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Riad Sattouf, entre Syrie et Paris : la BD d’un petit blondinet

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Léo Nouchi
Écrit par Lepetitjournal Stockholm
Publié le 24 octobre 2017, mis à jour le 24 octobre 2017

A l’occasion de la promotion de son ouvrage L’Arabe du futur, maintenant disponible en suédois, l’auteur de bandes dessinées franco-syrien Riad Sattouf a tenu une conférence à la Kulturhuset mardi 17 octobre. Il a également accordé un tête-à-tête à lepetitjournal.com/stockholm. Une rencontre généreuse et amicale avec un auteur perspicace.

 

Un auteur pluriel

Cinéaste, auteur, dessinateur et surtout conteur, Riad Sattouf est né de mère bretonne et de père syrien. Il a passé son enfance déraciné entre le Moyen-orient et l'Hexagone. Débutant sa carrière dans l’animation, la BD lui est venue naturellement. Il est l’un des seuls à avoir reçu deux fois le Fauve d’or au festival d’Angoulême. Le cinéma lui a également réussi, il a été récompensé du César du meilleur premier film pour Les beaux gosses.

Ce mardi 17 octobre, la salle presque comble a écouté l’auteur raconter l’avènement de L’Arabe du Futur, sa relation à ses parents, débattre des stéréotypes sur les Arabes, et aussi évoquer ses techniques de création. Il a eu le temps de faire quelques parenthèses sur ses autres personnages tels que le sulfureux Pascal Brutal, croisé de Schwarzy et van Damme, et son héroïne Esther, pseudonyme d’une petite fille bien réelle qu’il suit depuis ses 7 ans et dont il compte relater les aventures parisiennes jusqu’à jusqu’à l’âge adulte.

Riad Sattouf parle et charme, débordant d’anecdotes, sachant mélanger sérieux et humour. Il gratifie son public de jolis dessins esquissés sur un grand paperboard. Plus d’un spectateur a dû rêver d'en dérober les feuilles.

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Crédit photo : Killian Moreau

L’Arabe du futur : une fresque historique à travers l’œil de l’innocence

La Saga du “Futur” est pour son auteur née du besoin de partager le récit de son enfance, entre la Bretagne et la terre arabe. Son père, ayant bénéficié d’une bourse pour étudier en France, rencontre sa femme sur les bancs de la Sorbonne. Suite à la naissance de Riad en 1978, la famille se lance dans la grande aventure de l’idéalisme panarabe. D’abord en Syrie, puis en Libye, à la quête des dollars de Kadhafi. L’artiste relate la haine contre Israël, omniprésente en Syrie, la violence des jeux et surtout la chance qu’il a eu de vivre la Syrie des villages, cette Syrie qui lui a apporté une autre approche du monde alentour.

L’Arabe du futur est, outre le conte de la famille du petit Riad, sa mère, son père mégalo et son petit frère, l’histoire du monde arabe intercalé entre modernité, dollars, Soviet, dictature et sécularisation des années 80. Des sujets compliqués à aborder mais rendus plus accessibles grâce au dessin.

Les traits maîtrisés de Riad Sattouf nous rappellent, à travers ce regard de môme, un monde secoué par les révolutions. Il parle des dictatures de Hafez el-Assad ou de Kadhafi, des hausses de prix, du panarabisme, de la volonté de sécularisation.

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Crédit photo : @tous droits réservés

Un auteur en perspective

“Perspective” est un mot à maintes fois revenu durant la soirée à la Kulturhuset. “Perspective”, comme dans la création du dessinateur, celle de mettre le sujet au centre de l’histoire, par le trait, l’usage de la couleur. Et surtout la nécessité de mettre en perspective le contexte - rien n’est simple.. Je n’aime pas qu’on généralise, il y a une multiplicité d'histoires particulières.” On comprend alors que L’Arabe du futur est aussi l’histoire de sa mère occidentale perdue dans un nouvel univers entre mutation et tradition ; une perspective de femme et de mère.

