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LEE KUAN YEW – Vues d’un homme sur le monde (1)

Écrit par Lepetitjournal Singapour
Publié le 23 mars 2015, mis à jour le 1 avril 2015

Dans un livre  sorti en 2013, Lee Kuan Yew, disparu le 23 mars 2015, livrait ses réflexions sur le monde et sur Singapour. L'ouvrage abordait successivement les grandes régions du monde et faisait place à des réflexions plus intimes : discipline quotidienne pour rester en forme, considérations sur la mort et rapport avec la religion, dialogue avec un ami, en l'occurrence l'ex-Chancellier Allemand Helmut Schmitt.

Pour le lecteur occidental, indiquait-on à l'époque, le livre était l'occasion d'emprunter d'autres lunettes, celles d'un homme politique, certes diplômé de Cambridge et très ouvert sur le monde, mais Singapourien, Asiatique, expert des relations avec la Chine et les autres pays de la région. Une expérience qui n'était pas toujours plaisante : les considérations sur l'Europe et la France, par exemple, n'étaient pas aussi encourageantes que l'on aurait voulu l'entendre. Il était en tout cas enrichissant. Quand Helmut Schmitt et Lee Kuan Yew évoquaient ensemble les leaders politiques ayant marqué d'une empreinte exceptionnelle le siècle dernier, le premier citait Winston Churchill, le second Deng Xiaoping.

Réflexions sur le monde

CHINE - Lorsque Lee Kuan Yew avait rencontré Deng Xiaoping en 1978, il lui avait - avec modestie, disait-il - fait valoir que la Chine, compte tenu de ses talents, pouvait emprunter le même chemin que Singapour avec un succès encore plus grand. A posteriori, il confiait cependant que, selon lui, la Chine n'était pas en mesure d'atteindre le niveau de Singapour, d'une part en raison de l'absence de « rule of law », au sens de la séparation entre ceux qui conçoivent les lois (le parlement) et ceux qui en contrôlent l'application et l'interprétation (les juges), d'autre part du fait de la corruption.

ANGLAIS - Où l'on prenait la mesure des enjeux stratégiques liés au choix de la langue dans la construction et le succès de Singapour. Lee Kuan Yew revenait à plusieurs reprises dans son livre sur l'importance du choix de l'anglais comme première langue. Un choix motivé par le souci d'avoir une langue commune à l'ensemble de la population, mais aussi par des considérations économiques. « L'anglais est la langue du monde », indiquait-il. Il représente à ce titre un atout pour attirer les multinationales à Singapour, tandis que les langues maternelles permettent de se connecter aux grands pays de la région : Chine, Inde et Indonésie. ?

- « Dans quelle langue s'exprime-t-on à Singapour lorsqu'on veut acheter un ticket de transport ? » demandait Helmut Schmitt.

-« En anglais », répondait L'ancien Premier ministre, « Le chauffeur de taxi parle anglais. L'anglais est pratiqué dans tout le pays parce qu'il est enseigné comme une première langue dans les écoles ».

- « Ai-je raison de comprendre que cet aspect fait partie des plus importants ? poursuivait l'ex Chancelier allemand ».

- « En effet, acquiescait Lee Kuan Yew, si nous avions choisi un autre chemin, qui aurait permis à chaque groupe ethnique de conserver sa langue maternelle comme première langue, les gens auraient été divisés. Il y aurait eu des conflits sans fin, pas de progrès ».


EUROPE - Zone Euro. Lee Kuan Yew n'était pas convaincu que l'euro puisse être sauvé. En tous cas pas sous sa forme actuelle. « Le problème, soulignait-t-il, est qu'il ne peut y avoir intégration monétaire sans intégration fiscale. Parmi les scénarii envisageables, l'ancien Premier ministre retenait, sans y croire, la solution d'une intégration fiscale,  la BCE devenant une sorte de FED, l'hypothèse de la rupture, ou encore, celle d'une rupture partielle, avec une Europe à 2 ou 3 vitesses. « La question, poursuivait Lee Kuan Yew, est de savoir s'il existe un « c?ur » présentant un ensemble homogène en ce qui concerne la compétitivité économique, capable de maintenir (les pays) ensemble, malgré les forces centrifuges. Un tel noyau devrait indubitablement être conduit par l'Allemagne, le plus âpre au travail du lot, avec la Belgique, les Pays bas et le Luxembourg. Je ne vois pas la France ( concluait Lee Kuan Yew) devenir aussi disciplinée que l'Allemagne. La France a plutôt vocation à être le noyau du second cercle ».

Economie. Parmi les causes du manque de dynamisme de l'Europe, Lee Kuan Yew pointait l'Etat providence et la rigidité des lois du marché. Dans le contexte de globalisation des économies, écrivait-il en substance, l'Europe n'a plus les moyens de maintenir le système en l'état. Faire évoluer l'économie vers les secteurs à forte valeur ajoutée en s'appuyant sur le haut niveau d'éducation de la population est sans doute judicieux mais ne constitue pas une stratégie suffisante sur le long terme, quand la compétition se fait avec le Japon et que rien n'empêche la Chine ou l'Inde de se hisser rapidement à des niveaux comparables.

Bertrand Fouquoire (www.lepetitjournal.com/singapour) mardi 24 mars 2015

Lee Kuan Yew- One man's view of the world- Straits Times edition/ Photo: Couverture du livre

 

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Publié le 23 mars 2015, mis à jour le 1 avril 2015

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