A la veille des 20 ans de l’Association des professeurs de français de Singapour (APFS), sa présidente, Sophie Undorf-Bouvier, nous explique les objectifs et les défis de ce regroupement volontaire d’enseignants du français. Investie dans la formation des enseignants et la diffusion de la langue française et des cultures francophones, l’association promeut les valeurs propres à la Francophonie dans l’environnement multilingue que constitue Singapour. La promotion d’un enseignement de qualité du français, la participation de la communauté francophone aux événements de soutien à la Francophonie ainsi que la coopération avec ambassades, institutions, organisations culturelles et entreprises installées dans la cité-Etat sont au cœur de la mission de l’APFS.
Quel est votre parcours ? Comment l’idée d’enseigner le français s’est-elle imposée à vous ?
A l’origine, je suis diplômée en sciences politiques. Après une expatriation aux Etats-Unis, je me suis installée à Paris où j’ai commencé à donner des cours d’alphabétisation. C’est cette expérience qui m’a donné envie d’enseigner le français. J’étais non seulement passionnée par la transmission de la langue mais aussi par la richesse du contact avec des apprenants aux profils très différents. J’ai repris mes études et j’ai passé un master 2 en ingénierie de la formation dans l’enseignement du Français langue étrangère (FLE). À Singapour, j’ai enseigné à des étudiants de tout horizon et de tout âge : aux adultes, en entreprise, dans des écoles internationales ou locales, en accompagnement d’enfants qui suivaient le programme FLSco au Lycée français, à l’Alliance française. J’ai acquis une connaissance approfondie des besoins de mes élèves qui m’a incité à fonder mon école de langue et à garder une vision élargie de l’enseignement du français à l’étranger. Je suis aujourd’hui professeure à l’Université nationale de Singapour (NUS).
Qu’est-ce qui vous a amené à vous engager au sein de l’Association des professeurs de français de Singapour ?
Au-delà de l’enseignement du français en tant que tel, j’avais besoin de donner du sens à mon métier. Enseigner le français, c’est aussi véhiculer une identité culturelle. L’APFS a pour mission de faire vivre la Francophonie à Singapour. Les professeurs sont effectivement en première ligne pour transmettre la langue mais aussi les cultures francophones. Sans l’enseignement du français, l’ouverture aux cultures francophones à l’étranger serait plus limitée.
« L’APFS se veut un maillon fort de la Francophonie en Asie à travers des partenariats et des événements visant à explorer les enjeux liés à la promotion des cultures francophones dans leur pluralité et la formation de qualité des enseignants du français »
A l’APFS, nous avons aussi pour rôle de valoriser le métier d’enseignant du français en offrant des formations adaptées. Il y a une pénurie de formation diplômante de qualité, notamment pour les personnes en reconversion qui souhaitent enseigner le FLE et qui se tournent souvent vers la certification rapide alors que cette dernière ne délivre aucun enseignement pratique. En 2017 et en 2019, l’APFS a organisé deux séminaires régionaux qui ont réuni près d’une centaine de participants et dont l’objectif était de fournir des outils pour la pratique de l’enseignement du FLE.
Comment l’association fonctionne-t-elle ? Qui finance ses activités ?
L’APFS dépend de la Commission Asie-Pacifique (CAP), composée de 21 pays et dont le rôle est de fédérer les associations partenaires. Cette dernière fait elle-même partie intégrante de la Fédération internationale des professeurs de français (FIPF). L’APFS représente donc Singapour dans les conférences sur la Francophonie organisées dans la région. La gestion des activités et leur financement s’est complexifié pendant la pandémie de Covid avec la baisse d’activités dans les écoles, l’étiolement de l’engagement des bénévoles et le renouvellement fréquent des équipes au sein des institutions partenaires.
L’association peut néanmoins compter sur le soutien régulier de l’Ambassade de France, l’Alliance française, le Bureau du Québec et le Centre régional des études francophones d’Asie-Pacifique (CREFAP) de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) au Vietnam.
Quels sont les événements régulièrement proposés par l’APFS ?
L’APFS organise plusieurs événements à visée promotionnelle et formative tout au long de l’année :
- Le French Student Idol (FSI). C’est un concours de chansons interprétées en français qui met en scène des apprenants de français. Cette année, le FSI accueillera des participants de 10 pays de la région. Il se tiendra le samedi 19 octobre à 18h30 à l’Alliance française. Un buffet vin et fromage sera offert dans une ambiance décontractée et l’inscription est gratuite.
