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MÉDIAS – La télé suédoise, comment ça marche ?

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Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 3 août 2016

Lepetitjournal.com/stockholm a rencontré un analyste de l'audience et du marché de TV4, la chaîne de télévision privée la plus importante de Suède. Une bonne occasion de s'interroger sur la manière dont les chaînes publiques et privées sont financées, et sur l'avenir de la télévision avec l'arrivée des nouveaux supports de vidéo à la demande?

 

Un peu d'histoire?

1926 : Première transmission d'images animées par un système de télévision.

1956 : Décision du gouvernement d'introduire la télévision en Suède : naissance de la première chaîne, TV1.

1965 : Première émission en couleur.

1969 : Lancement de la deuxième chaîne publique TV2.

1987 : Lancement de TV3, première chaîne commerciale (chaîne privée exclusivement financée par la publicité).

1990 : Naissance de TV4, diffusée par satellite.

1992 : TV4 obtient l'autorisation de diffuser par le réseau terrestre, comme les chaînes publiques.

1996 : TV1 et TV2 sont rebaptisées SVT1 et SVT2.

Près de 60 ans après la naissance de la première chaîne de télévision, le paysage audiovisuel suédois s'est considérablement enrichi, l'offre est aujourd'hui très large, à condition d'avoir des couronnes à dépenser.

Seulement 3 chaînes accessibles gratuitement 

Le paysage audiovisuel suédois se compose d'un total de 25 chaînes principales, concentrant 93% de l'audience, dont 5 publiques (le groupe SVT). Les chaînes commerciales comprennent trois principaux groupes ? TV4 gruppen (9 chaînes), Discovery Networks Sweden (anciennement SBS, 13 chaînes) et MTG (4 chaînes) ? ainsi que C more, anciennement Canal +. Le schéma ci-dessous figure les parts d'audience, ou tittartidsandel, l'année dernière. Le service public devance toujours les groupes de chaînes commerciales.

 

Les chaînes publiques sont exclusivement financées par la redevance audiovisuelle d'un montant annuel d'environ 220?. Lorsqu'un Suédois achète une télévision, il reçoit un formulaire du service des impôts. Comme en France, ce système par déclaration est détourné et le gouvernement envisage donc d'intégrer systématiquement la redevance aux impôts. Mais contrairement à l'hexagone, il n'y a pas de publicités sur ces chaînes ! Les chaînes du service public n'ayant aucun but commercial, il est interdit de citer une marque? sans citer quatre autres marques concurrentes ! En France, le CSA préconise lui aussi d' « assurer une certaine pluralité » pour éviter toute publicité clandestine. L'offre publique est très diversifiée : outre les chaînes historiques généralistes SVT1 et SVT2, il existe une chaîne dédiée aux enfants, une chaîne d'actualités et une autre consacrée aux documentaires.

Seules SVT1, SVT2 et TV4, qui n'utilisent pas la transmission par satellite, sont accessibles gratuitement partout en Suède. Certains spectateurs ne comprennent d'ailleurs pas pourquoi il y a des publicités sur TV4 qui est souvent assimilée à une chaîne publique, puisque diffusée gratuitement?

La transparence et l'avant-garde suédoise sur la mesure de l'audience

Les premières mesures d'audience ont démarré au milieu des années 50 mais le système actuel, à une échelle nationale, a été mis en place en 1993. MMS (Mediamätning i Skandinavien) est l'organisme indépendant de mesure de l'audience, financé par l'ensemble des chaînes (et à 4% par l'Association des Annonceurs Suédois). La mesure de l'audience des « web-télés » ? site web diffusant tout contenu vidéo ? est lancée en 2011. MMS est alors le premier système au monde capable de mesurer la consommation vidéo via internet ! Prochainement d'autres médias prendront part à cette audience web, comme les grands sites d'actualité en ligne.

