Dans le nord du Sápmi, le mois de septembre s'appelle Čakčamánnu, le mois d'automne. A Luleå, on l’appelle Ragátmánno, cela signifie le mois où les rennes mâles sont en rut. Dans le sud, on dit Skierede, ce qui signifie le mois où les rennes s'accouplent. On l’appelle aussi Gaekere, c'est-à-dire... caca de renne.
Intimement líée à la nature - et très imagée ! - la langue same est aussi plurielle. Pourtant, c’est une langue menacée dont certains dialectes ont disparu, le dernier pas plus tard qu’en 2003. Explications.
Appellation, origines et répartition
La langue same est issue de la famille des langues finno-ougriennes, vaste aire géographique qui va de la mer Baltique et du nord de la Scandinavie jusqu'à l'Oural et au Don. Mais on devrait plutôt parler des langues sames au pluriel, puisqu'elle est découpée en 3 groupes, le same du sud, le same central et le same du nord, divisés eux-mêmes en plusieurs variétés, 9 au total, communément appelés dialectes. Les disparités entre le same de l’est et le same du sud sont presque aussi grandes qu’entre le suédois et l’allemand, ce qui signifie que deux Sames de régions différentes auront du mal à se comprendre ! Mais comme les Sames sont un petit peuple, il a été décidé de se référer à toutes les variantes linguistiques sous une seule et même appellation de “langue same”. En Suède, on parle surtout le same central, réparti en 5 dialectes : le same du Nord, le same de Lule, de Ume, de Pite et le same du Sud.
Une langue vouée à disparaître
Sous la pression de la politique d'assimilation de l'Etat suédois jusque dans les années 60, le same était interdit dans toutes les sphères de la société. La pratique et l’enseignement en étaient interdits. On ne parlait same qu’à la maison, entre soi. Dès lors, le passage forcé au suédois et l’oubli de la langue same ont été assez rapides. La plupart des anciens n'ont jamais appris à lire ou à écrire en langue same. Sans parler de la stigmatisation de ceux qui à l’époque éprouvaient des difficultés à s’exprimer en langue suédoise. Parmi cette génération, beaucoup n'ont donc pas voulu transmettre la langue same à leurs enfants pour ne pas les exposer aux mêmes difficultés.
Le retour en grâce
Les temps ont changé, les moeurs ont évolué. La Suède a ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Depuis 2000, le same est reconnu en Suède comme langue officielle de la minorité autochtone same. La loi confère aux Sames le droit d'utiliser leur langue avec les autorités et les tribunaux dans une zone administrative couverte par 17 municipalités, et favorise également l’accès à l’éducation et aux soins en langue same.
Pour qu’une langue soit vivante, elle doit être pratiquée dans tous les domaines de la vie quotidienne. Elle doit aussi être enseignée, ce qui est dorénavant le cas en Suède où de plus en plus de jeunes Sames en font la demande. Enfin elle doit évoluer en fonction de la société et ses besoins.
Au cours des dernières décennies, des dizaines de milliers de nouveaux mots sont entrés dans la langue same, à la fois des mots d’emprunt et de nouvelles formations. Citons par exemple: sihkkel - bicyclette, dihtor- computer, ou encore mánáidgárdi - crèche (littéralement «enclos pour enfants»).
Aujourd’hui, on estime que seulement 20.000 à 30.000 Sames sur les 80.000 Sames sur tout le territoire suédois parlent le same. Selon l'UNESCO, les langues sames figurent parmi les langues les plus menacées dans le monde.
Pour aller plus loin :
Ceux qui le souhaitent peuvent apprendre la langue same (nordsamiskan) avec le livre Parlons lapon : Les Sames, langue et culture aux éditions L'Harmattan (1 janvier 1997) de Jocelyne Fernandez-Vest, la seule méthode en français pour vous y mettre. Bon courage !
Anne Donguy, (lepetitjournal.com/stockholm), 26 septembre 2017