 

Ses scénarios et ses lecteurs

“Les dessins sont des mots, j'utilise le dessin pour écrire.” nous explique l’auteur. Le scénario vient en même temps que le dessin et le texte, c’est tout un processus physique et solitaire. Questionné face au public sur le meilleur moment dans son processus de création, il a pointé l’instant salvateur où il dépose son œuvre chez l’imprimeur. Avant de se rétracter durant notre tête-à-tête : “Le meilleur moment, c’est quand je rencontre des gens qui ont lu mon livre ! La rencontre avec le public. J’aurais voulu leur dire cela, je n'aurais pas cru qu'il y aurait autant de monde! (…) La Suède est  l’un des pays où la critique a le moins parlé de mon travail.”

Son public aujourd’hui est bien plus large que les comics fans assidus des premières heures. Aujourd’hui, il s’enorgueillit de toucher un lectorat plus éclectique.“Une mamie de 83 ans m'a dit : "la première BD que j'aie lu, c'était Bécassine ! La seconde c'était l'Arabe du futur !" On ne peut pas me faire plus plaisir". Effectivement, un joli bond !

 

Riad et la Suède

C’est la première visite de l’auteur dans ce pays :  “Stockholm est une ville magnifique, moderne mais pas très originale. Tout semble propre, calme, serein. Cela fait un choc par rapport à Paris, tous ces vélos... On sent que c'est un pays très riche”. Il nous a alors parlé de son amour pour la France qu’il ne voudrait pour rien au monde quitter. Nous lui avons demandé comment il dessinerait la Suède. Il a répondu qu’il lui faudrait du temps, que les paysages ne l’intéressaient pas, seulement les gens. Nous aurions dû lui demander si, ici, les gens lui paraissent peut-être trop lisses et sereins, bien loin d’Esther, Pascal ou Riad petit.

 

Riad Sattouf, un homme à découvrir.

À maintes reprises décrit comme un génie par ses pairs tels Joann Sfar, c’est un Riad Sattouf jovial, généreux et avec un grand recul qui a su conquérir l’auditoire de la Kulturhuset. Il y a décrit avec beaucoup d’autodérision le petit garçon blond qu’il a été. “J’étais extrêmement beau, comme un petit Brigitte Bardot.” (…) pour ajouter plus tard “Dessiner pour moi, c'est comme se regarder dans un miroir, c'est assez désagréable, on voit tous les défauts...”. Cela prouve que Riad Sattouf est sincère dans l’homme qu’il est. “J’ai besoin de raconter des histoires. C’est comme respirer !”. Avec humilité, il ajoute : “ Les histoires arrivent directement dans ma tête. Je ne sais pas d'où. Ensuite, J’y pense sans arrêt. J’en ai besoin (…) Je suis assez mauvais rieur, il m’en faut beaucoup pour que je rie. Alors j’essaye de cultiver le rire comme une plante rare qui a un goût très particulier. Et qui met longtemps à pousser.”

Et pour ceux qui n’ont pas encore lu Riad Sattouf, à la question : “Pourquoi faut-il lire L’Arabe du Futur ?”, légèrement décontenancé, un peu timide, le bédéiste a répondu “Je ne sais pas, je veux pas faire genre… promotion.” avant de se ressaisir pour lancer sur un ton d’innocent blondinet “Parce que c’est la meilleure des bd ?!”, accompagné d’un rire franc.

Nous ne pouvons qu’être d’accord.

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Crédit photo : Léo Nouchi

La sortie du tome 4 de L’Arabe du futur est prévue pour le printemps/été 2018, fin 2018 en suédois.

 

Riad Sattouf L’Arabe du Futur 1, 2 et 3, Allary Editions

Riad Sattouf Framtidens Arab 1, 2 och 3,  Cobolt Förlag

Riad Sattouf, Pascal Brutal 1, 2, et 3, Fluide Glacial

Riad Sattouf, Les cahiers d’Esther 1, 2 et 3, Allary Editions

 

Léo A. Nouchi (www.lepetitjournal.com/stockholm), 24 octobre 2017

lepetitjournal Stockholm
Publié le 24 octobre 2017, mis à jour le 24 octobre 2017

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