Pour mesurer l'audience télévisuelle, le nombre de ménages équipé d'un compteur est passé de 600 dans les années 90 à 1200 aujourd'hui, ce qui représente 2600 personnes de 3 à 99 ans. Les ménages sont scrupuleusement choisis de manière à représenter l'ensemble de la population suivant des critères de genre, âge, géographie, situation familiale, etc. Chaque membre du panel correspond à environ 5000 téléspectateurs et utilise une télécommande spéciale. Il faut par exemple indiquer s'il y a un ami présent devant la télévision en précisant son âge, de manière à collecter un maximum d'informations. Les ménages reçoivent une rémunération mensuelle, dont le montant est tenu secret. L'audience est ainsi mesurée minute par minute. À minuit, toutes les données de la journée passée sont envoyées à un serveur et sont disponibles dès le lendemain matin à 8h sous forme d'un rapport préliminaire, puis en fin de matinée arrivent les chiffres officiels. Dans un souci de transparence, les résultats d'audience sont mis en ligne par MMS. Si vous voulez savoir combien de personnes ont regardé le même programme que vous hier, consultez ce lien.

La ménagère suédoise a moins de 64 ans !

Contrairement aux chaînes du service public qui s'adressent à tout le monde, les télévisions privées n'ont qu'un objectif commercial et travaillent en amont sur leur positionnement et leur rendement publicitaire. Ainsi, la valeur d'un spot publicitaire dépend de la valeur de son audience estimée. Pour TV4, première chaîne commerciale suédoise, la cible des publicitaires est la téléspectatrice qui appartient à la tranche d'âge 15-64 ans. À titre de comparaison, en France, la fameuse ménagère qui intéresse les publicitaires a moins de 50 ans. Afin d'être le plus efficace possible, chaque chaîne définit son « groupe cible principal » de téléspectateurs en terme de tranche d'âge ou encore de proportion de femmes, afin de définir une grille de programmes adaptée : séries, films dramatiques, événements sportifs, actualités? L'audience de ces programmes (indépendamment de leur qualité) va déterminer la valeur des publicités.

Des prévisions pour l'audience des publicités

Pour vendre des espaces publicitaires, les analystes de la chaîne commerciale doivent faire des prévisions d'audience deux mois à l'avance. En fonction des résultats espérés et de la cible atteinte (genre, âge?), la marque devra verser une somme plus ou moins importante. Mais si les prévisions se révèlent fausses ? moins d'audience que prévu ?, les annonceurs obtiennent des crédits pour de nouvelles diffusions. Avec la baisse d'intérêt généralisée de la télévision chez le jeune public ces dernières années, les prévisions sont de plus en plus souvent fausses, et au lieu de signer de nouveaux contrats publicitaires, les chaînes de télévision doivent respecter leurs engagements de satisfaction et diffuser gratuitement des spots supplémentaires. La situation est telle que les annonceurs sont désormais obligés de faire la queue pour obtenir de nouveaux espaces publicitaires !

Le désintérêt des jeunes, un phénomène récent

Depuis 2009, l'audience est à la baisse : il y a 5 ans, un Suédois passait en moyenne 166 minutes par jour devant sa télévision ; en 2014, ce chiffre est descendu à 153 minutes. Mais les habitudes des téléspectateurs ont évolué en parallèle : les plus de 65 ans regardent de plus en plus la télévision avec une moyenne de 245 minutes par jour soit 4 heures, alors que les jeunes de moins de 24 ans délaissent le petit écran (72-85 minutes par jour) au profit des sites internet de vidéo à la demande comme Netflix. Si l'audience globale baisse peu du fait de ce nouvel équilibre, le changement de répartition des téléspectateurs par tranche d'âge a un impact direct sur les publicités puisque les seniors ne font pas partie de la fameuse « cible ». Les télévisions commerciales doivent donc faire face à une perte progressive de leurs recettes.

La suite au prochain épisode.

 

Fabrice EDDE lepetitjournal.com/stockholm Lundi 4 avril 2016 (reprise du 10/11/2015)

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