- Les Joutes oratoires. Il s’agit de débats inter-institutions entre apprenants de français (catégorie non-francophones ou natifs). Les Joutes oratoires ont été introduites en 2015 par David Sheppard (Tanglin Trust School). Le prochain événement aura lieu le jeudi 28 novembre à UWCSEA East.
- La Journée internationale des professeurs de français. Le 21 novembre, conférences et vidéos seront partagées au niveau régional.
- Les séminaires de formation pour les enseignants. Ils ont lieu une année sur deux et rassemblent 80 spécialistes de l’enseignement du français à l’étranger.
- Le Mois de la francophonie. Un sommet réunit en mars des experts de la Francophonie venant des 5 continents (plus de 40 nationalités représentées) pour célébrer la langue française.
En décembre 2023, vous avez organisé un congrès international sur le thème du plurilinguisme et de l’interculturel regroupant plus de 350 experts de 40 nationalités différentes, venus de tous les continents. Qu’est-ce que cela a changé pour l’association au-delà de son succès en matière de visibilité ?
Le congrès a permis de s’inscrire dans un mouvement global de sensibilisation aux enjeux de la Francophonie. Il a mis en évidence une mobilisation régionale exceptionnelle qui contraste malheureusement à un certain désengagement de la part des représentations politiques à Singapour.
« Singapour représente une plateforme d’échanges au niveau économique. Pourquoi la cité-État ne le deviendrait-elle pas en termes d’échanges linguistiques et culturels au service de la Francophonie ? »
Il faut rappeler que Singapour ne fait pas partie de l’Organisation internationale de la Francophonie et, de ce fait, n’a pas de mission liée à la Francophonie à proprement parler. Pourtant il y a une volonté d’apprendre le français et de s’intéresser aux cultures francophones. Par exemple, le français se maintient à la troisième langue apprise à la NUS depuis une quinzaine d’années.
Combien compte-t-on d’enseignants du français à Singapour ? La profession est-elle soumise à des limitations ?
En 2017, nous comptions environ 300 enseignants de FLE pour 10 000 apprenants. Une nouvelle étude devrait voir le jour l’année prochaine pour actualiser ces données. On ne peut pas dire que la profession soit sous-représentée mais des contraintes lui sont imposées.
D’une part, les lois de l’immigration à Singapour rendent très difficile l’obtention d’un permis de travail pour les petites structures comme les écoles de langue privées. Seules les écoles internationales ont un budget suffisant pour remplir les critères financiers liés à la délivrance d’un Employment Pass.
D’autre part, le manque de formation pour les personnes qui souhaitent se reconvertir à l’enseignement du français nuit à l’image de la profession qui s’en trouve dévalorisée. C’est une tendance inquiétante que nous essayons d’enrayer à l’APFS car garantir un enseignement de qualité est une condition nécessaire pour promouvoir de manière effective la langue et les cultures francophones dans le monde.
A votre avis, quels seront les nouveaux défis que l’association devra relever dans les prochaines années ?
Il sera essentiel de faire de Singapour un acteur vivant au sein de la Francophonie en Asie, et cela passe par le rassemblement de tous les professeurs de français à Singapour pour participer à la chaîne de la Francophonie dans la région et renforcer cette chaîne par des missions ciblées nationalement et régionalement.
Il faudra aussi tenter de déconstruire l’idée selon laquelle la Francophonie, c’est acheter du Hermès ! Le véritable esprit de la Francophonie émane du soutien apporté à l’enseignement du français et aux enseignants qui ont un contact direct avec les jeunes.
« La Francophonie est un combat qui se vit dans nos actions, à travers nos pratiques d’enseignement et pas seulement sous la forme de discours ».
Enfin, un défi important consiste à inscrire la Francophonie dans un mouvement plus vaste de solidarité qui peut s’exprimer sur un plan philanthropique (dons des entreprises) et communautaire (participation des familles aux événements de l’association) afin d’accentuer la visibilité de l’association et d’accroître la mobilisation pour la Francophonie.
Le prochain événement de l’APFS, le French Student Idol, aura lieu le 19 octobre à 18h30 à l’Alliance française. Il s’agit d’un concours de chansons en français, avec des participants venus de 10 pays de la région.
Le prochain événement de l’APFS, le French Student Idol, aura lieu le 19 octobre à 18h30 à l’Alliance française. Il s’agit d’un concours de chansons en français, avec des participants venus de 10 pays de la région. C’est un événement gratuit et familial, mais il faut néanmoins s’inscrire. Un petit buffet « vin et fromage » sera offert. Réservez la date et ne manquez pas cette soirée !
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