Le Fotografiska accueille cette année la "visual activist" et photographe sud-africaine Zanele Muholi pour son exposition Somnyama Ngonyama. Une série d’autoportraits explorant des thèmes tels que la justice sociale, les droits humains ou encore la représentation du corps des femmes noires. Un projet artistique sublime, puissant et militant. À découvrir absolument !
Portrait d’une photographe, Zanele Muholi
Zanele Muholi est née en 1972 à Umlazi, township situé au sud-ouest de la ville de Durban en Afrique du Sud. Elle vit désormais à Johannesburg où elle a étudié la photographie dans une formation avancée au Market Photo Worshop. Elle est également diplômée d’un MFA (master of Fine Arts) de l’université Ryerson à Toronto, spécialisé dans le documentaire.
L’artiste mène une double vie, jonglant entre son métier de photographe et son poste de professeure honoraire à l’Université des arts de Brême en Allemagne.
Le "visual activism" pour la reconnaissance de la communauté LGBTQI
Zanele Muholi se décrit d’abord comme une "visual activist" (activiste visuelle) avant d’être une photographe. La photo devient le support d’une lutte sociale, celle de la reconnaissance des droits de la communauté LGBTQI en Afrique du Sud. Son travail a été mondialement reconnu notamment au travers de son projet artistique "Faces and Phases". Une exposition bouleversante dans laquelle elle dévoile des portraits de membres de la communauté noire LGBTQI.
Elle a co-fondé en 2002 le FEW (Forum of the Empowerment of Women) et créé le média queer "Inkanyiso" en 2006, une source unique d’information sur l’art réalisée par et pour les personnes LGBTQI. C’est une plateforme qui s’adresse aux individu.es marginalisé.es et dont l’image est constamment détournée par la presse traditionnelle (www.inkanyiso.org).
Une carrière reconnue à l’international
La "visual activist" a exposé ses œuvres partout dans le monde : à São Paolo (2010), à Venise (2013), au Brooklyn Museum à New-York (2015), aux Rencontres d’Arles (2016), à Amsterdam (2017) etc. Ses photographies ont parcouru les lieux d’exposition les plus illustres tels que le Centre Georges Pompidou à Paris, le musée Guggenheim à New-York ou encore la South African National Gallery à Cap Town.
Somnyama Ngonyam, quand la photographe se trouve devant l’objectif
Il n’est évidemment pas simple pour un.e photographe de prendre la décision de quitter sa zone de confort et de se retrouver devant la caméra. C’est pourtant ce que Zanele Muholi a décidé de faire dans cette exposition unique. Une manière pour la photographe de se retrouver, de marquer un temps dans sa recherche principale. Celle-ci consistant à collecter des informations, des témoignages visuels d’une communauté victime d’oppressions, de discriminations et de crimes racistes afin de les archiver. Le travail de mémoire est essentiel et nécessaire dans l’activisme visuel pour apporter le témoignage de ces inégalités.
La série d’autoportraits "Somnyama Ngonyam" met en scène la photographe ornée d’objets, de matériaux variés qui l’accompagnent et symbolisent des revendications sociales, politiques. Une lutte acharnée contre la servitude domestique, les violences sexuelles, l’aliénation de l’âme par le capitalisme et le patriarcat prégnant qui encadre une définition du genre suffocante. C’est une critique profonde de notre société consumériste, de la destruction de notre environnement et de l’essence même de notre humanité.
Un militantisme visuel au message politique fort
Zanele Muholi nous délivre dans cette exposition des autoportraits d’une femme noire réalisés par une femme noire et s’approprie un travail souvent laissé entre les mains des privilégié.es. La photographie permet alors la déconstruction des préjugés sur les représentations du corps des Africaines, de leur sexualité et de leur liberté.
"Ma réalité est que je n’imite pas le fait d’être noire, c’est ma peau, et l’expérience d’être noire est profondément enracinée en moi. Tout comme nos ancêtres, nous vivons en tant que personne noires 365 jours par an, et nous devons parler sans crainte" clame Zanele Muholi.
Infos pratiques :
http://fotografiska.eu/
Fotografiska, stadsgårdshamnen 22, Södermalm
Exposition "Somnyama Ngonyam" jusqu’au 01 avril 2018
Prix : 135 kr, 105 kr pour les étudiant.es.
Horaires d’ouverture : du dimanche au mercredi de 09h à 23h et du jeudi au samedi jusqu'à 01h.
Louisa Karmoudi, 9 mars 2018