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ERASMUS EN SUÈDE – Je vais bien ne t’en fais pas II

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Publié le 26 janvier 2016, mis à jour le 20 novembre 2018

J'ai 21 ans, j'étudie la science politique, et vous écris frigorifiée d'un café où le thé brûlant ne parvient pas à me réchauffer. Il est 14h30, il fait déjà presque nuit, et j'ai l'impression qu'il est l'heure d'aller se coucher. Ah oui, j'ai oublié de préciser : je suis actuellement en Suède, à Göteborg, où j'effectue deux semestres en Erasmus. Pour le meilleur et pour le pire. Deuxième partie du récit autour de mon année en immersion.

 

Episode 2 : l'université en Suède

Si vous trouvez le système universitaire français trop stressant ou que vous voulez expérimenter une façon d'apprendre radicalement différente, la Suède est faite pour vous. Tout d'abord, ici les étudiants ne travaillent qu'une matière à la fois. L'équation est simple : un mois = un cours. Pendant un mois donc, vous vous retrouvés plongés dans un seul sujet, que vos cours et vos lectures permettent de traiter en profondeur. À la fin du mois, vous passez votre examen, puis vous enchaînez avec le mois ? et le cours ? suivant. Les Suédois que j'ai rencontrés m'ont confié qu'ils trouvaient que ce système permettait de vraiment approfondir un thème, contrairement à l'éparpillement des cours en France. Certains Erasmus sont convaincus, d'autres moins, parce que si le cours que vous suivez est ennuyeux, vous n'avez aucune échappatoire pendant un mois, et aussi parce qu'en juin vous êtes susceptibles d'avoir oublié ce que vous avez vu en septembre. Pour ma part,  j'aime beaucoup le système suédois, même si comme pour beaucoup d'étrangers, l'adaptation est difficile : si vous ne faites pas l'effort de lire par vous-même la quantité astronomique de textes demandée, vous risquez fort de vous retrouver démuni le jour de l'examen.

Crédit Photo : Rolf Broberg

Justement, l'examen, parlons-en : vous l'aurez compris, dans le système suédois, il n'y a donc pas de partiels. Finies les semaines entières d'épreuves à tout-va. Le système de notation dépend du domaine que vous étudiez et de votre niveau d'études (bachelor ou master), mais en général l'évaluation d'un cours se fait sur trois notes : une présentation orale sur un sujet, seul ou en groupe, un paper (un essai dont le nombre de pages varie en fonction de l'humeur du professeur), et un examen, qui peut être sur table comme en France ou fait à la maison en quelques jours. Il n'est souvent pas très difficile de valider son cours ? surtout pour un Erasmus et surtout si vous êtes en bachelor ? et les professeurs n'hésitent pas à mettre des notes très élevées s'ils estiment que vous avez fait du bon travail. En cas de mauvaise note, pas de panique, les Suédois sont les rois des rattrapages dénués de stress : vous pouvez repasser votre examen plusieurs fois, jusqu'à ce que vous l'ayez, pour caricaturer un peu?

Passons maintenant aux horaires, un sujet-clé pour tout Erasmus qui ne veut pas passer son année à ne faire que travailler. En classe préparatoire littéraire, en France, j'accumulais ? interrogations orales et écrites comprises ? une quarantaine d'heures de cours. À Sciences Po Lille, l'emploi du temps variait autour de 25h hebdomadaires. Ici, en Suède j'ai environ? 8h de cours par semaine. Diantre, me direz-vous, les étudiants suédois sont-ils donc les plus paresseux du monde ? Pas du tout, c'est juste que la façon d'enseigner est totalement différente en Suède. Autonomie, travail par soi-même, approfondissement et réflexion critique sont les maîtres-mots ? du moins en théorie. Alors qu'en France l'école en général est basée sur un système très hiérarchique où l'autorité et le savoir du professeur sont au sommet, en Suède la relation professeur-élève est beaucoup plus horizontale. L'étudiant ne reçoit pas seulement l'enseignement mais doit participer à sa construction. Les heures de présence effective en cours sont bien moins importantes, mais l'étudiant est censé travailler par lui-même bien plus qu'en France. Imaginons une semaine typique, avec trois cours de trois heures chacun. Pour chaque cours, l'étudiant est censé lire énormément de textes académiques qui se rapportent au sujet (en moyenne en sciences politiques, quatre textes de 20 pages chacun par exemple). S'ajoutent à cela les « lectures obligatoires », souvent un ou deux livres entiers qui traitent du sujet du mois. Toute ce corpus est loin d'être superflu : si vous ne la lisez pas, il vous sera impossible de réussir vos examens, car les professeurs suédois aiment bien commencer leurs questions par la petite phrase suivante : « En vous basant sur une étude critique du corpus, pouvez-vous dire que? ». Cependant, n'en faisons pas trop : une lecture « intelligente » des textes (c'est-à-dire une sélection des chapitres-clés ou des passages les plus importants) suffit à bien assimiler le cours et cerner les enjeux du sujet, et il est quasiment impossible de tout lire en réalité.

Certains de mes cours ? malheureusement ? étaient exclusivement réservés aux Erasmus, mais j'ai aussi assisté à des cours avec des Suédois. C'est dans ces moments-là que l'on se rend compte de la différence entre l'université suédoise et française. Ici, les étudiants participent énormément, n'hésitent pas à répondre au professeur ? qui de toute façon ne se prive pas pour poser des questions et demander leur avis aux élèves. Certains arrivent même au premier cours en ayant lu tous les textes, et n'hésitent pas à interpeller le professeur durant son exposé.

En Suède, j'ai donc pu découvrir et expérimenter une façon d'enseigner et d'apprendre totalement différente, beaucoup plus libre et plus sereine. Les professeurs se font appeler par leurs prénoms et organisent des pauses café avec les étudiants. Durant mon premier semestre, j'ai suivi un cours de politique comparée sur le système politique suédois, un autre sur les médias en Suède et un dernier sur l'avenir des politiques environnementales. J'ai pu choisir le sujet de mes papers, et écrire sur des thèmes aussi variés que les différences entre l'extrême-droite suédoise et française, le système médiatique suédois comparé aux autres pays ou encore la théorie de la dictature écologique. Au second semestre, j'ai choisi un cours sur l'histoire de la Suède des Vikings à nos jours, l'étude des genres et enfin les mouvements sociaux dans le monde. Salutaire pour certains, la liberté qu'offre le système universitaire suédois est néanmoins à double-tranchant : il faut avoir une bonne discipline personnelle pour faire l'effort de travailler par soi-même quand les professeurs n'imposent aucune obligation ? surtout en Erasmus.

Retrouvez le premier épisode ici et le troisième épisode .

Photo de Une : Wikipedia by Natonato

Marie-Jeanne DELEPAUL lepetitjournal.com/stockholm Mercredi 27 janvier

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