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LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS — Le footballeur Lilian Thuram en Suède

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Publié le 22 mai 2016, mis à jour le 19 mai 2016

C'était l'une des icônes de la France black-blanc-beur, celle qui a gagné avec panache la Coupe du monde de football en 1998 et qui a fait rêver toute une génération. Après sa brillante carrière footbalistique, Lilian Thuram a créé une fondation qui lutte contre toutes sortes de discriminations. Depuis, il parcourt la planète pour rencontrer les enfants du monde entier, et leur parler de respect. Début mai, il était de passage à Göteborg, deuxième ville de Suède. Lepetitjournal.com/stockholm y était.

« Je suis devenu noir à l´âge de neuf ans », raconte Lilian Thuram. Neuf ans, c'est l'âge où il a quitté sa Guadeloupe natale pour s'installer en France. C'est aussi l'âge où il a subi les premiers regards appuyés et les premières moqueries, seul enfant noir dans une classe entière de petits Blancs. « C'était la première fois que l'on me faisait une remarque sur ma couleur de peau. Ma mère m'a expliqué que les gens étaient racistes et qu'il fallait faire avec. Aujourd'hui, avec le recul, je me rends compte qu'elle disait faux : le racisme n'est pas une fatalité. Il est culturel, historique, donc on peut le combattre. »

Lilian Thuram vivait en banlieue, avec une mère célibataire, et une ribambelle de frères et s?urs. Dans son quartier « vivait le monde entier » : Pakistanais, Portugais, Italiens, Vietnamiens? Il raconte avec émotion le plaisir qu'il a eu à grandir dans ce bouillon de cultures. Mais regrette aussi qu'à l'adolescence, il ait commencé à voir les communautés et les identités se refermer sur elles-mêmes. Il commence le foot assez tard, à 12 ans, dans une petite équipe locale. C'est là qu'il apprend tout, et surtout le plus important : « Le foot m'a appris à construire du commun, il fallait se mettre à disposition du collectif pour faire gagner l'équipe. J'ai compris que si l'on était à l'écoute des autres, on devenait plus performant. » Il apprend également l'importance d'oser aller vers les autres, sans porter de jugement hâtif. Ses entraîneurs lui avaient déconseillé de changer de club pour évoluer dans le prestigieux club de Fontainebleau, au motif que les enfants là-bas étaient des « bourgeois » qui ne l'accepteraient pas. Têtu, Lilian Thuram ne les a pas écoutés, et a rencontré à Fontainebleau l'un de ses meilleurs amis d'enfance, Frank. « Quand je suis arrivé, tous les enfants portaient des vêtements de marque et avaient une peur bleue de s'aventurer dans la cité où j'habitais. Mais je me suis accroché », raconte-t-il.

Tout au long de sa carrière, il a dû essuyer les remarques racistes. Il rappelle qu'en 1998, Jean-Marie Le Pen, leader de l'extrême-droite à l'époque en France, avait jugé qu'il y avait « trop de Noirs » dans l'équipe de France de football : « Le risque de ce genre de message, c'est que certaines personnes finissent par penser qu'elles ne sont pas à leur place, qu'elles ne sont pas légitimes. Il devient alors pour eux impossible de développer leur estime de soi, pourtant essentielle à la vie. » Selon lui, il est très important de comprendre les mécanismes du racisme afin de ne pas en souffrir : « le racisme, c'est le refus de reconnaître que l'autre fait partie de la même humanité. » Les gens deviennent racistes lorsque ceux qu'ils méprisent accèdent à des postes de responsabilité ou des fonctions de pouvoir. « Avec la visibilité énorme du foot, le racisme dans le sport n'est qu'un reflet du racisme ambiant dans la société. » Toute sa vie, il s'est répété comme un mantra : « Ce sont les racistes qui ont un problème, pas moi ».

Aujourd'hui, Lilian Thuram témoigne parce qu'il pense que la meilleure arme contre les discriminations et ce qu'il appelle les « prisons identitaires », c'est la connaissance. Il explique avec malice vouloir « aider les racistes » à se débarrasser de leurs préjugés. Selon lui, l'éducation enferme les personnes noires dans l'infériorité partout dans le monde. Les discriminations se répètent par habitude, et tout le monde finit par penser que les Noirs n'ont jamais rien fait d'intéressant. C'est la raison pour laquelle il a écrit Mes étoiles noires, un livre-somme qui répertorie les grandes figures noires de l'histoire de l'humanité, « de Lucy à Obama ». Mais plus que le racisme, l'ex-footballeur combat toutes les discriminations : contre les femmes, les homosexuels, les religions des autres? « On peut être Noir et raciste » rappelle-t-il. « Le message que je veux faire passer, c'est celui du questionnement permanent de nos schémas de pensée, souvent hérités de nos parents. » Dans la salle, une jeune femme applaudit, bientôt suivie par toute l'assemblée. Son petit garçon, un Suédois noir de peau, subit quotidiennement les moqueries de ses camarades. Elle espère qu'il aura la force de se battre tout au long de sa vie. En matière de racisme, la Suède, comme la France, a encore des progrès à faire. 

 

Crédits photos : DR

Marie-Jeanne DELEPAUL lepetitjournal.com/stockholm Mardi 24 mai 2016

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