont sombres et mélancoliques.

Dans le même temps Infinite Mass, groupe créé par les deux rappeurs Amir Chamdin et Rodrigo « Rigo » Pencheff, émerge lui aussi. Ils s’inspirent de la G-funk américaine, courant du gangsta rap caractérisé par l’usage de samples de funk et de synthétiseurs donnant un ensemble mélodique idéal pour rider en voiture sous le soleil de Californie. Même si leurs textes sont en anglais, Infinite Mass est un groupe majeur du rap suédois. L’album "The Infinite Patio" (1995), vendu à plus de 200.000 exemplaires, va influencer toute une génération de MC.

Ken Ring est l’un d’entre eux. Le rappeur de Hässelby fait son apparition à la fin des années 1990 avec l’album "Vägen tillbaka" (sur le chemin du retour) (1999). Considéré comme le « bad boy » du rap suédois, il rappe principalement sur son quartier, sa vie et ses galères. Il connait des ennuis judiciaires avec le titre "Spräng Regeringen" dans lequel il parle de faire exploser le gouvernement et de violer la princesse Madeleine. Forcément, cette affaire va lui causer des soucis avec les maisons de disques, l’emmenant à sortir nombre de ses projets sur internet. Peu visible médiatiquement, il est néanmoins considéré comme une légende du rap suédois.

S’il est aussi reconnu par ses pairs, la carrière de Petter, de son vrai nom Petter Alexis Askergren, est à l’opposé de celle de Ken Ring. Originaire de Stockholm (Södermalm) il arrive dans le circuit en 1998 avec "Mitt sjätte sinne" (mon sixième sens). Son profil, blanc et pas originaire de banlieue, ainsi que sa musique caractérisée par des refrains chantés et des productions professionnelles vont lui assurer une popularité immédiate qui dure encore jusqu’à aujourd’hui. C’est lui qui va véritablement propulser le rap suédois sur le devant de la scène médiatique.

 

Ken Ring
Ken Ring lors du Quart Festival, Kristiansand, 2016. Photo: Photo: Tore Sætre / Wikimedia

 

Le rap suédois d'aujourd’hui

A partir des années 2000, le rap acquiert une nouvelle visibilité en Suède. Il devient un courant musical grand public et une flopée de nouveaux rappeurs apparaissent.

Historiquement très influencé par le rap américain, le hip-hop suédois va peu à peu s’en affranchir pour créer sa propre identité. Grâce à internet les barrières entre les différentes cultures musicales s'effacent et les influences se mélangent. Beaucoup de rappeurs suédois ont par exemple des affinités avec la scène reggae, dont on retrouve les sonorités chez des artistes comme Kapten Röd, Labyrint ou Timbuktu, qui est un des artistes suédois les plus populaires de ces dernières années. Mwuana et Fricky qui rappent et chantent sur des sons RnB aux accents caribéens ou encore Adam Tensta qui intègre des sons électro sur ses projets font aussi partie de cette nouvelle génération qui n'hésite pas à mélanger les genres.

À l’image du rap français, le rap suédois s'est donc diversifié pour évoluer et prendre aujourd’hui des formes très variées. 

 

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Cherrie, en voiture. Capture d'écran de la vidéo "Cherrie - 163 för Evigt ft. Z.E"


 

L’explosion de la scène rap en Suède s’est produite à peu près au même moment que la société suédoise connaissait des bouleversements importants. Le démantèlement de l’État providence consécutif de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement de droite a accentué les inégalités socioéconomiques. Dans le même temps, la pays a aussi vu un parti d’extrême droite entrer au Parlement. Face à ces changements majeurs, de nombreux artistes se positionnent et s’engagent dans leur musique, comme le groupe de Västerås Looptroop Rockers. Très connus en Suède comme à l’international pour leur engagement politique, ils dénoncent dans leurs textes les violences policières et le système judiciaire comme dans le titre "Long Arm of the Law". De manière générale la tendance dans le rap suédois est plus à un rap engagé que l'inverse. Le gangsta rap, valorisant la réussite personnelle via l'argent et les femmes, n'a pas une grande audience ici comparé à la France ou aux États-Unis.

Enfin ce qui fait aussi la spécificité du rap suédois aujourd’hui est que les femmes y ont une place importante. Parmi elles on peut citer l’expérimentée Linda Pira, la féministe Silvana Imam ou encore la nouvelle sensation de Rinkeby Cherrie. Toutes ont su développer leur propres styles et apportent quelque chose de différent de leurs confrères masculins.

 

Un grand merci à DJ Nassim pour ses précieux conseils!

 

 

Johann Tsati, le 25 Octobre 2018

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Publié le 25 octobre 2018, mis à jour le 25 octobre 2018

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